vendredi 28 septembre 2018

À La Recherche du Temps Perdu**********Slaughterhouse 5 de Kurt Vonnegut

Chaque mois, vers la fin, je vous parle de littérature, tout comme je vous parle de musique (vers le milieu), et tout comme je vous parle de cinéma (vers le début), trois passions personnelles.

Lire, c'est un peu beaucoup mon métier (je suis traducteur), ce n'est jamais complètement travailler non plus. C'est naturel. C'est comme marcher ou respirer. C'est explorer la vie des autres. L'espionner. Y plonger. C'est fréquenter sa/ses vision(s). C'est vivre certaines états, certaines époques. C'est accepter de se laisser transformer.

Lire c'est vivre.

SLAUGHTERHOUSE 5  or The Children's Crusade : a Duty Dance With Death de Kurt Vonnegut.

1969.

Je n'étais pas né. Donc non, je n'ai pas lu ce livre lancé au printemps de cette année-là, cette année-là. Ni enfant. Non, je l'ai lu au secondaire. Pas parce que l'école me l'exigeait. Parce que la souris littéraire que j'étais devenait rat de bibliothèque. Mes parents nous ont souvent "placés" en bibliothèque (avec les petites fiches pour trouver les livres, oui!) économisant sur les gardiennes. Je leur serai éternellement reconnaissant pour ça. J'ai développé une véritable curiosité pour à peu près tout. (Sauf les voitures et l'argent). C'est toutefois tiré de la bibli de l'école secondaire que j'avais trouvé Vonnegut. Je ne sais trop comment. Peut-être parce que j'aimais Ballard et qu'on m'avait peut-être alors dit que j'aimerais probablement aussi Vonnegut.

Ce fût vrai.

Vonnegut as offert, en 1969, un véritable chef d'oeuvre.

Son livre est un croisement de science-fiction et de sa réelle expérience personnelle traumatisante au bombardement de Dresden entre le 13 et le 15 février 1945, comme prisonnier de guerre. Rendant le livre semi-autobiographique.

Il raconte l'histoire de Billy Pilgrim, comme soldat et victime d'épisodes de voyageur dans le temps. Ainsi, il peut vivre, au même moment, une visite dans un magasin d'optique dans une petite ville des États-Unis en 1968, et se trouver dans une rangée de prisonniers Étatsuniens en Allemagne, en 1945.

"There's nothing intelligent to say about a massacre" dira Vonnegut de son propre livre. Qui a un style unique. Il est simple en syntaxe et en structures de phrases, mais narrativement déroutant. Iornique, sentimental, noir dans son humour, didactique, Vonnegut aura toujours ce style d'écriture dans le futur. Comme à peu près toute ses oeuvres, Slaughterhouse 5 est fracturé en plusieurs segments ressemblant à la chronique. Dans le cas précis de ce livre, de brèves expériences dans une époque variée d'un épisode à l'autre. Vonnegut lui-même dira que c'est une mosaïque composée de plusieurs petites broderies, et que chaque broderies est une farce en soi. Il y a inclus des dessins faits à la main par lui-même. Ce qu'il répétera dans un autre de ses livres, très célèbre aussi, Breakfast of Champions. Livre lancé trois ans plus tard. (et aussi très bon).

L'auteur fait une utilisation répétée (sic) des répétitions. Ainsi, il utilise l'expression "so it goes..." plus d'une centaine de fois dans ses oeuvres, presque toujours dans un contexte mortel.

Postmoderne et métafictif, la première partie est comme une préface d'auteur sur comment il en est venu à composer le roman. Tout de suite, on comprend son lien direct avec le bombardement de Dresden, où il a été fait prisonnier, en 1945. La fin du livre est discuté dès le début. La portion "fictive" semble débuter au second chapître. Comme si il n'avait pas voulu aborder (trop de) front son traumatisme. La narration est variable. Quelques fois on a le point de vue de l'auteur,  Vonnegut lui-même, quelques fois on a le point de vue de Billy Pilgrim, quelques autres fois on parle de lui à la troisième personne du singulier. Nous pouvons nous trouvé aussi désorientés dans le temps que le sont ses personnages. Le désordre est justifié.
La narrateur nous expose que Billy Pilgrim vit de manière discontinue, vivant et revivant sa naissance, sa jeunesse, un âgé âgé qu'il n'a pas encore, et même la mort. La narration n'est pas linéaire. Les moments à la guerre, ou se référant à la guerre sont plutôt linéaires. Certaines phrases déclaratives laissent suggérer qu'il s'agit d'un rapport des faits que nous avons sous les yeux et non une oeuvre littéraire.

Vonnegut fait croiser fiction et réalité, si bien que l'auteur interviewé à la radio, dans son livre, Kilgore Trout, est peut-être son alter ego. Mais peut-être pas non plus. La première ligne du livre, votée comme l'une des meilleurs toutes catégories confondues, est d'ailleurs :
"All this happenned, more or less".

Le livre est aussi un vibrant plaidoyer anti-guerre, ce qui, en pleine crise sur l'implication de jeunes soldats Étatsunien à la guerre du Vietnam, a trouvé écho dans la population. Et continue de bien faire vendre le livre.

Le livre a créé une certaine controverse quand certaines écoles, en désaccord avec le discours anti-guerre, dès 1972, ont choisi de bannir le livre de leurs institutions. On le jugeait immoral, dépravé, psychotique, vulgaire, Donald Trump.

Anti-chrétien aussi.
THANK GOD il est anti chrétien!

Mais 10 ans plus tard, la loi empêchait les écoles de bannir le livre, considérant qu'on ne faisait que pas aimer les idées qui y étaient véhiculées, et que la moral des uns n'est jamais celle des autres.

Entre 1990 et 1999, on a encore tenté régulièrement de le faire interdire. En faisant un éternel un best-seller. (ces cons!)

En 2011, une école secondaire du Missouri a à nouveau interdit le livre sur son campus. Le Kurt Vonnegut Memorial Library s'est alors présenté à cette école et a offert au 150 premiers étudiants le livre gratuitement.

Formidable livre.
So it goes...

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