vendredi 10 avril 2020

Dix Fois Kurosawa (+1)

L'immense influence du cinéma du réalisateur japonais Akira Kurosawa (entre 1943 et 1993) a inspiré John Ford, George Lucas, Steven Spielberg, la Nouvelle Vague Française, Roman Polanski, Orson Welles, Wes Anderson, Peter Jackson, Stanley Kubrick, Robert Altman, Bernardo Bertolucci, Andrei Tarkovski, Ingmar Bergman, Federico Fellini, Satjajit Ray, Werner Herzog ont tous clamé être très inspirés de ses créations visuelles et narratives.

Être admiré de tous ces grands, je mourrais en paix dès maintenant.

Avec 30 longs métrages à son actif, et beaucoup plus encore de scénarios, Kurosawa a impressionné par son approche humaniste répandue sur 57 ans et plus de 6 décennies.

Si vous ne connaissez pas le grand maître, je vous offre un éventail de 10 films dans lequel vous pourriez piger, pour découvrir l'immensité de son talent.

L'Ange Ivre  (1948)
Un docteur alcoolique, dans le Japon de l'après-guerre, traite un jour un petit truand de ruelle qui prétend s'être cogné sur une porte avec sa main, mais dont on retire une balle de la main. Le docteur lui indique qu'il a la tuberculose et qu'il doit la traiter si il ne veut pas en mourir. Le petit truand (Toshiro Mifune) essaie de changer sa vie, mais n'y arrive pas, il fume, consomme de l'alcool et ira même menacer le docteur qui lui veut du bien. Au final, il réalise que face à la maladie, nous sommes tous égaux. Un film approprié en ce moment. Mifune tournera 15 autres fois avec Akira. Takashi Shimura, le docteur, tournera 21 fois avec Kurosawa.

Scandale (1950)
Le premier de deux films (l'autre étant une adaptation de L'Idiot de Dostoievski que je viens justement de lire) que Kurosawa a tourné pour le studio Shochiku. Ce drame social est une critique de la presse et des traitements médiatiques. Un peintre (Mifune, encore) est pris en photo sur son balcon en compagnie d'une chanteuse populaire et la chose tourne au scandale. Virtuosité technique, approche visuelle riche, et critique de choses que l'on ne critique pas trop encore, en occident, en 1950.

Rashomon (1950)
Ce qu'on ne fait pas non plus, en 1950, c'est raconter une histoire comme celle-là! Un viol aurait été commis dans le bois et on entendra plusieurs versions de la même histoire racontée à un juge, celles des suspects, celle de témoins, celle de la victime et même celle d'un samouraï mort, par le biais d'un médium! La scénarisation est changée à jamais dans l'histoire du cinéma international. On ne racontera plus jamais les choses de la même manière sur pellicule et on ne fera plus jamais confiance totalement aux narrateurs. Kurosawa est une star partout dans le monde à partir de ce moment Oscarisé.

Ikiru (1952)
L'histoire d'un fonctionnaire modeste apprenant qu'il a le cancer de l'estomac, tentant de canaliser ses derniers moments avec un geste positif ultime, en construisant un parc pour enfants sur un terrain mal-en-point. Shimura est crève-coeur dans cette cruelle histoire nous montrant un homme trouvant un sens à la vie uniquement lorsque placé face à la mort. L'intelligence du traitement des comportements de son entourage est bouleversant.

Les Septs Samourais (1954)
Pendant la guerre civile de la fin du 16ème siècle, On y suit un groupe de samouraïs sans mentors, recrutés par une communauté fermière afin de repousser un gang de truands, réguliers à venir les détrousser. Production la plus coûteuse du Japon, à l'époque, concentrée sur les paysages et l'environnement pour refléter les sentiments ressentis., le film a été "refait" sous plusieurs variations, chez John Sturges, Jean Nugelsco, Jimmy T. Murakami, Claudio Fragasso et Bruno Mattei, chez Gonzo, George Lucas, Tsui Hark et Quentin Tarantino.

Le Château de l'Araignée (1957)
Même si le film ne réutilise aucune ligne de la source duquel il s'inspire, l'adaptation de Hamlet d'Akira dans la Japon du 16ème siècle est tout simplement parfaite. Le décor gothique, le château déserté, les sombres ombres, le brouillard, tout est incertain dans les états d'âmes. Les personnages, hantés par les crimes du passé, imposent des performances austères de leurs interprètes nous entraînent dans quelque chose qui semble vrai, flirtant pourtant avec le surnaturel. La dernière partie du film restant épique.

La Forteresse Enchantée (1958)

Yojimbo (1961)
Partiellement inspiré par Shane de George Stevens, la synergie interculturelle est même sonore dans ce film. Un samouraï sans mentor arrive dans une ville qui a été prise par un gang grotesque d'escrocs. Le vent qui siffle, le chien marchant dans la rue avec une main humaine en bouche, les résidents hideux dont on ne peut compter sur la présence d'esprit, un western asiatique mettant en vedette un personnage que Kurosawa aimera tant qu'il le ramènera dans son film suivant.

Sanjuro (1962)
Akira ramène Mifune dans la peau du garde du corps rônin mais cette fois s'inspire du roman de Shugoro Yamamoto Jours de Paix pour une histoire d'action et d'humour. 9 jeunes samouraïs décident de s'attaquer à la corruption dans leur clan. Leur candeur et leur naïveté interpelle le samouraï vagabond qui offrira son aide et son mentorat.

Dersu Uzala (1975)
Après l'échec titanesque de son film expérimental Dodes'kaden, Kurosawa tente de suicider. Heureusment, il n'y arrive pas. L'Union Soviétique l'invite à adapter la vie de leur explorateur héros, le capitaine Vladimir Arsenyev. Kurosawa racontera son voyage nomade de 1902. Il sera le modèle pour le Yoda de George Lucas. Le décor est celui des steppes et de la glace soviétique. Il sera encore Oscarisé en Amérique du Nord. 

Ran (1985)
George Lucas et Françis Ford Coppola aident Kurosawa en 1980 dans le financement de Kagemusha. Kurosawa reste dans le grand déploiement en adaptant King Lear de Shakespeare. La tension psychologique est assez semblable à celle de La Forteresse Enchantée. Mais moins claustrophobique et plus chevaleresque. Une confusion lorsque le château est assiégé reste visuellement troublante, et toute la cinématographie du vieux Akira ne perd rien de son charme dans ce projet plein d'ambitions qui livre partout où il promettait dans une dernière grande fresque humaniste et pourtant guerrière aussi.

Toshiro Mifune aurait eu 100 ans le 1er avril cette année.

La chaîne de télé Criterion fête son premier anniversaire et comme cadeau nous offre en même un hommage à un acteur fétiche du grand Akira. 

Aucun commentaire: