mercredi 16 mai 2018

Thomas Kennerly Wolfe Jr (1930-2018)

Tom Wolfe est né d'une mère designer paysagiste et d'un père agronome.

Dès son jeune âge, il est président du journal scolaire. Il est aussi une star du sport national, le baseball. Il refuse d'aller à Princeton, qui l'a accepté comme élève et préfère fréquenter l'Université de Washington & Lee. Il y graduera en Modern English, sera directeur de la section des sports du journal étudiant et fondera un magazine littéraire avant les années 50.

Suivant l'influence de l'un de ses professeurs, il ira aussi à Yale. Il apprendra à écrire au sens large plutôt qu'au sens plus intime. Ainsi, il développe l'idée de parler de culture de groupe dans leur ensemble.

En 1952, comme lanceur, il a droit au camp d'entraînement des Giants de New York mais est retranché trois jours plus tard. Travaillant toujours une thèse de doctorat, il interview plusieurs écrivains, ce qui lui donne une idée du style de vie des écrivains. Excellent élève, on lui offre des postes dans l'enseignement dès sa seconde graduation de Yale. Mais il refuse et préfère être journaliste pour le Springfield Union, au Massachusetts.
Trois ans plus tard, il est engagé au Washington Post, spécifiquement parce que la politique ne l'intéresse pas du tout. On est impressionné là-bas qu'un homme aussi vif d'intelligence soit plus attiré par le municipal que par la colline parlementaire. Pour un reportage à Cuba, en 1961, il remporte un prestigieux prix de journalisme de la Newspaper Guild. Il quitte Washington en 1962, pour New York, où il y travaillera pour le New York Herald Tribune.

Au NYH Tribune, on encourage les journalistes à briser les conventions d'écriture journalistique, ce que Wolfe ne manquera pas de faire.

Pendant la grève des journalistes de 1962, à New York, Wolfe approche l'Esquire. Il leur propose une idée de reportage sur les Hot Rod et la culture des voitures dans le sud de la Californie. On accepte. Mais la veille de la tombée, Wolfe procrastine encore avec son sujet. Il écrit une longue lettre à son éditeur pour dire ce qu'il voudrait dire dans son reportage. L'éditeur adore. Il enlève le Cher Byron, en entête, et publie comme tel. L'article fera grand bruit. Le style est touffu. Plein d'onomatopées. Il y a des dialogues dans le reportage. On se pense dans un roman. Le style est détesté par certains, en intrigue plusieurs, mais est aussi admiré par d'autres.

On appellera cela du nouveau journalisme. Du réel, empruntant à la littérature. Il y a des constructions de scène. De longs dialogues. Des descriptions détaillées du statut des gens et de ce qu'ils représentent. Wolfe est convaincu que nous n'existons que superficiellement. Dans le regard d'autrui et c'est tout. Il adopte alors un style vestimentaire bien à lui. Il s'achète un complet blanc qu'il choisit de porter en hiver. Ce qui ne se fait généralement pas. Il fait sensation avec son chapeau de feutre. Truman Capote l'imitera aussitôt.

En 1965, il publie un collage de ses écrits les plus marquants dans les magazines sous le titre The Kandy-Kolored Tangerine-Flake Steamline Baby (dont j'ai une copie originale!) qui le rend célèbre.

Dans l'esprit du journalisme gonzo (pas encore complètement né) il fait de "l'écriture de saturation" en se joignant aux sujets sur lesquels il veut écrire. Sans nécessairement les interviewer. Comme une mouche sur un mur. Il fonctionnera ainsi avec les Merry Pranksters de Ken Kesey pour son livre The Electric Kool-Aid Acid Test, publié en 1968 sur eux. Autre succès. Ne serais-ce que dans l'excès de ponctuation!?!...

E.W.Johnson, Truman Capote, Hunter S. Thompson, Norman Mailer, Gay Talese, Wolfe et Joan Didon seront tous étiquetés de cette nouvelle école du néo journalisme.

Le même jour qu'il publie son livre sur les Merry Pranksters, il publie The Pump House Gang, une seconde compilation de ses articles les plus percutants. Qui peuvent parler d'architecture, de culture populaire (beaucoup), de politique, mais surtout des États-Unis dont il tente de toujours en saisir le pouls.

En 1970, il publie deux essais en un livre: Radical Chic & Mau-Mauing the Flak Catchers. Le premier essai parle d'un party, organisé par le compositeur Leonard Bernstein afin d'amasser des fonds pour les Black Panthers. Le second parle de l'intimidation raciale pratiqué par certains afro-Étatsunien afin de soutirer des sous du gouvernement. Le terme radical chic devient péjoratif et est collé à la gauche (Wolfe est plutôt conservateur et républicain).

Il publie un livre sur l'art en 1975, puis lance Mauve Gloves & Madmen Clutter & Vine, une collection d'essais dont l'assez célèbre The Me Decade & the Third Great Awakening.

En 1979, inspiré du maraudage qu'il avait fait autour des astronautes se préparant à embarquer dans la navette Apollo 17, en 1972, il lance son livre The Right Stuff. Qui devient alors son plus gros succès. On l'adaptera en film, tout aussi réussi, en 1983.

Deux ans avant, il avait lancé un livre parlant peinture et littérature.

Dans les années 80, il veut écrire quelque chose dans le style de Vanity Fair de William Makepeace Thackeray. Il suivra une escouade de la branche des homicides du Bronx. Il offre le résultat de ses recherches au Rolling Stones qui le paiera 200 000$ pour le diffusé, peu à peu, dans son magazine. En 1984 et en 1985. Mais Wolfe reste insatisfait de ce très public "brouillon". Il change le nom de son personnage principal pour Sherman McCoy et le transforme d'écrivain en homme de Wall Street. The Bonfire of the Vanities devient son premier roman et est lancé en 1987. Ça deviendra un immense succès. Le film qu'on en fera sera toutefois une coûteuse catastrophe.

La barre est haute quand il lance son second roman, 11 ans plus tard, et la critique n'est pas tendre pour lui. John Updike entre autre, qui le trouve léger et simplement mondain, sans être littéraire. Norman Mailer et John Irving se mêlent aussi au très public propos autour du superficiel style décrié.
Wolfe parlera de "ses 3 Stooges" en parlant d'eux dans un essai de 2001.

En 2004, il publie I Am Charlotte Simmons, un roman pas tellement réussi sur la vie étudiante, du point de vue d'une jolie et brillante étudiante, avilie par le machisme universitaire. 

Son quatrième roman est lancé en 2012, Back To Blood. Il y parle de races, classes sociales, de famille, de richesse, de crime et de sexe. En surface. Il n'a plus l'élan de ses jeunes années. On y lit davantage d'incontrôlables excitations de sa part et peu d'humanité dans ses grands sujets abordés trop mollement.

Marié à Sheila, designer des Unes du magazine Harper's, depuis toujours, ils ont eu ensemble une fille et un garçon.

Wolfe serait responsable de l'utilisation du présent dans les reportages, là où il y avait davantage de passé, auparavant. On lui attribue aussi les termes statusphere (pour parler de la sphère des statut), the right stuff (pour dire que quelqu'un a ce qu'il faut pour réussir), Radical Chic (pour décrire l'adhésion à une cause radicale ou semi-radicale de membres d'une classe bourgeoise ou célèbre) et the Me Decade (parlant des années 1970, égoïstes selon lui).

Tom Wolfe s'éteint suite à une opération, lundi, à l'âge de 88 ans.

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