Sans arrêt, pendant une semaine, apprenant par coeur les schémas de Ferdinand de Saussure, les théories de Roman Jakobson tout en courant aux toilettes me fairer vomir de temps à autre.
Souvent, sinon tous les jours je me suis couché passé minuit tout en me levant le lendemain aux aurores pour préparer les déjeuners de mes trois amours et sacrer avec passion contre les passions des linguistes. Je hais les linguistes, c'est comme des mathématiciens de la langue. Des laiderons en plus.
Ce vendredi-là j'étais sonné. La quantitié de matière inintéressante débordait de ma tête. J'aurais été saoûl que je me serais senti mieux. J'avais des étourdissements d'étrangers dont on veut faire apprendre une nouvelle langue en une heure. Je délirais tant mentalement que j'aurais pu commencer à parler espagnol avec une voix de femme.
"Bueno, el enculeurs de moscas ahora"
"Voy a destornillarte el cráneo si hablas todavía así de nosotros" j'ai répondu.
...Répondu?
Il y avait bien une femme devant moi qui, en me voyant à moitié nu devant mon ordi, a hurlé ce qui m'a fait moi aussi hurler. Mais comme j'avais une moitié de cuillérée de gruau dans la gueule le résultat de mon cri a ressemblé davantage à une explosion de bébé refusant sa bouchée.
La (cal..de...) femme de ménage.
"Qu'es-ce que vous faites ici un vendredi???? ('stie ai-je retenu)"
"Maismadammaditmadammadimadammadi di vinir oujiourdwi yé né savê pa...ouuuuuuuuuuh!" a-t-elle fait apeurée en se cachant les yeux derrière sa moppe.
Bon. Il n'y avait franchement pas longtemps que j'étais levé et il était vrai que j'étais uniquement en boxer et que ma gloire du matin déformait mes boxer et merde.
En moins de trois je me suis vêtu, j'ai stuffé mon ordinateur et mes notes de cours dans un sac et j'ai fui à la bibli.
C'est agréable la bibli. J'y travaillerais bien. La clientèle y est généralement moins abrutissante que disons, dans un dépanneur ou un club vidéo, et on bosse au milieu de tous ses brillants auteurs qui dorment sur les étagères. Et comme j'habite dans un secteur de sérieux mafieux où on ne lit que les chroniques nécrologiques, les bons livres/auteurs sont toujours disponibles sur les rayons. C'est un lieu très inspirant. Et en plus le silence règne. On peut donc laisser les musiques qui jouent dans nos têtes prendre toute la place.
J'étais parti si vite que je ne m'étais non seulement pas rasé mais j'avais aussi négligé de me peigner. Ainsi les sourires que j'adressais aux belles jeunes filles qui, souvent, font naître une étincelle dans leur oeil tombaient à plat. Elles avaient davantage le regard de celle qui distingue une créature incertaine dans un film d'horreur poche. J'avais pas tout à fait la tête du caissier de la banque.
Plus poche encore, je ne m'étais pas brossé les dents. Ce qui expliquait le visage de dégoût que m'avait fait la fille du comptoir aux seins franchement exagérés quand je lui avais demandé si la quatrième saison de The Wire était enfin revenue. S.o.S. gomme!
Comme j'étais dans l'ultime lieu du savoir, sachez qu'un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien. (allitération)
...hein? Jones! Make sense, you punk! l'étude qui était dans mon chemin encore...
Comme j'étais dans l'ultime lieu du savoir, j'ai su distinguer mes priorités.
J'ai fini mon livre et en ai commencé un autre qui me faisait de l'oeil sur les tablettes.
Mon cerveau n'était pas mieux qu'un oeuf au fond d'une poële. Moi qui me remplissait de niaiseries linguistiques qui ne me serviront jamais, Ô saaaaaaaaaaaaalement jamais depuis un bout de temps et qui dormait si peu. Du fond de mon sofa au fond de la bibli je me sentais partir...lentement...cette lourde paupière...y a t il vraiment un mollet qui danse, croisé sur un genou, sous cette table au loin?...
Je dormais.
Mais j'ai tout entendu.
Employée aux yeux perlés: Tu penses qu'il a bu?
Employée aux seins exagérés: Je le sais pas, mais faudrait pas le laisser ronfler de même...
Employée au jean qui menaçait d'exploser sur son bas-ventre: En tout cas je suis passé près de la toilette où il est passé tantôt...y est en méchante bonne santé le monsieur!
Elles n'avaient pas fini de débattre sur mon sort que j'étais déjà rendu dehors au volant de mon char à brûler du pétrole, zombie.
Suis allé m'acheter un livre comme toute les fois où je me pense mort.
Je serai pas linguiste, pas plus communiste mais calisse.
PFF! ...bonne santé...
Au moins je suis régulier.
Elle ne se voit pas.
Toutoune!
Aucun commentaire:
Publier un commentaire