lundi 6 décembre 2010

Mordecai le Bon, Mordecai le Con

Mordecai Richler aura été l'un des plus grands écrivains que le Québec n'aura jamais offert au monde entier.

De The Acrobats à Barney's Version Richler aura écrit la réalité montréalaise anglophone et juive à la même hauteur qu'un Philip Roth ou un Norman Mailer. Le Mile-End et la partie Ouest anglophone de Montréal, il l'a incarné et écrit. Son talent à dissequer l'humanité et à en faire ressortir les travers et l'absurdité en fera un immense auteur.

Mais le journaliste sera un portraitiste totalement imparfait. Le pire locuteur collectif possible hors province pour le Québec et pour ses juifs.

Dans ses livres de fiction? le meilleur. Ailleurs: le pire.

Il y avait chez Richler un côté d’amuseur public reflétant les travers de la société à travers le miroir déformant de son humour.

Tellement déformant quelque fois que la fissure entre l'excellent Richler, auteur aura souvent fait de lui, Richler l'homme public, un menteur.

Un homme qui a fait extrèmement de tort à l'image du Québec à travers le monde.

Auteur de seulement onze romans, il a toutefois écrit de nombreux scénarios pour la télé ou le cinéma, des essais (souvent polémistes et pamphlétaires), des articles de journaux, des livres pour enfants et plusieurs oeuvres de non-fiction historiques ou analytique de la vie sportive.

Homme public extrèmement difficile autant pour la majorité francophone, la frange souverainiste entre autre qu'il méprisait ouvertement, que pour la communauté juive dont il était issue et qu'il accusait d'inertie et d'ignorance, Richler était apparement un père (de 5 enfants) fantastique. Un homme timide, réservé voir posé, ce qui est 100% l'antithèse de la tête brûlée qui comparait à tort René Lévesque à un nouveau leader nazi aux États-Unis.

Dans les années 70, Richler, par la liaison naturelle de langue anglaise, était un peu devenu le porte-parole (autoproclamé) du Québec aux États-Unis. Fort de 8 romans extrèmement populaires et d'un scénario nommé aux Oscars, Richler avait avec cette déclaration que les États-Unis ont cru, fait de René Lévesque un persona non grata dans les universités Étatsuniennes.

Pire encore, Richler faisait circuler aux États-Unis que les Québécois étaient antisémites, ce qui a été prouvé 100% faux alors qu'autant en 1930, sur lequel Richler basait ses impressions, que dans les années 70 que de nos jours, les Québécois sont les MOINS antisémites au pays. La crédibilité de ses assertions n'étaient toutefois pas souvent mises en doute car les Québécois, des années 70, et encore plusieurs boommers de nos jours, étaient si terrorisés par "l'envahisseur anglophone" qu'ils ne s'intéressaient pas à la langue anglaise préférant les craindre.

Un peu comme Mordecai vis-à-vis de la majorité francophone qu'il ne comprenait absolument pas finalement.

Vers le milieu et dans la deuxième partie des années 80 jusqu'au début des années 90, 8 articles sur 10 parlant du Québec aux États-Unis étaient signés de la main (et de la malhonnêteté intellectuelle) de Mordecai Richler.  Vous vous imaginez l'image faussée que les voisins du sud pouvaient avoir (et ont peut-être encore) de nous? Ce n'était pas de sa faute si il était à peu près le seul à écrire sur nous, on le lui demandait et il s'éxécutait (ou nous éxécutais...) mais quand c'est une voix aussi injuste qui parle en notre nom, il aurait quand même fallu une contrepartie.
Ce que Jean-François Lisée lui a offert en le cuisinant en direct dans un débat en 1992, détruisant un par un tous les mensonges qu'il avait écrit sur le Québec, laissant un Mordecai Richler tout à fait vidé d'arguments et plutôt pathétique en studio. Cet affront entre les deux hommes est présent dans le documentaire de Francine Pelletier qui sortira prochainement sur Mordecai Richler à Radio-Canada. Une scène d'anthologie où Richler trébuche publiquement pour une rare fois.

Quand les enfants de Richler ont quitté le Québec, Richler a inconsciemment accusé les Québécois francophone de l'exil forcé de ses amours. Il s'est mentalement réfugié dans ce qu'il considérait son paradis perdu des années 50 et a largement versé dans une aigreur grandissante face au le peuple qui était le sien. Il s'est même aliéné le juifs eux-mêmes.

L'oeuvre de fiction est beaucoup plus intéressante, voire plus intelligente que l'oeuvre du journaliste.

Faisant parti de la génération des Saul Bellow, Mel Brooks, Lenny Bruce, Delmore Schwartz ou Norman Mailer, tous des fils d'émigrant qui ont choisis de casser le moule du petit juif cosaque qui a quitté son pays pour venir en Amérique, Richler aura su tailler sa place parmi les grands auteurs du vingtième siècle. Cette génération s'est ouvertement moquée de sa propre communauté, se foutait éperdument des goys et dans le cas de Richler ou Bellow, utilisait le yiddish comme le québécois utilise le joual.

Les propos blessants, mensongers et injustes que Richler a tenus sur les québécois tendent à s'atténuer car le vieux bougre est décédé depuis 2001.

Mais le venin répandu dans ses oeuvres de non-fiction et dans sa vie publique n'aura été que navrante et honteuse.

Sa magistrale oeuvre de fiction tient toujours en librairie, même si traduite quelque fois en France et donnant dans l'horreur comme "Café Mitzvah" traduction de "Bar Mitzvah". Et comme il n'y a que 11 fictions je vous les recommandes toutes car elles en valent TOUTES hautement la peine.

(Idéalement en anglais)
-The Acrobats (1954) non traduit
-Son of a Smaller Hero (1955) Mon Père, Ce Héros
-A Choice of Ennemies (1957) Le Choix des Ennemis
-The Apprenticeship of Duddy Kravitz (1959) L'Apprentissage de Duddy Kravitz
-The Incomparable Atuk (1963) non traduit
-Cocksure (1968) Un Cas de Taille
-The Street (1969) Rue Saint-Urbain
-St-Urbain's Horseman (1971) Le Cavalier de Saint-Urbain
-Joshua, Then & Now (1980) Joshua, au Passé, au Présent
-Solomon Gusrky Was Here (1989) Gursky (personnage inspiré de Charles Bronfman, qu'il détestait.)
-Barney's Version (1997) Le Monde de Barney

La version cinématographique de Barney's Version qui sort en salle prochainement avec son casting exceptionnel  (Paul Giamatti est TOUJOURS extraordinaire)promet déjà beaucoup.

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