mercredi 23 novembre 2011

La Caméra Comme une Arme

Récemment je voyais un journaleux d'une station de télé convergente nous "prouver" qu'il était facile de se faire passer pour un médecin et de changer les prescriptions en faisant de la fausse représentation au téléphone.

Ça m'agaçait et je ne savais pas trop pourquoi. Pas que ce soit facile de tricher, ça tout le monde le sait, la télé plus que quiconque, tricher fait désormais parti de nos vies. Non ce qui m'agaçait c'était le journaliste lui-même, convaincu de sa propre importance et foncièrement satisfait de pouvoir prouver à tout le monde que l'incompétence traine partout. Avec nos leaders au pouvoir, on l'avait compris ça aussi, pardi.

Ce qui m'a achevé c'est cette pub par la suite, sur la même station (station qui nous montre toujours plus qu'elle nous renseigne) qui nous présentait dans un 15 secondes de promo un vidéo qu'un citoyen leur avait envoyé. La vidéo nous montre un gars qui en filme un autre et dans un échange viril le caméraman commence:
"T'es qui toi? un gréviste?"
"Ouain, Pis?
"T'as pas le droit de faire ça"
"Pis toi t'as pas le droit de me filmer non plus".
Et on devine une main sur la caméra et une légère bousculade qui s'ensuit.

L'ironie est grande et là j'ai compris ce qui m'agressait dans tout ça.
Le gars qui se fait filmer a raison. La caméra n'est pas une arme qui donne droit à tout. Les gens bien renseignés savent que pour que votre image soit diffusée en ondes, le cinéaste doit vous faire signer un "release". C'est en partie ce qui a obligé cette même station à brouiller les visages de pédophiles pris au piège dans d'habiles guet apens quelques semaines auparavant et de brouiller le visage du gréviste dans ce clip.

Seul dans des circonstances d'évènement en direct, les règles peuvent s'assouplir légèrement et ce, jusqu'à ce que les avocats s'en mèlent, donc dans des situations toujours momentanées. Dans le houleux dossier des chantiers de construction "qui tombaient soudainement en grève" une journaliste a saisi à l'image un pauvre abruti sans éducation en pleine crise d'hystérie qui s'est mis à hurler incohéremment en parlant de dictature et il est revenu en ondes plusieurs fois car il donnait un bon show. Mais un show qui ne rendait justice à personne. On a vu le clip et le monsieur pendant une heure ou deux, le temps que les avocats se penchent sur le dossier et par la suite on a envoyé les images aux oubliettes. Premièrement ce pauvre bougre s'était probablement mis dans le trouble par rapport à bien de gens de son entourage, secundo, il n'était pas du tout représentatif de la majorité des employés sur le terrain, et finalement, légalement la télé n'avait pas tous les droits sur ce brave homme, très énervé. Dans un grand moment de totale naiveté, quand on est revenu réinterviewer ce même homme deux autres fois, il a commencé en disant "pourquoi vous me faites répéter? je vous l'ai toute dit tantôt!". Ce qui forçait chaque fois la journaliste à lui dire "tantôt on était en direct, là on fait la capsule des nouvelles". On était dans les cordes du marionnettiste. Dès la soirée on ne voyait plus les images de l'hystérique de l'après-midi.

Revenant à  l'émission qui nous présentait le clip du gréviste et du caméraman, un autre clip nous présentait une portion d'une vidéo filmée par le téléphone d'une ado qui avait capté une conversation entre une chauffeuse d'autobus et elle-même. J'avais vu ce clip au préalable dans son entièreté et on nous l'avait présenté comme un clip de mauvaise attitude de la part d'une chauffeuse à l'égard d'une ado. La chauffeuse était effectivement à bout de nerfs, toutefois la petite christ était une impitoyable manipulatrice que l'on entendait même manipuler et déformer les propos de la chauffeuse. C'est bien entendu cette portion qu'on a montré aux "nouvelles" qui faisaient mal paraître la chauffeuse mais il manquait tout le build-up de la petite tab...La chaufeuse devenait une victime du montage cheap d'un/une amateure qui ne cherchait qu'à créer de l'effet.
Son attitude à la petite aurait mérité une sévère baffe. Son piège était bête et ses images étaient une arme. La chauffeuse a été punie par son employeur. Victoire de la petite christ. Et c'était vraiment une petite christ. Fallait l'entendre pour comprendre qu'elle savait se jouer des gens. La chauffeuse a t-elle été réèllement "punie"? je ne sais pas, être son employeur je l'aurais tout juste placée sur un autre trajet. Ce qui n'aurait pas empêché les caméras de cette station de moron de la retrouver, de la pourchasser et de nous faire un autre topo. Qui devient le réèl agresseur dans tout ça? La caméra batinsse!!!!!!!

Cette émission se  targue de nous dire que ce sont nous qui leur trouvont les "nouvelles" en leur envoyant des images et autres invasion du genre, mais en même temps c'est tout le contraire d'une nouvelle, c'est à peine un fait divers. "une photo de ce qui semblait être un chat dans une cage à oiseau"...

(...)

Semblait?

Then verify your fact assholes!!!

Vous faites vos nouvelles à partir d'une photo? C'était peut-être un toutou, c'était peut-être pour une demie-heure, le temps qu'on lave son réèl espace vital, c'était peut-être la seule cage pour un transport furtif...MÊLEZ VOUS DE VOS AFFAIRES!!!!!!

Mais pour réèllement me courroucer, montrez-moi l'assassin d'Utoya en Norvège. Cet animal vit son heure de gloire. Il a toute l'attention qu'il cherchait à avoir depuis si longtemps. Chacun de ses déplacements, toujours suivis par une meute de journalistes, fait place à un visage d'une fierté remarquable. Le gars est convaincu qu'il est un artiste en train d'exposer son oeuvre. Et on lui donne toutes les tribunes pour qu'il explique sa cause. Il est heureux comme un enfant, en ayant assurément la maturité émotive, et savoure tout tout TOUT ce qui lui arrive.

Il est la star de son horrible film d'horreur et il a raison de croire à sa folie, il quitte les bureaux des représentants de la loi et les caméras sont partout. Il est toujours tout sourire et bientôt il devrait porter des lunettes fumées car les flashs pourraient être épuisants pour ses yeux. Il fait attention à lui quand même.

Le père de Vincent Lacroix, un sévère olibrius dont on a vite compris que la pomme, Vincent, était tout de même née d'un arbre, a vu des caméramans et une journaliste se pointer à sa porte autour de 7h du matin au plus fort du procès contre son fils. Comme il penche plutôt du côté du singe, il leur a répondu à coup de bâton de baseball.

Je condamne son geste, mais le comprend tout à fait.

Qui agressait qui à l'origine?
À 7h00 le matin?

Un mot de Fellini: Paparazzi.

Avec l'essor de la téléphonie, l'essor de Facebook qui prône la mort de l'intimité, les images sont appelées à prendre de plus en plus de place dans nos vies.

Bientôt les caméras obtiendront le statut des pourriels.
On les fuiera comme la peste.
Le paparzisme tue, on l'a déjà vu.
Fermez vos caméras, les rats.

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