dimanche 1 septembre 2019

Cinema Paradiso****************La Notte de Michelangelo Antonioni

Chaque mois, dans les 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parle cinoche.

Je vous parle d'un film qui m'a séduit par son esthétique, son sujet, sa photographie, sa réalisation, ses interprètes, son audace, sa musique, son rythme, son histoire, ses dialogues, souvent tout ça en même temps.

J'ai étudié et bossé en cinéma. J'ai des zillions de films en moi. J'aime beaucoup beaucoup celui-là.

Un film est un voyage à peu de frais. On serait con de s'en passer.

LA NOTTE de MICHELANGELO ANTONIONI

Rarement l'ennui, la désolation, la fin d'un couple n'aura été aussi bien filmé. Gianni Di Venanzo y tourne une superbe photo, en noir et blanc. Antonionio tourne l'histoire d'une seule nuit, commencé en fin de journée quand un couple visite un ami mourant, et qui se termine au lever du jour suivant, une fois les compromis de la vie à deux évoqués entre Mastroianni et Moreau. Avec un couple se dirigeant aussi vers la mort.

Volet central de la trilogie de l'incommunicabilité, avec L'Avventura et L'Eclisse (introuvable celui-là! c'est le seul qui me manque! faudra que je le vole à la bibli!) Antonioni voulait traiter de la difficulté à se dire la vérité dans la vie à deux. Giovanni lance son dernier livre et les femmes lui rôdent autour. Lydia erre.

La errance n'est jamais plus belle que chez Antonioni. La ville semble vide, comme le couple semble se vider de leur amour l'un pour l'autre. Une séquence menant à une scène où des hommes se battent dans une ruelle, et dont est témoin Lydia, est d'une extrême sensualité. Tout y es parfait. Peu de dialogues. Tout en impressions. Antonioni me plait de partout.

Le film offre tant de sensibilité qu'il en reste difficile d'en raconter l'histoire. On sent, on flaire, comme au musée ou dans une exposition de photos. Leur désarroi en devient beau.

Le film transpire la subtilité. Est largement intuitif. Il est facile de s'en approprier les scènes. Les doutes, la lourdeur des sens, un rare climat intellectuel mais à la fois charnel. Un milieu où dans une scène de party de nuit, on peut y apercevoir un jeune Umberto Eco.

Les images sont hantées. Nous hantent longtemps après. Les fantômes, réels ou imaginaires, y sont nombreux. Les sentiments personnels, en plaie ouverte. L'inertie bourgeoise secouée seulement quand la météo se met de la partie pour ébranler tout le monde. Lydia, accotée au mur de verre, est un parfait contraste de l'action sous la pluie, et de son propre immobilisme. Mental et physique. Amoureux.

Je ne suis pas étonné de lire que Stanley Kubrick listait ce film parmi ses 10 préférés.

C'est aussi facilement un des miens. Une scène du film est même mon fond d'écran d'ordi tellement la photo y est magique.

Dans la version italienne, la jeune fille tentatrice, Valentina (Monica Vitti) dit à Lydia qu'elle a 18 ans et plusieurs mois. C'est toutefois sous-tiré 22 ans.

À la toute fin du générique du film Monty Pyhton's Life of Brian, on peut y lire "Si vous avez aimé ce film, pourquoi ne pas allez voir aussi La Notte?"

Je revois La Notte cycliquement. Comme on revisite une chanson triste.

Formidable intimité sous la loupe.

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