mardi 28 novembre 2017

L'Escorte

1991

J'ai terminé mon CEGEP. Je ne me rappelle plus pas quel type d'accommodement, encore moins par quel type de raisonnement j'ai accepté, mais il serait prévu que j'accompagne ma cousine Claude pour son bal de finissante de secondaire 5.

Nos rapports familiaux avec nos cousins/cousines ont toujours été plus ou moins inexistants. Du côté de mon père, ils étaient 8. La première a eu 2 filles, donc Claude. La seconde a eu 9 enfants (!) et ils habitaient tous le Canada anglais. Le troisième est une montagne d'orgueil et a eu une fille de mon âge et un fils surprotégé. La fille de mon âge a fugué, ado, ce qui a fait que l'oncle a surprotégé l'autre. Le quatrième était mon père. Un hyperactif qui devait avoir ses enfants vite: Hunter, ma soeur Janiper Juniper 13 mois plus tard et Greenjelly Jones en bébé bonus deux ans plus loin. Claude, ma cousine, se serait trouvée entre J.J. et Greenjelly chez nous. Les autres ont aussi eu des enfants. La cinquième un gars, une fille. Le sixième,  deux filles et un gars. La septième une fille, très récemment (adoptée) et la dernière un gars et une fille aussi. Tous beaucoup plus jeunes que nous.

Du côté de ma mère, ils étaient 3. Un premier oncle, qui a eu un garçon et une fille. Ma mère a suivi dans la lignée. Puis un autre oncle, mon préféré, qui n'a pas eu d'enfants. Les deux seuls cousins/ cousines du côté de ma mère sont tous deux plus jeunes que ma plus jeune soeur. Le réflexe de jouer ensemble n'était donc pas naturel. Les deux frères à ma mère habitaient aussi le Canada anglais, alors rarement on les voyait.

Dans ma première année de vie sont décédés les deux grands-papas et une grand-mère. Nous n'en avons connue qu'une et seulement 11 ans (pour moi, 10 pour J.J., 8 pour Greenjelly). Pas assez longtemps pour réaliser l'importance que ces gens pourraient avoir dans nos vies.

Cet absence de fil conducteur entre oncles et tantes a fait en sorte que ceux-ci se sont vite brouillés (du côté de mon père). Et on a très très peu fréquenté nos cousins/cousines toute notre jeunesse. Je me rappelle de tous nos Noël à 5, avant le premier avec les oncles et les tantes quand j'avais à peu près 18 ans. Je sais que mon père, lourdement marqué de l'esprit familial, avait été le rassembleur de ses frères et soeurs. Et quand j'y repense, il me semble impossible que j'ai accepté d'accompagner ma cousine Claude à son bal. On a dû me mettre devant le fait accompli. Et par amour pour mes parents, pour qui ce ne devait être qu'un tout-à-fait-normal devoir familial, je me suis prostitué livré à la mascarade.

Sans complètement réaliser à quel point je m'étais fait piéger.

J'avais 19 ans, la tête à mon premier appartement à Sherbrooke, j'allais m'habiller comme jamais je ne le faisais, veston, cravate, pantalons laids, et serait la plante de jardin de ma cousine avec laquelle je n'avais aucun rapport sociaux whatsoever.

Claude a le même nom de que son père, qui voulait un garçon pour l'appeler Junior, mais qui n'aura eu que 2 filles. Claude, ma cousine, est donc devenue, Claude-la fille, pour toute les fois où ses amies appelaient chez elle et qu'il fallait demander "vous voulez parler à Claude-la fille ou Claude-le gars?". C'était longtemps avant les téléphones intelligents Ironiquement, elle avait souvent les cheveux très courts, à la garçonne.

C'était une école qui n'acceptait que les filles depuis 5 ans. Celles-ci ne connaissaient donc pas la base des relations gars-filles au plus tendre de leur âge. C'était un bal de poules sans-têtes dans lequel on parachutait une centaines de beaux garçons. Arrivait au bras de Claude, un gars, deux ans plus vieux qu'elles, et pour qui je n'étais pas le cousin, mais plutôt un gars que je trouve intéressant avec qui j'ai travaillé dans un camp... pour Claude.

Tabarnak.

Je sais que ce n'est pas toi, chérie, mais mets les cuissardes et la mini jupe pour ce soir, svp.

Tout ce qui semblait normal pour mes parents, mon oncle et ma tante, me paraissait si mal.
Je ne pouvais qu'être "beau" pour elle. La plupart des couples avait un garçon au bras pour la première fois en 5 ans entre leurs murs scolaires, probablement avec une once de désir fantasmé. Ceci m'était moralement interdit. Je ne peux pas croire qu'elle s'imaginait m'embras...enfin...je ne voulais même pas y penser! J'étais 100% escorte. Personne parmi ses amies ne savaient que j'étais le cousin. Et quelques jeunes filles m'ont jasé ça longtemps pour savoir de quel univers je naissais, me forçant à patiner dans les menteries. Plus la soirée avançait, plus je m'éloignais de Claude et de son groupe d'amies. Je m'étais fait quelques autres amies, dont la future première gagnante d'Occupation Double. Le bar m'avait souvent accueilli.

Nous avions dansé une seule fois ensemble, collés, parce que nous étions forcés si je ne me trompe pas, mais nous nous étions très peu fréquentés de la soirée. Rendant clair pour tous et toute que nous étions arrivés ensemble par simple arrangement, mais qu'elle et moi, n'étions que mauvaise mise-en-scène. 

La dignité prenait le clos. J'étais le trophy cousin.
Humiliant.

J'ai repensé à tout ça dimanche soir dernier en voyant d'un oeil distrait une partie de Végétation Occupation Double où le vide et le narcissisme semblait encore sévir sévèrement autour d'une jeune pansexuelle militante qui n'a rien à dire sinon qu'elle mouille toujours sur les genoux de son beau. 

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