mercredi 2 octobre 2019

Cinema Paradiso**********************Les Ailes du Désir de Wim Wenders

Chaque mois, dans les 10 premiers jours, comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous entretiens de l'une des mes trois grandes passions: le cinéma.

Je vous parle d.un film tiré de ma propre bibliothèque, un film qui m'a bouleversé par son esthétique, son audace, son sujet, son style, son script, sa réalisation, ses interprètes, sa musique, parfois tout ça en même temps.

Le cinéma, je l'ai étudié universitairement, en suis sorti diplômé (donc fauché) en scénarisation (donc encore plus fauché), y ai travaillé (ai couru après mes sous) j'ai choisi la vraie famille et non celle des plateaux, mais on ne sort pas le cinéma de moi si facilement. Je consomme encore en moyenne trois films par semaine. Parfois/souvent des films que j'ai déjà vus.

Parce que le voir une première fois et l'aimer c'est le rencontrer.
Le revoir, c'est officiellement une "date".
Un(e) ami(e).

Les films, c'est encore le meilleur moyen de voyager à peu de frais.
Ce sont toujours mes meilleures fréquentations.

LES AILES DU DÉSIR de WIM WENDERS

Le réalisateur d'origine allemande Wim Wenders vient de tourner pendant 8 ans aux États-Unis. De 1978 à 1986. Il revient dans son pays d'origine et a envie de tourner autour du mur de Berlin, qui l'a toujours fasciné. Dans Berlin-Ouest, qu'il connait bien.

La poésie de Rainer Maria Rilke inspire en partie l'histoire du film. L'idée d'un film poétique y naît à sa lecture, et l'idée des anges aussi. Wenders remarque que dans ses notes sur la poésie de Rilke, il applique le mot "Ange" un peu partout.  Il considère un temps l'histoire d'anges, châtié par Dieu et en punition sur terre. Avant de faire appel à l'homme de Théâtre Peter Handke, qui lui promet des idées, des séquences, mais dans la plus pure tradition Handke, pas de fil narratif. Richard Reitinger sera celui qui tissera les liens, selon les rencontres entre les deux hommes et les réunions sur le sujet.

Les anges Damiel et Cassiel survolaient Berlin Ouest bien avant que des humains n'y habitent. Ils continuent de veiller sur la ville et leurs habitants, qui ne les voient pas (sauf quelques enfants) et de qui ils peuvent lirent les pensées. En simples observateurs. Damiel s'intéresse à une jolie trapéziste, relativement seule, et Cassiel découvre un ancien ange, Peter Falk, se jouant lui-même,acteur tournant un film sur le passé nazi Allemand, à Berlin, devenu humain par choix, qui lui, sent leur présence. Ça donne envie aux anges de devenir humain eux aussi. Et donc de renoncer à leur immortalité.

Le producteur français Anatole Dauman n'y verra pas un projet où il sentira le besoin d'y miser une fortune. Le film ne coûtera que 5 millions de Deutchmarks. Wenders voudra deux acteurs qui se connaissent bien si ceux-ci doivent incarner d'immortels anges, errant depuis toujours. En choisissant Bruno Ganz pour le rôle de Damiel, Otta Sanders s'impose comme Cassiel, puisque les deux partagent la scène théâtrale plus souvent qu'autrement ensemble, en Allemagne, depuis 20 ans. Ceux-ci suggèrent Curt Bois pour le rôle du vieux poète récitant inlassablement "Quand l'enfant était enfant...", une ritournelle signée Peter Handke.

Wenders, avec l'aide de son excellent directeur photo Henri Alekan, fait l'utilisation du noir et blanc lorsque nous avons le point de vue des anges, et nous ramène à la couleur quand nous sommes parmi les hommes sur terre. Solveig Dommartin incarnera la jolie trapéziste mélancolique.

Curt Bois y jouera son dernier rôle, décédant 6 ans plus tard, à 90 ans, et Dommartin y trouve son rôle le plus mémorable, décédant elle aussi, beaucoup trop jeune, d'une crise cardiaque, à 45 ans, 20 ans après la sortie de ce film. Il s'agissait du tout premier rôle au cinéma pour Solveig qui avait pris la peine d'apprendre tous les trucs de trapéziste, qu'elle performera sans l'utilisation d'une double, elle-même dans le film.

Wenders utilisera Nick Cave et ses Bad Seeds pour une scène de bar, Nick et ses amis étant alors en résidence à Berlin et Wenders considérant que ce serait un crime de ne pas leur donner au moins une scène. (il fera la même chose avec Sam Phillips dont je vous reparle dans deux semaines dans The End of Violence).

Certains y ont lu un appel à la réunification des deux Allemagnes. Ce n'était pas sous-entendu.

On y lit la confusion humaine aiguillée par des forces surnaturelles. La vie faisant du sens, épaulée par des forces planantes. Wenders, Alekan, Handke, Reitinger offrent une vertigineuse vision faisant appel à l'équilibre des sens et de l'esprit. Le film est parfaitement enchanteur. Comme une douce descente en rivière.

Wim dédicacera son film à trois de ses anges personnels: Yasujiro Ozu, réalisateur japonais qui lui aurait appris l'ordre, François Truffaut, réalisateur français lui ayant appris à observer les gens, particulièrement les enfants, et Andrei Tarkovksy qui lui aurait applis la contemplation, la lenteur et la beauté. Tarkovsky est décédé pendant le tournage du film. Truffaut, deux ans avant.

Le film ramassera beaucoup de prix partout sur terre, peut-être plus là-haut, et fera 4 millions de profits.

En plus d'être comme les anges qu'il nous présentait:
Immortel.

Je retravaillerai à l'écrit ce merveilleux film poétique qui touche, entre autre, à la mémoire, dans mes projets universitaires, récoltant une excellente note avec mon équipe de travail. 

Lent, planant, mais captivant.

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