vendredi 24 février 2017

Petite Ombre de Grand Prince

Pour les trois prochains jours, je vous offre les États-Unis en musique, en littérature et en films.

Il y a remises de prix dimanche dans le monde du film aux U.S. of A

J'ai envie de revenir sur une autre remise de prix récente.

Retour sur un moment des derniers Grammys.
(Je ne veux pas vous parler de la malhonnêteté de l'administration Trump tous les jours, mais le ferai un peu quand même!)

Retour sur une bulle.

Crevable.

Les cérémonies de remises de prix ont beaucoup perdu en valeur avec le temps. Même que dans un ordre qui pourrait être discutable, on remet les prix artistiques en grande pompe, à heure de grande écoute sur les grands réseaux, tandis que l'on souligne toutes les autres sortes de prix, parfois socialement nettement plus importants, par quelques photos dans les journaux. Faudrait repenser les concepts du genre.

Les Grammys, la remise des grands honneurs de la dernière année en cours dans l'univers de la musique pop aux États-Unis, ne fait pas exception.

Et notre manière de voir la chose varie d'une personne à l'autre. Elle varie autant qu'il y a de genre musicaux et de manière de les recevoir en son moi intérieur. Je dirais même qu'il existe autant de manière de recevoir les résultats qu'il existe de races aux États-Unis. Sans l'avoir regardé, j'ai plus lu qu'Adèle avait volé les honneurs à Beyoncé que quoi que ce soit d'autre sur le show. Beyoncé joue sur vos stations radios, vous? Je connais le personnage. Je ne peux toutefois pas trouver l'air d'un seul de ses morceaux à chanter un peu. Un seul, oui, pour les mauvaises raisons. Un autre, en duo avec son chum. Mais les deux, c'était il y a longtemps. Beyonce est un symbole plus qu'une chanteuse dont on utilise pas la voix à son plein potentiel pour moi. Et elle ne joue pas dans nos radios.

Je ne regarde pas cette remise de prix parce que c'est le party des États-Unis, Et les États-Unis, ce n'est pas chez nous. De moins en moins avec le gênant Trump. C'est quand même une partie de l'Amérique où on se trouve. Ce sont aussi parfois nos oreilles. On y honorera du country ou des artistes qui ne nous disent rien. On honorera rien (ou si peu)dans le jazz, ni dans le classique, ce qui trahit l'idée musicale et ne fait écho qu'au mot "populaire". Mais encore, on finit par déclarer gagnant des musiciens qui ne jouent pas beaucoup à la radio chez nous. D'autres diront, en revanche, que les artistes sont déjà récompensés de par leur popularité. Les remises de prix seront toujours discutables.

Ce que j'ai envie de jaser c'est ce que j'ai vu de la soirée. Ce qui m'intriguait. Et qui m'a un peu déçu.
Le clin d'oeil fait à un grand disparu musical de l'an dernier: Prince.

En premier, il y a eu le rappel de la mort de George Micheal. Un hommage où Adèle n'a jamais parue plus humaine, championne et adorable. Elle a sacré en direct en recommençant le morceau qu'elle ne trouvait pas au goût de son oreille et une britannique en plein Breixit sacrant aux États-Unis fait tout à fait du sens pour moi de nos jours. No fail chez Adèle. Fail in the U.S. of A. et en Angleterre.

Pour le même honneur pour Prince, certains avaient peut-être à la mémoire son extraordinaire moment de fesses sur scène lors de sa performance au MTV Awards de 1991 ou encore celle du spectacle de la mi-temps du Super Bowl de 2007. Prince était un électrifiant personnage sur scène et assurément l'un des plus créatifs artiste musical de son époque. Chaque fan pouvait avoir son moment préféré en tête. Mais un vrai fan savait aussi qu'il avait son côté dark. Et il aura été sombre jusqu'à la toute fin.

Les Grammys ont choisi d'ouvrir l'hommage par une saisie du moment charnièrePrince a été catapulté au sommet de la planète pop en 1984, année des sorties simultanées de son album et du film Purple Rain. Morris Day, leader du band The Time, dont Prince signait tous les morceaux, est venu chanter deux morceaux funk, ce qui était une très honorable idée d'extension de l'identité du disparu. Un miroir sur scène restait en communion avec le personnage et nous le suggérait intelligemment d'ailleurs.
Toutefois un anachronique symbole, (ce que Prince a été un bout de temps par révolte d'affaires) est venu décorer l'arrière de la scène tout de suite après, mais surtout, sautait 10 bonnes années du kid de Minneapolis. Une version montée d'une partie du discours d'ouverture de Let's Go Crazy s'est fait entendre et un fils illégitime de Prince, Bruno Mars, est venu faire une très très admirable version de la chanson. Rien à redire là-dessus, Il a chanté, il a dansé, il a paru faire semblant de jouer de la guitare (où était le fil?). Il a été très professionnel. M'a même un peu ému momentanément.

 Bruno Mars, aussi sympathique soit-il, était tout de même dans l'imitation. Personnellement, une fois l'émotion passée,  j'ai éprouvé un inconfort. Il me paraissait imitateur d'un artiste dans l'extrême distance. L'image qui me revenait en tête tout le temps, et qui me colle à l'esprit depuis, est celle de Bruno Mars en selfie, avec un tout petit, tout petit (lui qui avait déjà le format d'un enfant)Prince, loin dans la distance. Et peut-être même sur une montagne. Toute le frénésie aurait dû laisser un espace pour un peu d'ombre dans toute cette radieuse folie. Pour rendre vraiment justice au prince.

C'est étrangement à la pause que le spleen attendu est venu. Un commercial annonçant le téléphone Google Pixel est venu nous rappeler le formidable artiste de manière inattendue. Des créateurs alternatifs comme Sampha, John McCauley (de Deer Tick) et Jenn Wasner (de Wye Oak), mais surtout de parfait nobodys ont chanté des segments de Nothing Compares 2 U, popularisé par Sinead O'Connor, originalement écrite pour The Family, mais toujours signée Prince. La pub a laissé passer une dose de tristesse que le dynamique moment des Grammys avait échoué à faire. On avait choisi la fête aux Grammys. Le soleil.
Le spleen est nécessaire quand on pense à Prince. Qui a touché à la lune et aux étoiles pop, s'est battu avec l'industrie (souvent à tort), industrie qui l'a brutalement ramené sur terre, Prince a maladivement protégé sa musique du net toute sa vie, a même fait disparaître la plupart de ses vidéos, habité par la rancoeur et l'envie de protéger ses droits d'auteurs jusqu'au bout. Il n'est devenu qu'un succès d'estime passé l'épisode du symbole, il est mort beaucoup trop tôt et de manière bête et absurde. L'industrie musicale, passé 1994, il a lutté contre. Et la voilà qu'elle lui fait la fête. Il aurait savouré l'ironie.

L'histoire de Don Quichotte a une conclusion assez triste. Il fallait au minimum évoquer autre chose que de juste lâcher son fou.
Lâcher son fou, c'est fait. Trump est au pouvoir.

Tout le catalogue de Prince est maintenant devenu accessible sur Spotify, Apple Music et bientôt surement partout ailleurs.

Don Quichotte n'est plus là pour les moulins.

Bien sur on ne voulait probablement pas faire pleurer plus qu'on ne le devrait. Sous une lune cerise, un pont graffité ou sous une pluie mauve.

Mais Prince honoré par une industrie qu'il avait dans le cul et par la publicité d'un téléphone dont il ne servait pas...
(Il n'utilisait pas de téléphone intelligent)

Parfum de goguenardise.

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