mardi 8 mai 2018

Formidable Donald

Non, ça ne peut pas être Trump. Lui, il est triste.

Vous avez écouté Saturday Night Live samedi dernier?

Peu importe, j'ai envie de vous parler d'un intéressant Donald.

Pas l'idiot, un autre Donald. Du plus beau des noirs, là où l'autre fait pâlir le blanc.

Donald Glover, aucun lien de parenté avec Danny l'acteur de Lethal Weapon. Mais Donald est aussi acteur. Découvert comme scénariste de la série 30Rock, puis comédien dans Community. Où, en peu de temps, il a pu coincer le détestable Chevy Chase qui passait des commentaires racistes ici et là, sur le plateau. Du racisme ordinaire.

En parallèle, il aime suffisamment la musique pour s'y investir en rappeur ou en DJ.
Il a aussi fait de la scène comme humoriste.

Je l'avais remarqué dans The Martian. Il volait chaque scène dans laquelle il jouait. Je ne l'ai pas vu dans Spider-man, parce que...parce que je n'ai pas 11 ans christ!, mais il a aussi joué là-dedans. Il jouera un jeune Lando Carlisian dans le film sur le jeune Han Solo.

Mais ce qui a largement épaté de sa part est la première saison de Atlanta, série qu'il a créé, qu'il produit, scénarise et tourne, et dans laquelle il joue. Une série sur laquelle il a donc un absolu contrôle. Et qui est fascinante de tous les angles possibles.

Car on y parle de culture afro-américaine, de musique, de politique, d'actualités nord-américaines, de situations de tous les jours, de culture populaire, de races, de tensions raciales, de racisme de tous genre, d'internet, du futur, de sexualité et d'existentialisme, avec une vive intelligence, une grande originalité et surtout avec beaucoup d'humour et de surréalisme.

Il a remporté plusieurs prix pour sa série, est devenu le tout premier noir à gagner un prix de réalisation pour une épisode de comédie lors de la soirée des Emmys, récompensant la télévision aux États-Unis. Il a aussi raflé un Grammy récompensant la musique aux États-Unis.

Son succès fût si grand qu'on l'a nommé parmi les 100 personnes les plus influentes de 2017 selon le Times Magazine.

Alors que la saison II d'Atlanta approche, il était l'invité d'honneur de l'émission satirique Saturday Night Live, samedi dernier. Émission d'humour qui vise pratiquement toujours juste en tout point. Glover a ressuscité son pseudonyme de Childish Gambino, son alter ego rappeur, et a lancé samedi son clip This is America.

Ou si vous préférez, un scan de ses états d'esprits, dans ses États Désunis.

La réalité noire aux États-Unis est facilement un calvaire. Depuis Trump, on décomplexe l'innommable. Le travail de réhabilitation sociale post-Trump sera énoooooooooooooorme.

Jetez un oeil sur le clip de Glover. Réalisé par le plus régulier des réalisateurs de sa série, Atlanta, Hiro Murai.

Il est riche.

Et fort intéressant.
La manière avec laquelle il déploie ses mouvements rappelle beaucoup le personnage difforme de Jim Crow dans la triste période de la ségrégation aux États-Unis. Bien qu'on sera attiré par ce qui se passe devant, beaucoup d'action se passe derrière. Une manière de nous dire qu'on ne s'arrête pas aux bonnes choses. Des meurtres se produisent. On traite le fusil avec plus d'attention que la vie humaine. Dans les paroles, on l'entend dire qu'il a le droit d'avoir un fusil, que c'est son droit d'avoir un fusil, qu'il doit avoir un fusil. C'est de l'ironie, vous verrez ce qu'il fait de son fusil. Et ce qu'il prétend faire, provoquant un silence et des gens qui déguerpissent des lieux. Ce que la population noire apprend à faire aux États-Unis. Par simple prévention. Parfois à la simple vue d'un policier blanc.

Glover souligne la brutalité policière ordinaire, la culture du fusil ordinaire, la banalité de la tuerie aveugle, les habitudes loufoques des médias sociaux, les errances médiatiques, l'utilisation des noirs comme boucliers humains.

Dans un moment du clip, pendant que Gambino danse avec des ados, et que semble régner un certain chaos derrière, un homme (ou une femme) voilé(e) passe à dos de cheval blanc au galop. C'est peut-être une référence aux 4 Chevaliers de l'Apocalypse dont le premier cheval était blanc.

Vers la fin, un caméo de la chanteuse SZA, on la voit assise sur une voiture pendant que Gambino chante sur le toit d'un véhicule rouge. Elle a confirmé en postant sur instagram cette photo.

Pas mon genre de musique du tout, mais tout à fait mon genre de clip.
Riche portrait d'une pauvre époque.

Un clin d'oeil au film Get Out est offert en fin de clip.

Glover nous présente la culture du fusil sous un vernis absurde qui fait écho à la façon dont la population des États-Unis réagit habituellement après une tuerie: beaucoup de bruit pendant quelques jours, avant de repasser à autre chose.

Et redignifie un prénom salit à jamais.

Je suivrai cet artiste.

Et tente vainement de me taper Atlanta, Season I quelque part.

J'aime quand on vise avec l'art.
C'est tout neuf et ça mérite déjà d'être dans la bibliothèque du "représentatif de son époque".

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