mardi 30 novembre 2010

Le Drap Vers Soi

Luc a toujours tout fait pour que sa femme soit heureuse.

Cette nuit-là, il entendit indistinctement des sons qui semblaient être des gémissements féminins.

Il naviguait entre le sommeil et l’éveil. Semi-conscient, il n’était pas certain de bien départager le vrai du faux.

Il n’y avait pas de doute cette fois, il avait clairement entendu une femme demander tout bas à son partenaire d’y alller doucement: Le couple voisin était en pleine gymnastique corporelle. Une mince cloison séparait la chambre du couple de la leur. C’était la première fois, aux aurores, que des ébats sexuels autres que les siens, meublaient la trame sonore de sa nuit. Les occupants de l’appartement voisin étaient pourtant très âgés. Ils avaient plus de soixante-dix printemps. Luc fut rassuré de savoir que faire l’amour, corps contre corps, même si ceux-ci devaient avoir maintenant la texture de la peau de sanglier, pouvait se prolonger jusqu’à la sagesse. La vieillesse n’était finalement pas complètement un naufrage.

Tentant d’imaginer les mouvements de la chambre voisine. Il fut peiné de penser que des gens de l’âge d’or puissent avoir une vie sexuelle plus active que la leur. Et si sa femme en était malheureuse? Il trouvait soudainement sa situation regrettable. Ce souffle de femme qu’il sentait tout près était un chant de sirène dont l’appel devenait difficile à resister.

Inspiré, fut-il soudain.

Il se tourna vers sa femme et la découvrit hirsute. Les épaules velues, les bras lourds, une mâchoire solide, le début d’une barbe, une femme bien mâle; les songes sont étranges pensa-t-il. Réalisant qu’il ne dormait pas, il conclut qu’il ne pût pas rêver. Elle ne dormait pas plus. Elle avait quatre bras...mais...cet homme? qui est cet homme?

 Les trois regards se sont croisés. Luc, ahuri, aux côtés de sa femme, un inconnu siégeant sur sa celle-ci et sa femme, un rictus entre deux ardeurs exaltantes, qui suggérait aux deux hommes de ne point la laisser se distraire du plaisir évident de tout ça.

Cet homme avait toujours tout fait pour que sa femme soit heureuse.
Et elle paraisait définitivement épanouie, détendue et ravie.

Luc se rendormit.
Mal.
Il rêva de marteau-pilon et de puits de forage.
Rien à voir avec son ouvrage.

Ils étaient deux au déjeuner.
L'inconnu avait pris la peine de quitter.

Il était seul en fin de journée
Motel Dubuc sur la rue Tremblay.

Luc a toujours tout fait pour que sa femme soit heureuse.

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