mercredi 2 novembre 2011

Dommage à Charlie Kaufman

Être scénariste c'est accoucher de bébés et les livrer à l'adoption.

Charlie Kaufman n'a pas la bonne attitude du scénariste. 
Et pourtant je l'aime beaucoup.

Sans trop le réaliser j'ai remarqué récemment que j'ai dans ma vidéothèque, 3 des 8 films dans lesquels il a été impliqué. Avoir trouvé Confession of a Dangerous Mind pas cher j'aurais 50% de sa production artistique en ma possession.

Kaufman n'est pas un bon scénariste car il ne sait pas s'effacer. À l'écrit, un scénariste écrit toujours sur lui-même dans une certaine mesure. Quelques fois caché dans un personnage, quelque fois au centre de l'intrigue, quelque fois en parrallèle, quelque fois subtilement, toujours en trame de fond. Un scénariste est toujours partie intégrante de sa propre histoire. Même quand il raconte les autres. Mais avec Kaufman c'est droit au but. Il se raconte pratiquement toujours. L'histoire du scénariste déchiré entre Hollywood et les films d'auteurs, l'histoire du jeune homme qui apprend à vivre avec les souffrances du passé, l'histoire d'un metteur en scène qui apprend à jongler entre ses veillétés artistiques et sa femme qui le quitte pour Berlin avec sa fille. Dans Adaptation, les deux personnages principaux sont même carrément appellés Donald et Charlie..Kaufman (en plus de lui ressembler dangereusement). Tout ça est volontaire et souvent très très drôle. En plus d'être relativement éclaté et toujours original. J'ai tout simplement aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaadoré Being John Malkovich, j'en avais pleuré de rire.  J'ai aussi beaucoup aimé Adaptation. Premièrement parce que j'ai une formation de scénariste et que c'est un conflit perpétuel que le scénariste de suivre son flair ou tenter tout simplement de plaire. De plus Meryl Streep, Tilda Swinton, Nic Cage et Chris Cooper sont tout simplement sensationnels dans ce film botanique. J'ai aussi avec moi The Eternal Sunshine of the Spotless Mind, un merveilleux film de Michel Gondry qui offre à Jim Carrey son meilleur rôle. Dans ses trois films on ne s'ennuie jamais. Les réalisations de Spike Jonze (dans les deux premiers) et de Gondry sont tout simplement exceptionnelles. Le scénario de Kaufman leur offre un super tremplin de création. Voilà des esprits artistiques qui fonctionnent très bien ensemble. On ne pourrait pas dire la même chose de George Clooney et Charlie Kaufman. Pour Confession of a Dangerous Mind, l'histoire de la vie surexcitée et sans goût aucun de l'animateur de télévision Chuck Barris, Clooney avait demandé à Kaufman de lui adapter le scénario pour le cinéma*. Kaufman l'a fait mais en a voulu à Clooney par la suite pour avoir consulté Barris pour les retouches afin de rendre le film à son goût.
Kaufman n'est pas un bon scénariste pour ce type de réaction. Il s'agit du film de Clooney, c'est lui qui le réalisait. C'était son premier et c'était extrèmement réussi. C'était lui le boss. Dans une moindre mesure, c'était aussi le film de Chuck Barris, toujours vivant, dont on racontait la vie de Cocaïnomane Inflicted Addict (CIA: ce n'est pas tout le monde qui a saisi la métaphore dans le film). Kaufman devait s'attendre à arriver troisième au fil d'arrivée. Un bon scénariste doit savoir faire preuve d'humilité.

"La procédure habituelle d'un scénariste est de livrer le scénario et de disparaître" a-t-il dit, c'est généralement vrai, il en tient à la relation scénariste/réal de voir si le second fait plus d'espace au premier mais en général c'est "deliver, we'll pay and we'll call you if you still want your name on the final product.". Mais Kaufman rajoute aussi que ce type de fonctionnement n'est pas pour lui, qu'il veut être impliqué du début à la fin, que Gondry et Jonze l'ont compris et respectent cette technique. Tant mieux pour Kaufman mais ces réalisateurs ne représentent franchement pas la majorité.

J'aime beaucoup l'écriture de Charlie Kaufman car le style évoque un croisement de Franz Kafka, Samuel Beckett, Stanislaw Lem, Philipp K. Dick, Flannery O'Connor, Stephen Dixon, Shirley Jackson, Patricia Highsmith, Lars Von Trier, Alexander Pope et David Lynch. Des gens pour la plupart que j'aime beaucoup aussi.

Mais si le scénariste s'impose comme un boulet au réalisateur, là je trouve qu'il beurre épais sur la toast.
Si il veut avoir la main sur le volant qu'il réalise lui aussi.

Et c'est ce qu'il a fait. Il a écrit, produit et tourné Synecdoche, New York en 2008. Un film à l'esthétique fort impressionnante pour un premier effort derrière la caméra. Lance Acord, Ellen Kuras auparavant et maintenant Frederick Elmes, il faut dire qu'il a toujours eu d'excellents directeurs photos pour tourner ses écrits. Toutefois le scénario était si lourd, si étouffant, (et c'est probablement l'effet qu'il voulait créer afin que l'on souffre au même rythme que son personnage principal) que je n'ai pas beaucoup aimé. Pas du tout même. Je jongle suffisament moi-même dans ma propre tête pour ne pas tenir aussi à gambader dans le triste cirque de celle des autres.  Il avait déjà exploré ce territoire maintes et maintes fois déjà il me semble. Avec Kaufman ça se passe toujours au-dessus du cou. Cette fois j'ai trouvé qu'il y avait de la redite. Que c'était excessivement chargé et d'une lourdeur désagréable.

Son prochain film racontera l’histoire construite autour de deux personnages parallèles Frank Arder et Francis Deems. Le premier (joué par Steve Carell) est un scénariste prétentieux et vantard devenu réalisateur. Son dernier film a fait sensation à Hollywood après avoir été nominé pour un nombre record de 29 oscars. Or dans ce film, Arder joue le rôle principal – un sans abri – mais aussi tous les autres rôles y compris des femmes et des enfants et des personnages de différentes ethnies dont des afro-américains. Le second (joué par Jack Black) est un bloggeur et commentateur vantard et arrogant sur un blogue de cinéma, en très mauvais rapport avec Frank Arder et qui vit dans le grenier de ses parents. Ces critiques acerbes lui ont valu quelques suiveurs. Un troisième protagoniste vient s’ajouter à l’intrigue : Alan Modell (joué par Nicolas Cage) est un comédien sur le déclin et hôte de la cérémonie des oscars, qui est connu pour son rôle dans une franchise cinématographique extrêmement populaire. Enfin Kevin Kline – qui s’est joint dernièrement au casting dans un double rôle – incarne Jonathan Waller un réalisateur, dont le dernier film qui était en lice pour les oscars n’a pas remporté la statuette du Meilleur Film, et incarne aussi son frère Richard. Découragés par cet échec ils décident de créer un logiciel sensoriel, après avoir analysé tous les vainqueurs des oscars, recracher le seul scénario méritant d’être récompensé. Le résultat est un script parfaitement calibré intitulé Dieu. Les deux personnages principaux auront en plus une histoire d’amour chacun et en bonus dans le récit, on trouvera également une serveuse roumaine et deux pouces qui ont le pouvoir de parler, conspirant en faveur d'un programme politique roumain.

Ça c'est un condensé de l'histoire, je vous épargne le reste...
Suis-je le seul à être fatigué à lire ceci?...

Épure Charlie boy, épure un brin...
Ça devient fatiguant de suivre ton chemin.
Et de plus en plus schyzophrénique.

*L'excellente réalisation de Clooney est inspirée de l'autobiographie de Chuck Barris.

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