Elles avaient froid.
De plus en plus froid.
Humant le sens du vent, elles cherchaient le point d'horizon qui les auraient guiées vers un soleil plus chaleureux. Ne serais-ce que pour se rendre de commerce plus agréable. Entre elles, vis-à-vis des autres, vis-a-vis ois-même quand elles fermaient les yeux la nuit.
Avec le temps on en avait laissé filer bien des choses. Les saisons glissaient en trichant vers les mois suivants. L'été s'étirait en septembre, l'automne sévissait en décembre, l'hiver plombait fin avril et le printemps coulait en juillet.
On avait même réinventé quelques recettes. Mais toujours en graissant les oies. De nouvelles présentation mais toujours les bonnes vieilles recettes.
Octobre dans l'aile, les oies sentaient le frisson pervers, le détournement de saison au travers de leurs flancs. Elles avaient beau lever la tête afin de trouver le signe du leader qui les mêneraient ailleurs, personne ne se levait vraiment. Toujours le même son du mouton dans les prés plus bas. Un son et un animal qui n'aiderait en rien leur exil.
Une première oie, appelons-là Serge, a choisit de lacher un couac. Un simple couac en forme de "Hé! Faites quelque chose!", son couac a aussi fait réagir une autre oie, appelons-là Vincent. Celle-ci a confirmé "Ouais, faites quelque chose". Gilles, la grosse toutoune oie, s'est aussitôt plaint de la tentative de révolte. "Non mais pour qui se prennent-elles ses oies stupides?". Gilles est une oie domestiquée qui mord facilement la main qui le pointe. On ne devient pas grasse comme Gilles sans moulée bien graisseuse importée d'Italie. "Ce n'est pas comme ça que l'on va jouer dans ma basse-cour et je ne me laisserai pas faire" a proclamé Gilles la fumée sortant de son bec. Préférant jouer le persécuté que le leader, il s'est tapi derrière son armée d'oies boiteuses et mâchonne du paillis électrique en boudant depuis.
Les oies bleues, oies rivales, n'ont pas vraiment pu condamné comme il se serait dû les cris sachant fort bien qu'ils cachaient eux aussi quelques lâchetés dans leur poulailler.
Toutefois les premiers cris ont eu un effet dévastateur sur la population oie. On a ouvertement lancé une pétition afin de plumer l'oie en chef, qui préférait fornicoter avec les moutons et les cochons sur la plaine au lieu de prendre son envol. Ce refus de commander la parade et cette confiance donnée aux moutons et aux porcs n'a eu pour effet que de multiplier par dix la grogne populaire. Plus de 250 000 oies ont suivi la suggestion de plumer l'oie en chef (caché dans des traits de mouton) sans toutefois la rendre possible. On ne plume pas une oie trop graisseuse. Ça glisse de partout.
Des oies de Terrebonne, Mascouche, St-Jérôme ont choisit d'aller se cacher dans la bergerie, celle où il y a le loup, un ami, un collègue.
Une oie courageuse, drapée de rouge, appelons la Martin, a suggéré un examen de conscience. On l'a publiquement humiliée et en privé sévèrement sermonnée. Cette idée d'avoir un certain leadership, oui mais quoi alors? Pour qui se prend-t-on? Quelle oie sauvage!
Ceci a inspiré une autre oie, appelons-là David, a souligner le caractère impropre des opérations de son équipée. Une autre oie voulant se sauver des sables mouvants dans lesquels on voulait l'engloutir a aussi choisit de tirer tout azimuts. "voici ma réalité, faites en ce que vous voulez" a-t-elle clamée, cette oie chauve que nous appelerons Paul, craint pour sa sécurité.
Il faisait froid, très froid.
Pour ces oies-là, la direction est maintenant le soleil.
Avant de geler dans le verglas comme c'est là.
Cap Tourmente ce n'était pas pour eux.
Elles avaient à prouver qu'elles étaient bien blanches.
Et pas cuisinables.
Braves bêtes.
Nous sommes toutefois restés pris avec les plus farouches et les plus louches.
Faciles à cuisiner.
Il fera toujours froid avec ses oies-là dans la basse-cour.
Éternellement basse.
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