lundi 31 janvier 2011
Kieslowski
Je rentrais tard dans le nuit encore un peu éméché d'alcool comme bien souvent.
C'était autour de 1991.
Mon rituel était de dégriser à coup d'Apricot Brandy Sower, sur le divan du salon en écoutant la télévision. Le côté sucré du Brandy venait contrebalancer le whisky ou le gin ingurgité et souvent je me réveillais le lendemain sur le divan du salon en ayant épargné de l'agitation dans mes draps.
Ce soir de 1991, j'étais revenu en taxi de ma buverie. C'est donc tout naturellement que j'avais suivi cette intrigue d'un jeune homme qui avait gratuitement tué un chauffeur de taxi qui passait à radio-Canada aux petites heures de la nuit. Pas que j'eusse voulu tuer le chauffeur de taxi qui m'avait ramener chez moi mais ouvrir la télévision sur une jeune homme (ce que j'étais-19 ans) qui assassine un chauffeur de taxi alors que l'on débarque soi-même d'un taxi, ça fait son effet. Surtout saoûl. D'autant plus que les images étaient très graphiques laissant peu de place à l'imagination. On aurait cru que je surprenais un évènement qui se dérolait pour vrai. De là la décision de passer ce bout de film au milieu de la nuit j'imagine.
J'écoutais Krótki Film o Zabijaniu ou si vous préférez Tu Ne Tueras Point. Un film de Krzysztof Kieślowski, un cinéaste que je ne connaissais alors pas. Ce film était la partie 5 d'un projet du cinéaste polonais appellé le Décalogue, un projet de dix films d'une heure tournés pour la télévision dont le sujet serait l'un des dix commandements. Après tout, le pape était alors Polonais, il était presaue normal que les projets de piété viennent de ce coin du globe.
Le film a tant secoué la Pologne sur la question du "droit de tuer" qu'un moratoire de 5 ans a aussitôt été déclaré sur la question suite au visionnement.
Mais suite au visionnement de ce téléfilm, dérangeant et faisant beaucoup réfléchir effectivement, je me suis aperçu que dans ma ville jouait un autre film du même réalisateur au cinéma. Un film qui m'a bouleversé. D'abord pour la qualité de la mise-en-scène, puis pour la qualité de la photographie (de Slawomir Idziak), de l'extraordinaire musique de Zbigniew Preisner ainsi que pour la beauté absolue d'Irène Jacob. Cette fable sur nos mystérieuses connections de l'un à l'autre à travers le monde m'a totalement enchanté.
Encore plus quand j'ai exploré le réalisateur et que j'ai découvert qu'il se cachait derrière cet artiste un esprit extrèmement cartésien. Fonctionnant beaucoup par cycle et issue de l'école du documentaire. On sait que le documentaire peut avoir des techniques rigides de réalisation et dans un pays froid comme la Pologne je m'attendais à moins de chaleur de la part de Kiesloswki.
J'ai donc suivi la suite de son oeuvre qui allait se résumer à une trilogie sur les trois couleurs représentants la France, son pays d'adoption. Les thèmes allaient bien entendu être Liberté (Bleu)Égalité (Blanc) Fraternité(Rouge).
J'ai été impressionné par Bleu. Le personnage de Juliette Binoche perd son mari et son enfant dans un accident de voiture. La question que ce film pose est "Est-ce que cette perte de repère peut permettre un nouveau départ, donc une liberté? Ou n'est-ce qu'une illusion aux mêmes causes et aux mêmes effets?".
Blanc m'avait légèrement déçu. Le traitement du thème n'en était toutefois pas moins excellent. Le concept d'égalité suggère que nous sommes tous égaux. Or Kiesloswki (à juste titre) pense que ce n'est pas vrai. Personne ne veut vraiment être l'égal de son prochain. Chacun veut être plus égal.
Rouge m'avait beaucoup plu. La question que le film posait consistait à savoir si en donnant aux autres un peu de soi-même, nous ne le faisons pas pour avoir une meilleure idée de nous-mêmes.
Il venait de démarrer ainsi l'écriture d'une nouvelle trilogie sous le thèmes du paradis, de l'enfer et du purgatoire quand il meurt prématurément à l'âge de 55 ans d'un arrêt cardiaque.
Il aura eu le temps d'écrire le premier épisode, Heaven, qui sera adapté, après son décès, par Tom Tykwer. Le scénario de l'enfer sera finalisé par Krzysztof Piesiewicz et mis en scène par Danis Tanović avant sa sortie en salle en 2005.
Ce réalisateur devait sentir que sa vie serait écourtée par la mort puisqu'il a tourné 48 films en 18 ans.
(ou serais-ce ce qui l'a tué?...:)
J'ai été très content de trouver la trilogie des trois couleurs à 10.99$ en vente dans un magasin misérable.
Je serai encore plus heureux de les redécouvrir 15, 16 et 17 ans plus tard.
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1 commentaire:
Ah! Le gars responsable de ma séparation après 15 ans de mariage!!! LOLOL...
Oui, j'ai adoré Rouge... les autres ont eu moins d'éclat, malgré le plaisr qu'ils m'ont aussi apporté...;-)
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