mercredi 1 février 2023

Effacements

1994

Ma douce amoureuse choisit de quitter son 418 pour venir vivre plus près de moi, à Montréal. Très tôt dans notre amour commun, je l'avais avisée, si nous devions nous prendre au sérieux, comme couple, il fallait qu'elle sache que je n'avais pas l'intention de retourner vivre à Québec. C'était Montréal, ensuite New York ou Londres, mais pas Boomer City. Deux ans plus tard, elle m'appellait me disait avoir vomi et passé l'aspirateur partout chez ses parents après avoir pris une grosse décision: elle venait vivre à Montréal. C'était une touchante déclaration d'amour que je salue encore, plus de 30 ans plus tard.

Étudiants universitaires nous étions. Mais l'été de 1994, nous étions en congé scolaire. Je travaillais de jour, de midi à 22h30, comme ticketier au cinéma du Complexe Desjardins, tout juste en face de la Place-des-Arts. Le cinéma était bien caché au niveau du deuxième étage. Pour s'y rendre, il fallait prendre des escaliers roulants. C'était apparement un ancien cinéma de films porno, disait-on. Je ne sais pas si c'était vrai ou si ce n'était que des inventions de projectionnistes. Nous avions comme tâche, une fois les films démarrés, de laver les salles de bain . C'est là que j'ai vu que la toilette des femmes est toujours pire que celles des hommes. Les hommes ne passent pas beaucoup de temps devant le miroir et ne se font pas tous un siège de confort en papier avant de s'assoir sur les bols. Dans la toilette des femmes, il y avait du papier PARTOUT! et els comptoirs de lavabos et miroirs étaient aspergés de je-ne-sais-quoi qui faisait en sorte qu'on se battait pour ne pas faire cette tâche. Au moins dans la toilette des femmes. Et ça c'était avant chaque film et à la fin du dernier. On peinait à imaginer si on sautait un ménage...Ce serait plus dégueulasse encore. 

C'est aussi dans une de ces toilettes que j'avais surpris Macha Grenon avec son partenaire amoureux, y faire je-ne-sais-quoi, mais ensemble dans la même cabine, riant de toutes leurs dents avant de prendre la fuite, amusés. 

Le jour des 48 ans de l'amoureuse, en 2018, ce cinéma devenait les bureaux de le CNESST. 

Ce qui était intense, de juillet à août 1994, était que j'y travaillais de midi à 22h30, mais qu'ensuite, de minuit à 8 heures du matin, je travaillais aussi, à Verdun, au club Video Esprit sur Wellington. Au deuxième étage. Je faisais beaucoup d'argent. Je dormais peu, pendant un mois, un mois et demi, mais je faisais des sous. Et j'étais riche en films. Et entendons nous, je ne souffrais pas au boulot. Au Complexe, c'était assez tranquille et au club vidéo, de nuit, plus tranquille encore. Et fallait sonner au premier pour entrer me rejoindre au deuxième. Je me tapais 4 films par soir. Je pouvais même me permettre de dormir jusqu'à ce que ça sonne en bas. Ce que je faisais, de temps à autres. C'était le bonheur. Les clubs vidéos sont morts, eux aussi. 

1992-1999.

J'ai consommé, étudié, travaillé dans le monde du cinéma. Et quand j'ai commencé à vivre à Montréal, ma boite aux trésors, en ce qui concerne la location de films, était La Boîte Noire., située sur St-Denis. J'y ai passé des heures à me faire des festivals de réalisateurs/réalisatrices, aurait pu y travailler, et lors de sa fermeture, j'ai pris congé car ils faisaient une vente des films qu'ils avaient. J'allais m'en acheter entre 20 et 30. Des films précis. Bien entendu, les employés s'étaient servis en premiers. Au final je n'en avait acheté que 4. Un Godard, un Tarkosvky, un Robbe-Grillet et Tu Dors Nicole, de Stéphane Lafleur, par instinct. Un instinct qui ne m'a pas trompé souvent. La Boîte Noire a fermé en 2016. 

Archambault Musique & Livres

1995-2001

J'ai d'abord travaillé à celui de Laval. Me jurant ne jamais vouloir y vivre. Puis j'ai travaillé au centre ville. Ou au contraire, je souhaitais y grandir le reste de mes jours. Encore aujourd'hui, j'y retournerais demain. Quand j'y circule, je gagne deux pouces de grandeur, et je suis d'une humeur que je ne me connais plus. Je me sens vivant. Au sous-sol du magasin centenaire, puis, dans la partie arrière, au dessus de la caisse populaire, j'y travaillais dans les bureaux. Un job que j'aurais fait toute ma vie si ils avaient été moins radins. C'était quand même Québecor. Quand j'ai quitté, c'est une chasseuse de tête qui m'avait recruté. J'avais changé d'emploi pour l'argent. Geste que j'ai regretté toutes les fois. Je m'y étais lié d'amitié avec l'auteur Stéphane Dompiere, avec qui j'ai travaillé, l'acteur/politicien Martin Laroche, avec lequel j'ai travaillé. Le bassiste de Vincent Vallières, Mo Gasse et moitié de Saratoga avec qui j'ai travaillé, le calviériste de Malajube avec lequel j'ai travaillé, le saxophoniste de Gogo Jungle qui était mon assistant.  J'y ai fait de très belles rencontres, dont Annie Brocoli, Dumas, Daniel Bélanger, Jean Leloup et Nelly Arcan avec lesquels j'ai échangé (je vous dis pas quoi). J'ai encore plusieurs de ces liens amicaux, plus de 20 ans plus tard.

Le magasin, ouvert en 1896, au coin de Berri & Ste-Catherine, fermera ses portes en juin. J'y serai, c'est certain. On y sera plusieurs j'imagine, sur 127 ans, y en a eu du monde là-dedans. Nous aurons une larme à l'oeil en souvenir de ce si bel environnement. 

On apprenait ce week-end que le bar Le St-Sulpice, sur St-Denis, qui nous accueillait sur sa majestueuse terrasse intérieure ou à l'intérieur de ses trois étages, ou encore sur sa terrasse donnant sur St-Denis, que nous étions étudiants ou non, mais majoritairement étudiants avec l'UQAM presqu'en face, allait aussi fermer ses portes...

À quand la mort des bibliothèques?

Question de m'effacer complètement.

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