jeudi 3 janvier 2019

Mouvements Politiques Chez Les Cols Bleus

C'est une expression que j'ai entendue à la radio dans la bouche d'une artiste de chez nous qui racontait un fossé qui se creusait dans sa famille.

Les différences agaçantes entre individus, les choses qui nous dérangent mais sur lesquelles nous passons l'éponge, souvent par amour, ou souci de la non confrontation, finissent toujours par nous rattraper.

L'artiste à la radio racontait que sa mère adoptive, et son père, avaient suivi l'envie du père quand est venu le temps de l'adopter, elle, bébé. Et que quand le père est décédé, son envie à elle, la mère adoptive, d'avoir une enfant, une envie qui n'avait jamais été vraiment sienne, cessait peu à peu d'exister.

Que vieillissante, elle devenait de plus en plus méchante.

On voit ça beaucoup dans les couples. On tombe en amour avec ce que l'on voit, on déchante dans ce que l'on découvre, on passe par-dessus plein de choses dans une moyenne mesure. Par amour, ou souci de la non confrontation. On est forts là-dessus au Québec. L'évitement de conflits.

Jusqu'à l'incommunication quand on est plus capable de supporter ce qui nous agaçait chez l'autre. Si il n'y a pas rupture, la méchanceté peut aussi s'y glisser.

Le malsain se dessine.

La séparation devient nécessaire.

Tout ça fatigue une tête.

On voit ça dans les familles, comme illustré dans l'exemple plus haut. Mais aussi dans toutes nos relations. Remarquez ces amis avec lesquels vous n'avez plus gardé contact. Souvent, pas toujours, il y avait suffisamment de choses qui vous agaçaient chez l'autre pour vouloir ne plus avoir ou rechercher la présence de cette personne dans votre entourage.

Le fossé dont je veux vous parler est celui qui se creuse entre mon coéquipier au boulot et notre superviseur direct: G.Pawdépôwl.

Je ne vous ai pas parlé souvent de mon coéquipier au boulot: Philibert Belleville. Difficile de trouver plus français comme prénom, mais il est principalement anglophone. Élevé dans cette langue au point d'en avoir gardé un fort accent. PhilBell qu'on l'appelle. Il a 5 ans de plus que moi.

La vie lui a été dure. 5ème enfant d'une famille d'autant de garçons, il a dû faire sa place parmi la fratrie. Il en a gardé un certain esprit de compétition permanent. J'ai cru comprendre que l'argent était difficile à trouver dans la maison qui l'a élevé.
Adulte, il prétend s'être fait coincer par une escroc. Une jeune femme qui aspirait à devenir infirmière, qui l'a été un temps très court, a quitté son boulot, ou "s'est fait démissionner", promettant de retourner y travailler, mais ouvrant la télévision pour ne plus jamais la refermer depuis. Le laissant lui comme unique gagne-pain.
PhilBell m'a raconté ça deux fois, comment il s'est fait coincer. Et qu'il aurait dû écouter les conseils de sa famille sur elle, dont tout le monde se doutait qu'elle serait une "slacker". Et qu'à cause de cela, le fait qu'il trouve le moyen de l'aimer quand même, celle que le reste de la famille n'aime pas, il passe le temps des fêtes relativement séparé de ses frères.
Comme la vie lui a flanqué des coups bas, une fois en logement avec elle et leurs enfants, un défaut électrique, dans leur logement non assuré, un incendie a tout ravagé. Leur faisant tout perdre. Provoquant aussi un choc post-traumatique important puisqu'ils sont sortis du feu in extremis. Du moins, c'est ce qu'il m'a raconté. Deux ou trois fois aussi. PhilBell se répète beaucoup. Il est moins important pour lui d'écouter que de dire. Peu importe qui écoute.

Il a travaillé plus de 20 ans dans un autre entrepôt dont il était le patron. Je ne lui demande pas pourquoi il n'y est plus et qu'il travaille maintenant chez nous, je soupçonne de possibles plaies. Il n'est pas mon supérieur, il est même mon égal, mais on lui accorde l'espace de l'expérience de plus de 20 ans dans un entrepôt et il a toujours des réflexes (qu'il freine, je dois lui accorder) de donner des ordres ici et là.
Je m'amuse parfois à le torturer en ne suivant pas du tout ce qu'il me propose de faire. Simplement pour lui montrer qu'il n'a pas besoin de me diriger. Il me respecte davantage pour ce type de résistance.

Entre nous ça fonctionne bien. Dans la mesure où il a compris qu'il serait peut-être éventuellement superviseur d'entrepôt et moi envoyé vers les bureaux. Il m'appelle d'ailleurs "suit" (me trouvant aussi une ressemblance croisée entre les deux acteurs de la série).

On se rejoint surtout dans un mépris commun de G.Pawdépôwl. Qui prend de très mauvaises décisions, prend le crédit de tout ce qu'on fait, fait de erreurs nombreuses et est généralement jaloux et extrêmement malsain pour nous (et l'entreprise). On soupçonne qu'il sera viré. On a un nouveau directeur de production, qui est son superviseur direct à lui, et qui flaire vite la "bullshit" du "je suis trop occupé pour faire ça"

Depuis la mi-novembre, on déménage l'entrepôt. Inutile de vous dire que nous avons été au coeur de tout le remue-ménage. Et que la fatigue de la tête était lourde. Les irritants se sont exacerbés. J'ai été le plus "civil" de tous et je crois qu'on a appris à m'aimer encore plus au boulot pour mon sens de la diplomatie et mes instincts rassembleurs.

Mais PhilBell a la subtilité d'un boeuf dans une litière à chats.
Il fait venir le directeur de prod simplement pour montrer qu'il avait raison contre une idée originale de G.Pawdépowl et lui monte de nombreux griefs comme un leader syndical tenterait inlassablement de convaincre ses collègues de joindre le syndic. Lui veut convaincre le dir. de prod. d'éventuellement liquider G.Pawdépôwl.

Ce qu'il n'a pas fait.
Encore.
Mais il a largement réduit les tâches de G.Pawdépowl.
L'empêchant maintenant de dire à tout vent:
"je n'ai pas le temps".

Ça bouge au boulot.

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