mercredi 25 juin 2025

Zombies

Vous avez suivi la série The Walking Dead ?
Vous avez remarqué que jamais le mot zombie n'y a été prononcé ? 

La BD pour adultes de Robert Kirkman & Tony Moore duquelle la série est tirée, tout comme dans le film de George A, Romero des années 60, ce mot n'y est jamais prononcé. On parle de walkers dans la série télé et la BD et de undead dans le film de Romero. 

Mais outre du royaume des morts, d'où viennent les zombies ? 

Avant de devenir des morts vivants, des êtres sans âmes errants, émotivement inexistants, les zombies étaient liés à quelque chose de très spirituel. Nés, (morts?) en Haïti. 

Le pays était originalement habité par des Tahitiens. En 1492, Christophe Colomb s'y installe et l'île est dévastée par des maladies européennes qu'ils ne savaient pas guérir.  La main d'oeuvre était devenue nécessaire et on importait d'Afrique une population noire qui allait être exploitée comme esclaves dans une île qui se réinventait. 200 ans plus tard, on estime qu'il y a plus de 2000 esclaves encore sur l'île. Vers la fin du 18e siècle, on estime que l'île est la plus lucrative colonie sur terre. Supportée entièrement par le travail des esclaves. Les abus sont absolus. Les morts au travail, courantes. On les fait travailler en moyenne 17 heures par jour et on les nourrit mal. Ils ne sont qu'outils. Il n'y a rien d'humain. 

La pratique vaudou est alors plus que rituel religieux ou folklore, le vaudou est une rébellion. Zoombie, dérive d'un mot africain voulant dire "esprit" ou "diviniser", représentant une certaine perte de contrôle. Il était alors cru que ceux et celles qui mourraient de causes non naturelles, comme le meurtre, pouvaient sortir de leur tombe. Leurs corps vulnérables dans un état "déconstruit" pouvaient être ressuscités des limbes par une sorcière ou un sorcier docteur. Ni vivants, ni morts, ils n'étaient...que zombies. 

Haïti devient indépendant en 1804 après 13 ans de brutaux et sanglants affrontements avec bien des envahisseurs. L'île devient la première république démocratique noire dans le monde. Mais la liberté se gagne à un fort prix. La quarantaine économique. Les empires craignent alors les esclaves et leurs possibles révoltes. Haîti existe, mais on ne les laisse pas vivre. On fait de embargos commerciaux et la France les extorque en les achetant. Malgré son indépendance, ils sont encore abusés et vivent au crochet de ce que leur offre les pays étrangers. Sous la présidence républicaine d'Abraham Lincoln, celui-ci reconnait leur indépendance, mais dans le but d'un jour (qui ne viendra pas) leur négocier le retour en Afrique d'esclaves fraichement libérés des États-Unis. 

De mars à Juillet 1915, le président Vilbrun Guillaume Sam liquide 167 de ses opposants politiques. Quand c'est su, on le jette en prison, puis, on l'en sort et on le bat à mort publiquement, désarticulant complètement son corps, en arrachant mêmes de morceaux, ce qui créé une image collective marquante pour la population. Le président Woodrow Wilson, des États-Unis, ordonne alors à ses marines d'aller investir l'île, ce qui deviendra une occupation Étatsunienne de 20 ans. 

Janvier 1916, avec une tête morte depuis juillet l'année d'avant au bout d'une lance, on se promène dans les rues avec la tête décapitée du président Sam pour se rappeler ses crimes impardonnables. Plusieurs autres parties de son corps sont aussi dispersées un peu partout et toujours bien exposées. Vers 1935, William Seabrook, étrange personnage aux multiples vies et aux drôles d'habitudes, était journaliste alcoolique, fasciné par l'occulte, ayant même fréquenté à quelques reprises Aleister Crowley,  en 1919, après une guerre où Seabrook avait survécu à la bataille de Verdun. Auparavant, voyageant en Afrique dans les années 30, il découvre une tribu cannibale qui lui montre ses passions. Qu'il partage avec eux...et importera jusqu'en France où il convainc un stagiaire en médecine de lui donner un morceau de cadavre pour se sustenter. 

Il dira que c'est un peu comme du veau, pas tellement du boeuf encore. Peu voudront le tester à leur tour. Auteur, il en fera le sujet d'un livre inspiré du vaudou et du cannibalisme. Seabrook avait, comme journaliste, entendu parler des esclaves travaillant 85% des heures du jour et errant épuisés, les yeux vides, comme morts ou aveugles, qui ne semblait rien voir, et les membres du corps amoindris ou raidis par l'effort. Maigres et mal nourris. Il a jumelé tout ça pour faire des Zombies, des morts vivants, désincarnés à la recherche de s'alimenter. Parfois ces travailleurs étaient mentalement déficients ou drogué(e)s par leurs employeurs. Ce qui ajoutait au spectacle d'horreur bien réel. Le chapitre Dead Men Working in the Cannes Fields, tiré du livre The Magic Island de Seabrook, et issu de ses observations,  lancé en 1929, sera l'esquisse de l'univers futur des zombies. 

Le timing est parfait. Dracula, Frankeinstein, Freaks, Dr Jekyll & Mr Hyde, The Invisible Man, font fureur au cinéma. Il y a aussi ce notable film indépendant, qui plante le nom pour toujours, White Zombie, de Victor Halperin, met en vedette Bela Lugosi, est est partiellement inspiré du chapitre de Seabrook qui a fasciné. L'action s'y passe en 1932, en Haïti. Et raconte la transformation d'une femme en zombie aux mains d'un vilain chef vaudou, incarné par Lugosi. C'est un succès qui s'inscrit dans l'imaginaire collectif des publics d'Amériques. 

Suivront King of the Zombies, I Walk With a Zombie, Voodoo Man et même des Zombies Nazies dans Revenge of the Zombies avant même la fin de la Seconde Grande Guerre. 

Le communisme vient hanter les États-Unis comme le "wokisme" le fait actuellement chez les gens dépassés par leur époque. On associe alors toutes nos peurs aux Zombies. Nazies Zombies, zombies communistes, zombies extra-terrestres, armée de zombies afin de prévenir les vivants de ne pas construire de nouvelles bombes atomiques chez Ed Wood. Les zombies s'adaptent à leur époque.  

Dans les années 60, les États-Unis avaient besoin de renouveler leur zombie. George A. Romero ne fait jamais dire le mot "zombie" dans The Night of the Living Dead. Mais le film est si marquant que même le titre reste épique. Il seront principalement appelés "ghouls". 

Ces zombies ne servent aucun maitre. Ils ne sont que hordes de morts vivants. 

Ça devient dérangeant. C'est si violent que ça parle à l'Étatsunien moyen. Qui s'y reflète tant que 45 ans plus tard, le destin du personnage de Romero, incarné par l'acteur Duane Jones, est le même que celui du jeune transgenre Dwayne Jones

Une ligne est tracée. 

Les zombies ne sont plus seulement eux. 

Ce sont nous.

Il y a moyen de les éradiquer, Détruire le cerveau, déloger la tête. Comme on l'avait fait avec le président Sam. 

Ils sont toujours terrifiants.

Ils ne parlent pas, il est donc inutile de raisonner avec eux. Il n'y a pas d'humanité en eux afin de les faire changer d'idée.

C'est apeurant de faire face à quelqu'un comme ça, avec lequel on ne peut pas communiquer. 

C'est Karoline Leavitt face à un(e) journaliste par exemple. 

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