jeudi 30 septembre 2010

Luc et la Bible


Luc Gubre avait des idées noires depuis longtemps.

Une intensité inexplicable venait l'habiter, une nervosité acendante, comme un vent de panique venait paralyser ses journées. Et dans des moments tout aussi inexplicables.

Il devait faire des choses toutes simples qui lui paraissaient soudainement extrèmement compliqué. Se désister de son abonnement au journal pouvait représenter une hantise pendant toute une journée tant que ce n'était pas fait.

Luc était en perpétuel combat avec lui-même. Cette fois il perdait, il en avait assez.

Il avait remarqué qu'à l'église, tout juste à côté, des constructions avaient débutés au début de l'été. Depuis quelque temps, rien ne semblait avancer. Une longue corde pendait de l'échafaudage et Luc la voyait de sa chambre qu'il payait déjà trop cher et dont le propriétaire venait d'augmenter le tarif sans raison. Luc regardait cette corde qui faisait toute la longueur de l'échafaudage et se voyait jouer à Tarzan avec.

Mais cette journée-là, ce samedi pluvieux où le reste de la planète s'amusait pendant que lui s'isolait davantage dans son 2 1/2, il était décidé. Il allait escalader l'échafaudage déserté depuis des semaines. Il allait se glisser la grosse corde autour de la taille puis autour du cou aussi. Il se lancerait dans le vide et s'étranglerait dans le processus. Il metterait fin à ce parcours qui le faisait passer de chemin d'ombrage en chemin d'ombrage. Cette fois son sentier serait plein de lumière.


Et il le fit.

C'est à ce moment que le Curé Zonab, par pur hasard, alors que rien ne lui indiquait qu'il aurait dû passer par là, sinon quelques secrètes voix célestes, passa près de l'échafaud.

Il vit Luc se dandiner tel un pantin, bien pendu, le visage de plus en plus empourpré. Il n'hésita pas à se mettre au travail et à le tirer d'embarras. En deux temps, trois mouvements, le rondelet curé s'était trouvé des qualités d'athlètes et avait escaladé l'échafaud  afin de sauver le malheureux.

Ce dernier était évidemment confus, gêné, distant. Le curé fît de son mieux pour le faire parler. Il lui offrit une présence, un bras autour des épaules, un regard intense dans celui perdu du jeune égaré. Le curé glissa même machinalement quelques mots sur Dieu, sur la force de la vie, sur l'amour, sur la foi. Il lui avait peut-être vanté les vertus de la prière, il ne savait plus, il était si énervé, si conduit par l'adrénaline qu'il parlait sans cesse afin de le garder éveillé. Luc n'enregistrait rien mais il l'entendait. Il le regardait, il reprennait contact lentement avec la réalité. Il avait été si près d'être ailleurs.

Le curé lui donna une bible en lui disant que cette bible serait son guide. Qu'il pouvait l'ouvir n'importe où, il y trouverais de l'inspiration.

Luc se sentit légèrement plus allumé. Pendant que le curé appelait des secours au téléphone, Luc en profita pour quitter les lieux.

Il traversa la rue et retourna dans son loyer. Il mît le recommendation du curé à exécution.
Ouvrir le bible n'importe où et y trouver de l'inspiration. Il aimait ça.

Il ouvrit.
Il lut:
"Courage et repents-toi"

Cette fois il ferait cela dans son garde-robe.

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