C'est très récurrent.
On appelle ça, de nos jours, souvent des easter eggs. Comme dans oeufs de pâques, qu'il faille faire chercher aux enfants à Pâques. On cache quelque chose sans vous le dire, à vous de le trouver.
Mais parfois l'appât est très exposé. C'est toujours pour s'amuser. Un verbe si beau dont on oublie la saveur: amuser.
Dans leur clip Just, single tiré de leur second album, l'excellent The Bends, on y voit un homme choisissant de se coucher au sol sur le trottoir. Un autre homme s'enfarge dans son corps étendu par terre. Ils discutent ensemble. Sous-titrés, on lit leurs échanges pendant que Radiohead joue sa chanson, ailleurs. Des gens s'inquiètent du pourquoi de son geste, qu'il insiste de ne pas en révéler la cause. Des gens s'amassent autour, même un agent de police. On s'impatiente à savoir pourquoi il fait ça. Il finit par accepter de le dire, même le band, de ce qui semble être d'une fenêtre donnant sur la rue, se penche pour écouter ce qu'il a à dire, et ce sera le seul moment où le dialogue ne sera pas sous-titré. Il faut le lire sur ses lèvres. Même qu'on fait exprès pour nous rendre la tâche compliquée. Deux gros plans sont utilisés d'angles différents, pour qu'on ne comprenne pas facilement.Les théories sont allées dans tous les sens. De "I just can't take it anymore" à "Radiohead" en passant par "We're all pretending to be okay". Le mystère était volontaire. Les gars de Radiohead sont très intelligents. Ils voulaient que chacun/chacune, se fasse sa propre idée. S'approprie sa compréhension vibratoire. L'essence de leur art.Peu de bands dans les années 90 ont évolué avec autant d'ébullition de manière aussi radicale sur quelques 15 ans qu'eux. Leur catalogue n'a jamais cessé de négocier les structures, l'audace et les fragmentations avec chaleur et aliénation. Mélodiquement et avec abstraction. Les trois premiers albums sont orientés par les riffs de guitares enragés aux racines grunges propres aux années 90. Mais même dans leur plus "conventionnel" Radiohead laissait poindre des moments d'inconforts comme cet homme couché au sol sur un trottoir d'Angleterre, mais avec un policier New Yorkais à son oreille...
Le point de rupture avec le traditionnel n'est jamais loin.
Avec The Bends, on suggère fragilité et existentialisme. Vulnérabilité émotive. Beauté spectrale. Ok Computer serait encore plus dystopique. Riche en arrangements. Et expérimental par moments. Presque digital comme le titre de l'album le suggérait favorable à la technologie. On articule ce qu'est être de réseaux interconnectés, surveillés. disloqués. La déconstruction et la reconstruction allaient s'imposer. Du rock alternatif à l'anxiété digitale. trajectoire toujours riche en textures, en tensions et en transcendance. Kid A et Amnesiac, frères presque jumeaux. remplacerait les exploits à la guitare par les nuances de synthés, les échantillonnages, les arrangements vocaux désincarnés. Les mix concentrés. Les airs hantés. Ondes Martenot fantômes. L'ego de la rock star dissoute. La fluidité qui coule. De nouvelles formes de beauté. Quand arrive Hail to The Thief, ma chanson préférée d'eux s'y trouve. Nihiliste dans le texte. Crescendo fameux pour moi. Le chaos devient clair. On intègre digital et humain. Comme dans un turbulent rêve fiévreux politique. Jusqu'à la perfection (personnelle) arc-en-ciel.Après des années à explorer la déconnexion. In Rainbows plonge à l'intérieur la palette de la chaleur. Les textures, la voix, les guitares, l'équilibre est parfait. L'album est même frère spirituel de Ok Computer. 10 ans plus tard, deux albums de 10 chansons, les deux titres de 10 lettres, semblent se répondre. Ok Computer est externe, anxieux et macro. In Rainbows, interne, sensuel et micro. Ok... dissèque les systèmes. In... habite les corps. Ok... plane dans la terreur métallique. In...brille de couleur organique.
Placé côté à côte, comme ils en ont eu la bonne idée sur Spotify sur un album appelé habilement Radiohead 0110, où on y met la première chanson d'Ok...suivie de la première d'In... et ainsi de suite pendant 1h36 glorieusement musicale, on vit la descente et l'ascension. Le diagnostique et la guérison. La fragmentation et la reconstruction. L'Arc-en-ciel naturel ne nie pas les sombres prémonitions d'Ok, blanc froid informatique. Il complète le tout avec une résilience émotive qu'ils avaient besoin de vivre sur 10 ans. Et que les plus fidèles comme moi ont vécu avec eux.
Ces 2 albums sont comme deux chambres d'un même coeur. Une contractée, l'autre relâchée. Bouclant la boucle d'une tension restant arc moteur cohérent de la musique moderne comme cette manière d'auto distribution qui voulait alors, en 2007, qu'on paie ce qu'on voulait pour télécharger l'album sur nos applications. Et qui fût un relatif échec puisque le montant moyen payé dans le monde aura été de 6$. Moi je l'avais téléchargé gratis. Mais c'est un album parfait pour moi et qui marque encore ma vie.
Si Ok Computer capturait le futur qui ne s'ouvrait pas autant qu'il se refermait sur soi-même, In Rainbows capturait l'idée d'y avoir survécu.
J'ai 502 listes de lectures sur mon téléphones de presqu'autant d'artistes que j'aime, et des thématiques personnelles. Elles ne sont pas toutes de même durée, c'est selon intérêt, et je serais menteur de prétendre que je les écoute toutes régulièrement. Elles ne sont pas toutes bien équilibrées non plus.Mais celle de Radiohead, Paranoid Android, 3h04, est parfaitement équilibrée pour moi. Me transporte entièrement.
Et le combo d'Ok...et In... j'y retourne encore très souvent à cette 1h36.
Radiohead me garantie voyage à chaque écoute.
Sans subliminal.
Ou avec ?...
Je ne sais trop.
Avec mystère, chaleureux pouls existentiel et textures sonores qui me charment entièrement, très certainement.
Soignant l'androïde paranoïaque en moi.
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