jeudi 19 septembre 2019

J'Arrive

Rien ne m'irrite plus que de lire ou d'entendre ces mots.

"J'arrive"

CE N'EST JAMAIS VRAI!

Personne ne veut jamais lire ou entendre J'arrive. IL/ELLE VEUT LE VOIR!

J'étais au dépôt depuis 6h59. Il était maintenant 7h24. Je ne faisais que du rien. Une journée où j'avais 99 adresses à travailler. Je devais attendre H., une cloche des ligues majeures, fille de la ville que je déservirais ce jour jour-là, qui avait la clé pour ouvrir le hangar du dépôt où je devais y prendre deux tonnes et demi de bacs de recyclage, de déchets et de compost.

Pas d'excuses, pas d'explications, alors que nous devions commencer à 7h, un simple, "j'arrive" suivi, 14 minutes plus tard d'un plate "je suis là". J'attendais K. pas H. K. travaille mieux, même si elle est terrrrrrible, elle aussi.

La ville pour laquelle je fais le service le mercredi est une ville de crottés. Une vraie. Et je ne dis pas ça parce que c'est le quartier de Montréal contenant le plus grands nombres d'immigrants, je dis ça simplement parce que personne, dans cette unique ville, alors que j'en travaille une quinzaine d'autres les autres jours de la semaine, ne fait aucune distinction entre déchets, compost et recyclage. Le poulet se retrouve continuellement dans les trois. Donc, les larves aussi. Je ne suis techniquement pas supposé toucher à un bac si plein. Et ceux de cette crottée de ville le sont tous. Je suis brave joueur et je transvide le contenu du bac brisé dans le nouveau que je livre. Je ne devrais pas. C'est 100% dégueulasse. Je passe de joyeux lurons avec qui il fait bon jaser à face de marde dégouté qui ne veut communiquer que des sacres.

Le mercredi, je sacre.

Alors quand on commence la journée en me donnant du "J'arrive" c'est un peu comme pincer le martyr avant la torture.



À la radio récemment, j'ai entendu l'auteure montréalaise Heather O'Neill. Je ne la connaissais pas. J'ai beaucoup aimé ses observations. Son tempérament. Son accent. J'ai alors voulu savoir si j'aimerais aussi sa plume. Je me suis donc lancé dans ma bibli locale et ai emprunté son premier livre. Si vous aviez cliqué sur l'onglet "Je lis", en haut, à droite, vous auriez trouvé erronément le livre Lullabies for Little Criminals d'Heather O'Neill.

Erronément puisque, si j'avais bien ce livre en main, je n'avais pas la version originale anglaise. J'avais la copie traduite.

EN FRANCE!
J'allais le découvrir à la page 1 et abandonner le livre aussitôt.

"Putain ce sale con, il caille!"
Mon père était furax.

CALEVER

Ce n'est pas vrai que je lirais Montréal en franchouillard au risque de lire une phrase comme:
"Il s'est cassé avec la meuf du type de la mégateuf!"

L'histoire de son premier livre est celle d'une pré-ado, plongé dans un monde adulte par un père perpétuellement intoxiqué qui la fait glisser dans le chemin du monde interlope. On a la perspective de l'enfant et ça semble assez réussi.

Mais pas le langage et les références à l'Europe! Ça parle d'ici christ!
Ça m'a tellement outré, après une journée de vomi en ville de crotté, que je suis allé troqué "La Ballade de Baby" pour The Girl Who Was Saturday Night, son second roman, qui, pour mieux tourner le fer dans la plaie, me mettait en couverture "from the author of Lullabies for Little Criminals."

I Fucking know.

Je ne lirai pas Lullabies for Little Criminals passé dans la moulinette des traducteurs de France. C'est une réalité AMÉRICAINE!
Si par malheur elle évoque le baseball, faudra se refaire des constructions mentales afin de savoir de quoi elle parle!

Comme ma journée se précipitait dans le catalogue des jours de marde, en allant à la bibli, l'amoureuse m'a piégé mis dans les mains- "T'es tellement le plus gentil, t'es tellement le le plus beau pis le plus fin..."-, la commande arrivée d'un magasin de meuble qui attendait l'un de nous avant vendredi pour aller chercher le dit meuble.
J'ai été cave brave encore. Et m'y suis rendu. Essayé fort au début. Vers 20h, on commençait à mettre des dalles de béton pour des constructions de la route nocturnes. L'entrepôt en question s'y trouvait enclavé. J'ai passé tout droit. Puis, 10 minutes de détour plus loin, j'ai repassé tout droit, ne trouvant pas l'entrée. Il y avait quand même bien des voitures à cet entrepôt! comment s'en sortiraient-elles?

Treize autres minutes plus loin (J'ai pris trois minutes de textos à l'amoureuse pour y texter mon impatience), j'ai finalement vu une voiture sortir du rond que je ne cessais de faire depuis plus de 30 minutes. Si cette voiture avait été noire, j'aurais encore manqué l'entrée cachée dans la nuit. Vers la fin des pilones de bétons.

Sur place, nous étions 7 à attendre notre commande.
Ce cauchemar bourgeois dansait sur mes nerfs.

L'amoureuse a fini par me texter:
"Je suis désolé minou, je ne pensais pas que ce serait si compliqué, je sais que tu es fatigué, merci beaucoup "

Je l'ai gratifié du silence du boudeur. Même pas marqué "lu" sur son téléphone.

Puis, 17 minutes plus tard, quand on a rentré tout ça dans mon (trop petit) char, elle a minouché par texto:

"Tout va bien? Où est mon chum?"

J'ai répondu "J'arrive"

Pas vrai, comme toutes les fois qu'on dit "J'arrive".
Il restait 21 minutes entre l'entrepôt, moi et elle.

Je me hais.

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