mardi 29 mai 2018

L'Espace Blanc Aux États-Unis

Ce qui parait de plus en plus troublant aux États-Unis n'est pas que les grandes compagnies puissent banaliser le racisme ordinaire de leurs employés, mais plutôt la banalité de l'idée que faire preuve de discrimination raciste soit si implicite chez les blancs.

Qu'il faille au moins essayer de discriminer. Ne serais-ce que pour préserver "l'espace blanc".

Les espaces blancs sont ce qu'appellent les sociologues ces endroits pour blancs, où les noirs sont typiquement absents, pas attendus ou marginalisés. (un même type d'espace est déterminé entre les sexes). 

Le cas le plus récent et mémorable aux États-Unis aura été le 12 avril dernier, lorsqu'un employé blanc d'un café Starbucks de Philadelphie a appelé la police lorsque deux jeunes noirs, Rashon Nelson et Donte Robinson, sont allés à la salle de bain, sans avoir encore commandé quoi que ce soit. Ils ont tous les deux été arrêtés sous des accusations d'intrusion illégale. Il se trouvait que les deux hommes attendaient un troisième acolyte pour une réunion d'associés en affaires.

L'incident a été à la fois extraordinairement dérangeant et dangereusement commun. Quelques jours plus tard, un employé blanc de gymnase du New Jersey a appelé la police sous soupçons que deux noirs, utilisant le gymnase, n'avaient pas payé. Ils avaient bien payé. Une semaine plus loin, une femme de Californie appelle la police parce que trois femmes noires sortent d'une maison avec des sacs en main et semblent vider une maison. Effectivement, elles quittaient la maison Airbnb qu'elles avaient loué. Le mois dernier, une étudiante de Yale a appelé la police quand un autre élève lui a fait preuve "de comportement louche" en...faisant une sieste dans un espace public. Des milliers d'utilisateurs de médias sociaux ont partagés leurs expériences "d'espaces blancs".

Il y a ce concept, sur le net, qu'on appelle "Vine" qui sont des capsules de quelques secondes, jamais plus de 6 secondes, qui démontrent des situations loufoques, comiques, bizarres, étranges, absurdes ou tout ça en même temps. Ils mettent facilement de bonne humeur. Certaines sont tout simplement formidables. Les gens noirs y sont largement les plus allumés. King Bach en est une des plus grandes stars issues de ces vines et est depuis, acteur. J'adore les Vines. De temps à autres, quand j'ai le moral dans les talons, je me tape une série de vines pour me dilater la ratte. Je trouve certaines observations très saines.

Tout comme la série Atlanta de, et mettant en vedette Donald Glover, que j'ai consommé en très peu de temps, et qui jette un regard à la fois très drôle, voire hilarant, et fort pathétique sur ce que c'est d'être noir aux États-Unis de nos jours.

Être noir aux États-Unis demande beaucoup de résilience.

Les cafés Starbucks ont toutefois fait amende honorable par la suite. Les deux victimes ont négocié avec eux que la compagnie, spécifiquement la succursale concernée de Philadelphie, investisse dans un programme d'aide aux jeunes entrepreneurs et qu'ils offrent une gratuité scolaire collégiale à un(e) noir(e) dans le besoin.  La compagnie a aussi annoncé que tout le monde sur terre pourrait aller à leurs toilettes sans consommer quoi que ce soit sur place (sinon la drogue que vous vous injectez dans les toilettes:). Une montagne de bonne foi, indigne du président actuel, a suivi cet incident.

Aujourd'hui, tous les Starbucks (les 8000 aux États-Unis) seront fermés. Une formation afin de contrer la discrimination raciale aura lieue pour les employés.

La pensée populaire du racisme est l'image d'un blanc enragé fonçant avec sa voiture dans une foule de noire à Charlottesville. Mais la racisme quotidien est beaucoup plus subtil. Donald Glover (et son frère qui écrit aussi pour la série) en traite avec beaucoup d'humour et de talent dans la série Atlanta. Le racisme n'est pas le coeur de la série. C'est là. Dans la banalité d'un homme cherchant son manteau et qui le retrouve sur le cadavre d'un frère tiré dans le dos simplement parce qu'il courait. Ou dans le personnage qui croit reconnaître quelqu'un parce qu'il est noir, parce qu'inconsciemment, ils sont tous pareils, si noirs.

La barre est rendu tellement haute pour distinguer le racisme (si on ne fonce pas avec sa voiture dans une foule de noirs, ou si votre président ne relève rien de l'horreur de la chose sinon que les gens qui tuent des noirs de la sorte sont de braves gens) qu'il devient implicite partout au pays de l'Oncle Sam de l'être ouvertement.

Dans la police, ça ne fait aucun doute. On tuera entre 15 et 20 noirs avant de tuer un seul blanc.

Ce qui dérange n'est pas l'intervention policière d'un appel comme ceux énumérés plus haut, c'est la banalité de l'appel dès le départ.
Une grande compagnie comme Starbucks ne réussira pas, en une seule journée, à changer les perceptions sur les visions raciales de ses employés. Mais il semble maintenant tout à fait naturel que des attitudes du genre soit si envahissantes dans le monde actuel, qu'il faille injecter une dose d'un peu de bon sens à ses équipes de travail.

Qu'on explique et réexplique et réexplique et réexplique encore continuellement le concept de mosaïque.

C'est sans efforts que l'on pourrait voir les derniers incidents comme des harcèlements faciles à survivre. Mais du racisme nuisible aussi. Il semble y avoir un déni qu'existe en ce moment, un espace blanc inconscient aux États-Unis, nourri par un président qui colore lui-même le pays d'une seule couleur.

Les discriminations implicites ont des manières présidentielles actuelles de devenir explicites.

They got their country back. 

J'ai ironiquement écouté, sans connaître l'intrigue parallèle, Suburbicon*, après avoir écrit cette chronique. L'intrigue parallèle fait référence à un réel incident social de 1957 à Levittown. Épisode social navrant. Fascinant. Et toujours présent de nos jours.

Inconsciemment.

*Scénarisé par les brillants frères Coen et tourné par George Clooney dont j'aime maintenant presque tous les choix...sauf peut-être le café..

Aucun commentaire: