mardi 27 novembre 2018

Bernardo Bertolucci (1940-2018)

Bernardo Bertolucci est né à Casarola, une commune italienne de la province de Parme dans la région Émilie-Romagne en Italie.

Fils ainé du poète Attilio Bertolucci et frère d'un autre futur réalisateur (qui sera responsable de l'essor des carrières de Sabina Guzzanti et Roberto Benigni) Giuseppe Bertolucci, Bernardo commence à écrire dès l'âge de 15 ans et il est récompensé pour son travail peu de temps après. Il reçoit entre autres le Premio Viarregio, un prix littéraire italien fondé en 1929 dans la ville de Viarregio afin de  faire connaître un talent dans la société littéraire italienne et construire autour de lui, avec prudence, une possibilité de rencontre et de reconnaissance avec force et à l'encontre de tous les témoignages qui ont subi la pression idéologique de la dictature. (alors Mussolinienne)

Jeune adulte, Bertolucci se rend ensuite à Rome pour ses études et devient l'assistant de Pier Paolo Pasolini sur le tournage d'Accattone .  Son second film, Prima Della Rivoluzione, inspiré de La Chartreuse de Parme de Stendhal, est acclamé par la critique et marque le renouvellement du cinéma d'auteur italien des années 1960. Le thème de l'ambiguïté politique et sexuelle est illustré par une mise en scène baroque dans sa sophistication visuelle et son style chorégraphié. Il travaillera avec Sergio Leone et Dario Argento sur le scénario d'Il était une fois dans l'Ouest avant de tourner un clin d'oeil très réussi à Jean-Luc Godard inspiré du Double de Dostoievsky* pendant les manifestations de mai 1968 avec le toujours étonnant Pierre Clementi qui y passe ses journées à Paris dans les rues et arrive au tournage à Rome avec des lignes de dialogues qui sont les derniers slogans du jour. Les collaborations internationales seront toujours sa manière de mener à terme ses projets.

C'est même un passage obligé pour les jeunes réalisateurs italiens, la co-production, avec la Suède, la France, les États-Unis, l'Allemagne, car la récession ronge l'Italie et ses régions.

Dans les années 1970, il tourne pour la télévision La Strategia Del Ragno, d'après Borges. La même année il adapte Alberto Morovia avec brio et avec Trintignant dans Il Conformista.

Ultimo Tango a Parigi cause une légère commotion. Interprété par un désabusé Marlon Brando et une abusée Maria Schneider, le scandale éclate en Italie. La relation très sulfureuse entre un homme mûr et une jeune femme, incluant une scène de sodomie au beurre contre une Schneider non avisée ne passent pas. La scène de sodomie lubrifiée au beurre a été préparée par Marlon Brando et Bertolucci, à l'insu de Maria Schneider. Bien que l'acte soit simulé, les larmes de Maria Schneider sont bien réelles car elle fut extrêmement choquée par le jeu brutal de Brando. Des années plus tard, elle déclarera à ce sujet qu'elle s'était sentie violée pour les yeux du monde entier et qu'elle n'avait jamais pardonné à Bertolucci. Ce dernier, lors du décès de l'actrice en février 2011, dira avoir regretté ne jamais s'être excusé avant sa mort. Durant le tournage, Brando ne cesse de modifier les dialogues du personnage qu'il interprète car il trouve le texte de départ peu intéressant.
Schneider déclarera que Marlon s'est aussi beaucoup impliqué dans la réalisation car Bertolucci semblait peiner à le faire. Devant la polémique subséquente que souleva le film, Brando reniera son personnage de peur que son image ne soit durablement dégradée auprès du public et de la critique. Il a, par la suite, toujours refusé de le revoir. Une autre séquence où le héros insulte le corps de sa femme défunte vient en conflit direct avec la morale italienne. De nombreux pays européens classent le film comme X, dont la France qui l'interdit aux moins de 18 ans. Les associations familiales et les critiques cinématographiques se déchaînent contre le film et le qualifient de débauche pornographique. En Italie, le film est tout simplement interdit de diffusion et le réalisateur est déchu de ses droits civiques.

Son cinéma à venir se veut fidèle à un certain regard politique. En 1975,  avec Depardieu et Deniro, 1900 reflète en ce sens une vision épique et romanesque mais sans concession de l'histoire italienne. La Luna 4 ans plus tard évoque une relation difficile entre une cantatrice et son fils et La Tragedia Di Un Uomo Ridicolo est une fable pessimiste qui vaut à Ugo Tognazzi le Prix d'interprétation à Cannes en 1981.

En 1987,  une co-production Italie/Royaume-Uni/France/Chine lui vaut la consécration internationale. The Last Emperor, tourné en grande partie dans la Cité interdite à Pékin, une première, évoque le destin tragique du tout dernier empereur chinois issu de la dynastie mandchoue : Pu Yi, placé sur le trône à l'âge de 3 ans. Triomphe international, le film obtient 9 Oscars dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté, deux Oscars personnels pour B.B. Le film est le premier volet d'une trilogie spirituelle et orientale qui sera complétée par The Sheltering Sky en 1990 et Little Buddha en 1993.

Il tourne un film italo-franco-britanno-étatsunien avec Liv Tyler en 1995, un léger exercise de complaisance face à la beauté féminine, puis propose une adaptation d'une nouvelle du britannique James Lasdun trois ans plus tard avec Thandie Newton et David Thewlis.

Il tourne un brillant et sensuel film nostalgique en 2003 avant d'offrir un dernier film en 2012.
Il reçoit entretemps, des mains de Gilles Jacob, la palme d'or d'honneur à Cannes en 2011 pour l'ensemble de son œuvre.

C'est une sorte de poète débauché italien qui s'éteint hier, à l'âge de 77 ans, atteint du cancer.

*Fight Club de Chuck Palahniuk/David Fincher était aussi inspiré du Double de Dostoievsky.

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