samedi 5 mai 2018

Corriger Le Vent

On a entendu cette semaine quelque chose qui a fait grincer des dents.
Inspiré d'un endroit où la folie a sévèrement sévi l'an dernier: Barcelone.

La possibilité d'une escouade anti-rumeur.

Vous avez bien lu.

À Barcelone, il y a, tout comme ici, un problème d'intégration social des immigrants. Pas que les immigrants s'intègrent, eux très mal, ça peut arriver, et c'est pas 100% anormal. Plutôt, notre attitude à nous, qui les accueillons comme on accueillerait une abeilles zézéyant à nos oreilles. À Barcelone, les immigrés sont mal accueillis par les employeurs et, donc, se placent mal sur le marché du travail. On a pointé les stéréotypes et les préjugés de la part des employeurs. Ça freinerait l'intégration des nouveaux arrivants.

Afin de s'attaquer à ce qu'ils appellent là-bas des rumores, on a formé...des agents anti-rumeurs. Il s'agit de gens formés pour intervenir auprès des gens qui véhiculeraient des stéréotypes abusifs et/ou erronés sur les immigrants, et ce sans confrontation. (Contrairement à l'idée de voter, mais ça c'est autre chose) dans l'espace public.

Des gens de tous les milieux, ouvriers, administratifs, personnalités, influenceurs, tous formés pour intervenir dans la vie de tous les jours, auprès de collègues, amis, familles, même entre étrangers, dans un autobus, par exemple, afin de briser les stéréotypes et les préjugés.

Vous connaissez la série télé The Good Wife ? Elle raconte l'histoire d'Huma Adebin d'une femme de politicien, dont la vie devient très publique quand monsieur est plongé dans une histoire de corruption et dans un scandale sexuel. Elle qui était une femme au foyer, retourne plaider (elle avait une formation comme avocate avant d'avoir des enfants) afin de subvenir aux besoins familiaux et aux siens.

Je ne la connais pas la série. Ne l'ai jamais écoutée. On dirait que j'ai peur d'y voir le femme qui stand by her man, même si celui-ci est abject dans le respect qu'il lui voue, et de finir par mépriser le personnage principal. J'avoue aussi avoir toujours questionné mentalement l'utilisation du mot "good" dans le titre, qui détermine clairement le traitement qu'on fera du sujet. Nous vous parlerons de ce que c'est, que d'être une bonne épouse. C'est surtout cela qui m'a freiné. Mais je manque peut-être quelques chose. La bande annonce me laisse croire autre chose. La renaissance personnelle après l'humiliation publique. 
J'ai repensé à cette série cette semaine parce que j'ai entendu (vu?) une annonce sur une autre série, des mêmes producteurs, s'appelant The Good Fight. Et pensant tout de suite aux États-Unis, toujours convaincus de mener la bonne bataille. Même quand ils mettent leur nez, là où personne ne les demandait.
(Je réalise maintenant que la seconde série est un spinoff (une suite) de The Good Wife)

De quel "good" parle-t-on?
Demandez à n'importe quel musulman (même modéré), n'importe quel religieux, n'importe quel membre de La Meute, un témoin de Jehovah, un communiste, un socialiste, un libéral, un conservateur, ce qui est bon et ce qui ne l'est pas, personne ne dira les mêmes choses.

La simple idée de ce qui devrait être permis ou non en société:
Pour le musulman, non, les femmes ne doivent pas montrer leurs genoux, leurs cheveux ou leurs formes.
Pour le témoin de Jéhovah, non, on ne doit pas recevoir ni donner de cadeaux, même pendant les anniversaires.
Pour le craintif de La Meute, non, un immigrant ne doit plus s'habiller du linge de son pays d'origine, ni ne plus jamais en parler la langue. Il est chez nous.
Pour le conservateur, non, un bébé, dans le ventre d'une mère, ne peut jamais mourir par choix.

L'idée des agents anti-rumeurs fait très peur. À partir de quel moment trace-t-on la ligne de la rumeur et du reste?

Le Bureau des Nouveaux Arrivants de Montréal a été créé en 2016, né d'une vague d'immigrants Syriens. Ça n'appartient qu'à Montréal. On a avoué cette semaine avoir étudié la stratégie des agents anti-rumeurs de Barcelone, sans toutefois vouloir former des agents.

Rumeurs, généralisations, mythes, préjugés, ça commence où et ça s'arrête où?
C'est immensément subjectif. On ne saurait plus

Si je vous dis que le Québec n'a pas le choix de réduire le nombre d'immigrants.
S'agit-il d'un mythe?

Je ne crois pas ce que je viens de dire.
Si on a les ressources pour les accueillir, il n'y a rien à craindre.
Viens-je de dire un autre mythe?

Autant dans le titre de la série The Good Wife (ou The Good Fight) que dans l'idée de corriger la rumeur du vent, il y a ce côté moralisateur qui alourdit tout ça. Si il y a une good wife, c'est parce qu'il y en a aussi des mauvaises. Même chose pour la manière de penser. Ce que voudrais corriger l'agent anti-rumeur.

À Barcelone, deux hommes parlent dans le bus, et un troisième, même si il ne les connait pas, agent anti-rumeur de son statut, pourra s'interposer dans la discussion afin de faire la morale à l'un des deux, aux deux peut-être, afin d'arbitrer leur conversation en démystifiant ce dont ils viennent de parler.

Un ti-jo connaissant se réclamant d'un rectitude politique...universelle?

Ça existe la rectitude politique parfaite? La Good Wife?
Quelle prétention absurde.

Un autre exemple: je vous dis que pour combler les pénuries de main d'oeuvre au Québec, rien de mieux qu'un nouvel arrivant formé au moule d'une entreprise qui en a besoin. Le meilleur des mariages.
Un livre récent, dont je ne ferai pas la publicité parce que je ne suis pas d'accord, dit exactement le contraire. De nouveaux arrivants dans une business est un fardeau.
Nous ne sommes pas d'accord là-dessus.

Sommes nous dans les propose erronés? La ligne est mince.

George avait tout vrai dans 1984. On travaille un Big Brother.
Ça a suscité tant de réactions (négatives) la semaine dernière qu'on a vite tenté de retirer le plat du feu.

Mais on a utilisé les termes "stratégies anti-rumeurs inspirées de Barcelone".

Et derrière le côté noble de vouloir une réciprocité entre accueilleurs et accueillis, se cache une morale dont on devrait se torcher.

Au lieu de retirer le plat du feu, on est peut-être en train d'y mettre de l'huile.

Plaçons cette errance sur le compte de la jeunesse du Bureau des Nouveaux Arrivants de Montréal.

Aucun commentaire: