Lire c'est voyager à peu de frais, c'est s'ouvrir une porte vers un autre monde, c'est entendre la voix d'un(e) autre dans sa propre tête, c'est plonger dans de nouveaux univers, c'est comprendre, apprendre, relier, confronter ses propres idées, exercer son esprit critique, transformer certaines informations en connaissance, c'est aiguiser sa curiosité, c'est ressentir ce que vivent les autres, c'est se trouver, parfois se perdre, c'est accepter de respirer un certain temps sur le rythme du souffle de quelqu'un d'autre.
Et respirer, c'est vivre.
HISTOIRE D'O de PAULINE RÉAGE
Ou de Dominique Aury ou de Anne Desclos. Anne, après avoir complété des rares études universitaires (en anglais) pour une femme dans les années 40, travaille comme journaliste avant de se dénicher un emploi de traductrice pour les Éditions Gallimard. Mariée au journaliste Thierry Maulnier, elle a aussi une relation adultère avec son patron chez Gallimard, Jean Paulhan. Grand admirateur du Marquis de Sade. Elle traduira Algernon Charles Swinburne, Evelyn Waugh, Virginia Woolf, T.S.Eliot ou F.Scott Fitzgerarld. Sous le pseudonyme de Dominique Aury. Puisqu'elle vit une double vie de toute façon.
Son amant Jean lui dit un jour que les femmes sont incapable d'écrire un roman érotique. Pour lui prouver le contraire, elle débute son roman. Nous sommes alors dans les années 50. Son histoire est graphique et sadomasochiste. En lisant le début, Jean Paulhan l'encourage à continuer la suite. En juin 1954, son roman est publié sous le pseudonyme de Pauline Réage. 3e nom pour la même femme. On garde son identité secrète. Paulhan signe l'enthousiaste préface.
Le roman parle de soumission féminine entre une photographe de mode parisienne appelée O à qui on apprend à être constamment disponible pour du sexe oral, vaginal ou anal. Prête à s'offrir à tous mâle appartenant à une société secrète auquel appartient son amant. Elle est régulièrement déshabillée, contraintes, même fouettée. Son corps est à disposition.
En février 1955, le roman, par son audace, gagne le prix des Deux Magots, mais personne ne se présente pour le prendre. L'identité de l'auteure restera si secrète que plusieurs penseront qu'un homme se cache derrière le nom de Pauline Réage. On pense André Malraux ou André Pieyre de Mandiargues. Anne/Dominique a choisi le prénom de Pauline en hommage à la princesse française Pauline Borghese Bonaparte, et à la féministe socialiste du 19e siècle Pauline Roland. Elle choisit "O" en révision, car à l'origine il s'agissait d'Odile, le prénom d'une de ses amies, mais en ne prenant que la première lettre, elle choisit à la fois de l'épargner et le symbole d'une "ouverture" fait du sens dans le rôle confié à son personnage qui y est souvent réduite. Le livre a été jugé sexiste par certains comme François Mauriac qui le trouve "à vomir" et Gaston Gallimard qui le trouve tout simplement pornographique et inacceptable. C'est finalement Jean-Jacques Pauvert qui le publiera, éloignant les soupçons autour des gens chez Gallimard. Le roman coïncide avec le succès de Bonjour Tristesse de Françoise Sagan. Deux livres qui offrent des regards féminins très différentes d'auteures françaises pour l'époque.Si il y a des détracteurs, il y a aussi des admirateurs comme Graham Greene ou George Bataille. Le roman inspirera entièrement Louis-Jacques Rollet Andriane sous le pseudonyme d'Emmanuel Arsan le roman sexuel Emmanuelle, en 1967. Roman adapté avec succès en film par Just Jaeckin en 1974. L'année suivante, il adaptera Histoire d'O aussi, mais feindra de ne pas en comprendre l'essence en ne filmant que succession de moments érotiques. L'histoire est aussi un cri d'une personne voulant appartenir à une autre en faisant le sacrifice d'une certaine dignité. Le film édulcolore légèrement ce message. Nous présentant que le hamster dans le labyrinthe sexuel.
Dès 1955, on voudra retirer le livre des étagères pour obscénités grossières en France et envoyer les éditeurs devant les tribunaux. En Angleterre, on saisit les copies et on les retient avant la vente. Mais justement, ce type de censure ne fait que mousser l'intérêt et comme le livre vend beaucoup, on se ravisera. En France bien qu'on avait menacé de trainer en cour, on finit par abandonner après 4 ans d'excellentes ventes du roman de cet/cette inconnu(e). Le roman était à l'origine écrit pour Jean Paulhan seul par Anne/Dominique, pour lui prouver qu'il avait tort sur son affirmation, et pour l'exciter. Mais Paulhan avait insisté pour qu'elle publie. Le livre sera maintes fois adapté au travers des années, en BD graphique, à l'encre de Chine, par un peintre japonais, par une photographe des États-Unis, en mini série érotique au Brésil, en film par Jaekin en 1975, une suite au cinéma sera concoctée avec moins de succès, en 1984 par Eric Rochat. Le film Manderlay, de Lars Von Trier, en 2005, raconte la révolte des esclaves évoquée dans la préface de Jean Paulhan.Une version en anglais pour l'Amérique est disponible seulement en 1979.Anne/Dominique (et Jean jusqu'à sa mort, en 1968) tiendra le secret jusqu'en 1994 où elle avouera candidement qu'elle en est l'auteure et qu'il s'agit de ses fantasmes à elle pour lui, Jean. Elle a alors 90 ans.
Le roman érotique gagne son prix des Deux Magots cette année, il y a 70 ans.
Le livre est le fantasme de tous les admirateurs du mouvement de Charlie & Erika Kirk, Turning Point. Qui souhaite la femme soumise à la vision de l'homme. Mouvement qui gagne en popularité chez les plus ridicules Canadiens.
Jamil Jivani est un nom à retenir au Canada. Pour mieux étouffer son discours.
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