vendredi 3 décembre 2010

Couacs

Je tergiverse.
Encore.

Quand je me suis lancé en traduction à l'université c'était entre autre parce que j'ai une certaine facilité avec les langues.

C'était aussi parce que j'en avais plein le cul de lire des matchs de baseball dans des livres traduit par des gens qui ne comprennent rien du sport. "Première base?" "marquer un but?" "Prendre la batte?" C'est pas un peu imbécile d'envoyer en Europe les auteurs qui traitent de nos réalités continentales?

Tabarnak.

C'était beaucoup aussi parce qu'entendre "à fond la caisse" ou "j'te pête à la tronche" me rend fou. JAMAIS on n'utilise ce type d'expression par chez nous.

Loin étais-je de me douter que j'allais alors nager en plein coeur du problème. J'ai eu 4 professeurs jusqu'à maintenant. Un québécois francophone, une anglophone et deux français d'origine. Bien que les deux français d'origine soient au Québec depuis plus de 30 ans, leur enseignement est EXTRÈMEMENT français d'Europe.

Surtout le pignouf qui m'enseigne cette session-ci. J'ai le même prof deux fois et, bien que je croyais que ce fusse d'abord un avantage, c'est un véritable cauchemar.

Alors qu'il fallait trouver un terme familier pour parler du mot "perrene" mon dictionnaire (Pourtant d''Europe) exigeait que je le remplace par "permanent". Un terme franchement familier. En tout cas au Québec. Toutefois le professeur a corrigé en disant que le bon terme familier qu'il aurait fallu utiliser était "sempiternel"...

SEMPITERNEL?!!!!

Vous entendez souvent sempiternel  autour de vous?
Je l'ai lu souvent, entendu quelque fois à la télé ou dans des cercles pointus mais honnêtement, je ne l'ai pas souvent entendu ailleurs. Famillier doit être...familier non?
Comble de l'ironie j'avais intitulé par le passé un des mes scénarios "Le Sempiternel Sentier de la Mort" et on m'avait indiqué de changer le terme "sempiternel" car il était trop "songé" pour le public...POUR VRAI!

Plus lourd encore est l'utilisation du mot "canard" par mon prof. Dans les mutliples sens qu'a le mot "canard" il y a entre autre "un journal". Très français de France mais bon, sans vraiment l'utiliser, on connait ce sens ici. Mais il y aurait apparement aussi "le moment où un son qui aurait dû être en harmonie est faux", il faudrait alors aussi parler d'un "canard".  Au Québec on a toujours parlé d'un "couac" pour décrire ceci mais selon Phillibert Ronflant-Pochtron il faudrait parler d'un canard...Pratiquement tous les élèves se sont regardés en se disant "christ yé dans le champs". Même les quelques élèves de France ont souligné que ce n'était pas vraiment ce qui se disait ici. Ce qui n'a pas semblé restreindre notre condescendant intellectuel.

Double tabarnak.

Je m'apperçois que je suis en total confrontation avec les enseignements de mon prof. Bientôt il refusera que l'on parle des CEGEP et exigera que l'on discute de la Fac. Le Québec a un vocabulaire et ce vocabulaire n'a pas besoin du lexique de France. En fait oui il en besoin mais il faut résister à cette invasion arbitraire pleine d'impropriétés.
"Si" au Québec marque une condition. Ça ne voudra jamais dire "oui".
Et "gosses" ne voudra jamais dire "enfants".
Ils sont issus de notre paire de gosses et c'est tout.

Je me rends compte, qu'au même titre que certains Québécois luttent contre l'anglais, je suis férocement anti-français de France. Il y a un français de France, un français du Québec, il y a en des dizaines d'autres à travers le monde, mais il y a surtout un français d'ici que je ne renierai jamais. Une Américanité qui n'a rien rien rien rien RIEN à voir avec les termes de France. Les termes de France font des "couacs" un peu partout dans nos oreilles.

En faisant mon jogging il n'y a pas longtemps j'écoutais une émission que j'aime beaucoup: C'est Juste de la TV à ARTtv . On y parlait de représentativité dans notre télé. Brendan Kelly disait qu'on n'y présentait que des blancs francophones et que notre collectivité était beaucoup plus hétéroclite. Ce souci d'être fidèle à la réalité au travers de la fiction m'a un peu amusé. Surtout que tout de suite après commençait Rumeurs. Une série qui pouvait justement être pointée du doigt par la déclaration de Kelly et qui a connu un gros succès chez nous. Mais un des très vilains défauts de cette émission en est sa surécriture. Un personnage dit à un certain moment "...Je ne voudrais pas subir l'oprobe du rédacteur en chef..."

Peurdon?
L'oprobe?...
Représentativité: 0
À l'écrit ça passe, tout passe,  mais à l'écran? dans la bouche de la Souris Verte?...calisse.
Est-ce que cette mauvaise écriture est justement issue de ce type d'enseignement bâtard?

"C'est aussi parce que j'en ai plein le cul"...y en-t-il dans la salle qui ne comprennent pas le sens de ces mots?
Pourtant il m'apparait clair qu'on me l'aurait fait changer pour "C'est aussi parce que j'en ai marre..."

PFFFF!
Pas en Amérique francophone.
Pas avec moi.

Je ne boirai jamais de "boite" de bière mais des "cannettes", ça oui. Toujours. Même au déjeuner . Pas au "petit dej." AU DÉJEUNER!!!!!!

John Upidke en devient pratiquement illisible en français chez nous tellement ses traductions font froncer les sourcils. Normal. Son univers est fermement ancré en sol d'Amérique et sa réécriture se fait dans l'hexagone.

Duh!

Je me rends compte aussi que mon entêtement à ne pas vouloir utiliser le mot "Américain" (puisque nous le sommes nous aussi) pour parler des étatsuniens m'empêchera probablement de traduire à jamais...

Depuis deux semaines les mots mathématiques, arithmétiques, algèbre et lundi dernier: statistique et pourcentage sont répétés 4 à 5 fois par cours. On fait même des graphiques...

Des diagrammes, des courbes, des arbres, DES GRAPHIQUES! de l'ALGÈBRE GRAMMATICALE!
Je vous jure j'en ai eu les épaules voûtées par en dedans, de sérieux noeuds à l'estomac et un sérieux cafard.

Me souliers ne sont pas dans le bon placard encore.

Je réalise que mon américanité se confronte à la francisation européènne pour lequel il n'est pas naturel pour le Québec de se plier.
Mais surtout qui n'a aucune raison de le faire.
C'est pas comme si on ne parlait pas déjà français.

C'est juste que là, mon avenir me parait plus brouillon.
Again.
Should I stay or should I go now.
Sempiternelle question.

Je tergiverse.
Encore.
Avant même de m'être rendu "à la première base"

Triple tabarnak.

4 commentaires:

Aimgie a dit...

Encore une fois, je me retrouve tellement dans vos commentaires, monsieur Jones... Étant moi-même francophile, je suis quand même obligée d'admettre que les français qui viennent s'installer ici ont encore une attitude de colonisateur, et nous, trop souvent, adoptons l'attitude de colonisés.

Non mais quand je vois les gens s'exciter parce qu'un mot, une expression ou une personnalité d'ici se retrouvent dans le Petit Robert, ça m'énerve... non mais si nous usons de créativité, d'indépendance, a-t-on tant besoin de se sentir reconnus par nos "cousins" français. Franchement.

On est pas sorti de l'auberge, euh du bois... :) Cessons donc d'avoir peur de s'affranchir, une fois pour toutes, qu'est-ce qu'on attend pour devenir fiers, contents de ce que nous sommes. On finira peut-être par devenir quelque chose comme un grand peuple qui développera assez de jugement pour élire des gens qui défendrons nos intérêts propres.

Excusez-moi cher monsieur Jones pour ce long commentaire mais cibole, il est temps qu'on se réveille.

Jones a dit...

Les commentaires peuvent toujours durer trois pages, tant qu'on ne verse pas dans le dérapage.

Tout à fait d'accord avec vos propos.

Je ne crois pas que nous manquions de fierté, je crois que nous ne savons juste pas l'imposer.

(Et je suis plus un jeune homme qu'un "monsieur" quand même...:)

Aimgie a dit...

Bien merci, jeune homme :), c'est toujours un plaisir de vous lire. Me reste qu'à souhaiter que vous persistiez dans vos convictions et que j'aurai le plaisir de lire des traductions signées de votre main et d'y retrouver votre esprit vif et éclairé.

Jones a dit...

Un jour peut-être...
(mais au prix de combien de batailles?...)