mardi 16 février 2016

Blonde & Idiote Bassesse Inoubliable******************Misplaced Childhood de Marillion

Chaque mois je vous peuple ce blogue avec un album tiré de ma voûte des sensations auditives.

Le titre de la chronique mensuelle est inspiré de 4 albums qui font partie de mon ADN et que je connais note par note.

Par ordre de création:

"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie
"The Unforgettable Fire" de U2

Blonde et Idiote Bassesse Inoubliable c'est aussi B.I.B.I., donc moi.
Et la terminaison de habibi qui veut dire en dialecte irakien "mon amour".

La musique peut être une thérapie, peut exorciser, peut guérir.

Mais presque toujours elle inspire.

Années 80.

Entre 1983 et 1984, le guitariste Steve Rothery, le batteur Mike Pointer, les deux fondateurs de Marillion, le chanteur Fish, la claviériste Mark Kelly et le bassiste Pete Trewavas lancent deux albums. Le premier, un étonnant succès commercial et le second plus rock, avec maintenant Ian Mosley à la batterie.

Marillion s'adjoint les services de Chris Kimsey qui a travaillé sur les 4 derniers albums des Rolling Stones. La compagnie EMI leur donne carte blanche quand à la créativité en studio. Fish n'en demande pas plus et dans un trip d'acide de plus de 10 heures, il revisite plusieurs moments de son enfance à Padre Bay en Utah. Fish hallucine et a la vision d'un enfant derrière lui dans un escalier costumé en jeune soldat. Ça inspirera la pochette de l'album à venir. Convaincu qu'il s'agit de sa muse, il se met à écrire ce qui deviendra l'album concept Misplaced Childhood.

En tournée pour la majorité de 1984, Marillion s'amuse, en fin de tournée, en spectacle en disant à mi-chemin du show, "nous avons le temps d'une dernière chanson qui sera de notre prochain album... un album qui ne comprendra que deux chansons, une sur la face A et une sur la face B..." et ensuite de commencer 45 minutes de musique sans interruption qui représentent l'entièreté de Misplaced Childhood.

Le ton des textes est sombre, on y parle d'abus de drogue, d'alcoolisme, de prostitution, de renaissance et de rédemption, des sujets lourdement inspirés de la vie personnelle de Fish. La musique se situe entre la pop et le rock progressif.

L'album sera leur plus vendu à vie. Il arrive dans ma vie, à la saison des amours. J'ai 14 ans et l'écouterai encore pendant plus de 20 ans.

Même si mon enfance n'a jamais été "égarée".
(C'est adulte que je me suis appliqué à m'égarer:)

A refugee, a refugee...ce sont sur ses deux mots que se termine la première courte introduction, un doux morceau d'à peine 2 minutes. Fish se présente comme un réfugié émotif. La suite nous dévoilera la profondeur de ses tourments. Musicalement un de mes morceaux préférés. Kelly au claviers est hantant et la guitare de Rothery habille merveilleusement l'ensemble avec un dosage parfait.

La chanson qui suit les rend planétairement immortels. Steve Rothery trouve la hook de guitare en montrant à sa blonde comment conjuguer guitare et pédale à guitare et Fish s'inspire de Kay Lee, une jeune femme avec laquelle il a eu une relation de longue durée et qu'il a injustement sacrifiée au profit de ses ambitions carriéristes. La chanson a donné naissance au prénom Kayleigh dans le monde, et a aussi vu un retour d'ascenseur de la part du quartier de Galashiels en Écosse où les talons hauts dans la neige et l'aube qui fuit sur les murs des corridors du Collège baignés par la lune ont inspiré Fish. En effet, on a fait graver les mots "do you remember?" dans le market square, en hommage à ce joli morceau qui emprunte à Clifford T. Ward et à leur propre morceau Script For A Jester's Tear.  (I Never did write that love song/I'm still trying to write that love song). Pour rendre encore plus romantique, Fish allait épouser l'allemande Tamara Nowy qui apparaît dans le vidéo. Famous.

J'ai dû écouter des milliers de fois la chanson suivante qui emprunte, celle-ci, à la chanson traditionnelle folklorique Lavender Blue. Si Kayleigh faisant preuve de sentiment de culpabilité adulte et d'un échec amoureux, Lavender évoque plutôt l'innocence de l'enfance et l'espoir d'un amour plein de promesses. La ligne d'ouverture rappelle Joni Mitchell. La chanson, qui se mêle à cinq interstices musicaux après deux minutes, puis reprend le leitmotiv sonore au milieu un peu plus loin.

Bitter Suite est la partie "amère" de l'album. Découpé en cinq mouvements sonores, le morceau parle d'une brève rencontre, d'un weekend perdu, d'un ange bleu (un passage qui me donne encore des frissons aujourd'hui avec ses "J'entends ton coeur"), de l'enfance égarée et évoque The Who en fin de suite.  

Fish, comme bien des Écossais, est très fier de sa patrie. Il scande ici qu'il est né avec une coeur de Lothian. C'est un clin d'oeil à son district natal, l'Écosse du Midlothian en banlieue d'Edimbourg. La chanson est coupée en deux morceaux, La première partie, appelée Wide Boy, est nostalgique, douce et amère. Un Wide Boy en Écosse était un adolescent qui flambait tout son argent dans les pubs sachait qu'il ne manquerait jamais d'argent. La seconde partie, appelée Curtain Call, fait plutôt référence à l'époque actuelle (alors 1984/1985) où la réalité rattrape le rêveur. Kelly y brille passant du clavier au piano. Rothery est aussi magique à la guitare. Mosley est parfait à la batterie et Tewavas est impeccable à la basse. Fish est comme toujours intense à souhait et tout ce qu'il y a de plus juste.

And the man in the mirror has sad eyes...

La face B s'ouvrait avec ce morceau agressif qui rappelait Genesis autant dans l'interprétation vocale de Fish qui fait penser à Peter Gabriel, mais aussi dans les effluves expérimentales instrumentales.

La minute 53 qui suit emprunte un peu à Renaissance et à Van Der Graaf Generator tout en faisant le pont avec Blind Curve qui sera découpée en 5 tranches elle aussi.

La partie du milieu commence en transgression sonore et sera composée de voix sous une lumière de sang de la part d'un fugitif, d'étrangers passagers, de Mylo qui parle d'un ami du band, John Mylett, récemment décédé dans un accident de voiture, d'un retour à son enfance où Fish cite The Doors en marchant en périphérie des tristesses de la vie, avant de conclure qu'il est difficile de rester innocent dans un monde difficile à gérer en tant qu'adulte. Fish entre l'enfant et l'adulte, reste sur le seuil. Le band d'Aylesbury, Bunckinhamshire en Angleterre n'aura jamais été aussi meilleur et inspiré.

La chanson suivante est l'une de mes préférées de l'album, bien que la dichotomie entre la partie douce et la partie rythmée ne fonctionne pas parfaitement. Mais l'imperfection, ça peut aussi être séduisant. La basse de Trewavas est fameuse. la tapisserie sonore aux claviers de Kelly pendant la partie "soft" aussi. Elle parle de deuil de l'enfance, de la maturation émotive.

L'album se termine sur une marche de fierté où Fish clame qu'il est en pleine possession de ses moyens, qu'il n'appartient à aucune allégeance politique et qu'il est un esprit libre. C'est un choix de conclusion douteux, mais qui jette une lumière positive sur un album qui aurait pu être très sombre et si introspectif qu'il aurait érigé un mur entre l'artiste et l'auditeur.

Pour moi, le cordon ombilical était solide avec cet album.

Pour nostalgiques, émos, amateurs de musique progressive, de néo-prog-rock, d'album concepts, de claviers, d'ambiances gothiques, de poésie, de parfum des années 80 et de tendresse amoureuse.

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