mardi 19 juillet 2016

Pieds Nus Sur le Bitume

Tous mes amis savent que l'été m'embête.
Puisqu'il fait beau et chaud, il existe comme une obligation morale de faire des choses dehors.

Mais moi je ne suis pas construit comme ça. Je préfère nettement mieux l'hiver. J'aime le froid, la neige, les sports d'hiver, j'y suis né, et je crois que j'aime encore plus l'automne, avec ses couleurs, sa lumière, son esthétisme, son romantisme et son rythme.

L'hiver, la nuit est jeune. L'été, la nuit est différente.
Et c'est cette nuit qui me réconcilie avec la saison.

Mon fils s'est déniché un super emploi pour un gars de son âge cet été. Une belle gang, une belle job, une bonne paie. Que du sain. Pas qu'il eût baigné dans le malsain, mais pour son âge, un tel emploi est une véritable mine d'or. Je me souhaite la même chose pour le mois d'août, mais ça, c'est une autre histoire.

En allant chercher mon fils à son travail, j'ai dû attendre un peu en soirée dans la voiture. Se déroulait alors un match de baseball entre jeunes garçons de 9-10 ans. Je me suis placé à la clôture du champ gauche, une clôture qu'aucun des mousses n'aurait atteinte de toute manière et j'ai suivi quelques manches dans le bonheur. M'imaginant Rodney Scott au bâton face à Bob Shirley à San Diego en 1980. Même état de grâce.

Magie d'été, en ouvrant la télé. plus tard en soirée, je réalisais que les Padres jouaient avec leur costume de 1980!

Ce n'est que quand mon fils est arrivé que j'ai constaté (qu'il m'a fait réaliser, en fait) que j'étais pieds nus.

Oui, sang d'Atikamekw je présume, je suis TOUJOURS nus pieds. J'ai même communiqué cette manie à mes deux enfants. On retrouve des bas tout simplement partout dans la maison. Nous sommes trois descendants de Mowgli. Et au volant, je le confesse, ne faites pas ça personne, c'est interdit, je conduis quelques fois pieds nus. Et ce soir là, en attendant Monkee, je n'ai PAS conduit nus pieds, mais lorsque la voiture fût arrêtée, je ne me suis pas fait prier pour faire respirer mes pieds.

Ce même soir, nous nous dirigions directement après son travail au terrain de soccer Scofield dans le Nord-Ouest. La blonde de Monkee et son équipe. invaincue en 5 matchs, affrontait justement la seule autre équipe invaincue en 5 matchs cette saison. Ma présence n'avait pas été prévue et cette improvisation m'a été inspirée à la fois parce que je voulais montrer à ma fille de plus grandes joueuses pratiquer le même sport qu'elle, parce que je voulais aller encourager une jeune fille qui devient de plus membre de notre famille et aussi parce que tout le monde avait congé le lendemain, on pouvait donc se coucher plus tard.

La copine de Monkee, Koala, est de loin la meilleure de son club. Elle est d'une rapidité redoutable. C'est toutefois une autre coéquipière, fameuse aussi ce soir-là, qui a marqué le but qui créait l'égalité 1-1.

Plus jeune, à leur âge, 17 ans, j'avais lu C'est Beau Une Ville La Nuit de Richard Bohringer, un livre que j'avais beaucoup aimé car  les mots de l'acteur m'avaient fait sentir parfaitement l'état de grâce de certaines nuits chaudes d'été. Puis, j'avais aussi vu le film de Michel Deville Nuit D'Été en Ville, où Jean-Hugues Anglade et Marie Trintignant, y avait si chaud qu'ils jouaient tous deux nus, presque tout le film. Un film qui m'avait aussi fait grande impression.

L'été se prête à la nudité. On y dévoile nos épaules, nos mollets, nos genoux, nos cuisses. On y expose notre peau. Il existe une sensualité propre à la saison. Naturelle. Spontanée. La nuit d'été offre aussi une tranquillité étrangère au jour. Comme si la poussière des activités au soleil se terraient en lumière de nuit, et que les mottes de moustiques allant se brûler contre les lampadaires, étaient les réincarnations de tous les idiots qui faisaient crisser leur pneus ou qui avaient lavé leur char dans le jour, en bedaine, polluant la rue de la musique à tue-tête qu'ils avaient fait jouer s'étant convaincus que tout le monde aimait leur beat.

La nuit, l'été, est trop suave pour certains. Si les miracles existent, ils se produisent la nuit, l'été.
Il y a cet aura de je-ne-sais-quoi qui produit une certaine magie mystique.

J'écoutais le match de Koala retenant une envie immense d'uriner. À la mi-temps, j'ai utilisé comme prétexte que je devais aller changer mes souliers (ce qui était vrai) mais je savais que j'en profiterais pour tricher vers le terrain voisin qui offrait plusieurs arbres, assez éloignés les uns des autres, trop pour pouvoir parler de forêt ou de boisé, mais que le chien en moi voyait tout à fait en potentiel de soulagement de vessie.

Je me trouvais très abruti d'aller pisser contre un arbre tel un ivrogne. J'ai dû bifurquer deux fois pour éviter des regards de la rue et du terrain de baseball plus loin. Puis, petit miracle, ce terrain, dont l'entrée pour se rendre au terrain de soccer était sacrément mal foutue, m'offrait, comme un mirage dans le désert une toilette chimique.

Magie d'été je vous dis.

Ne vous écoeurez de rien, j'y ai pissé en souliers.

Koala a connu un match difficile. Elle était marquée par l'adversaire qui connaissait son talent, et elle a été brutalisée et envoyée au sol à plusieurs reprises. Elle a aussi reçu le ballon en pleine bouille et dans le dos. Sa peau de lait était bleue après le match. Elle était aussi très déçue, son club a perdu pour la première fois. Pas grave que j'ai pensé. Elles n'auront qu'à les battre deux autres fois.

Les pieds spikés tandis que j'aurai le pied nu.

Chez moi.

Afin de ne pas mettre de pression sur Koala lorsqu'elle joue.

Son équipe a perdu ce soir là,
mais l'été me gagne.

Par ses nuits.

En bon vampire que je suis...

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