vendredi 20 mars 2015

En Eau Calme Sur un Lac Miroir (en attendant l'océan)

Nous avons pris une décision aux sources positives qui a eu un certain impact négatif sur nos vies.

Dans des eaux extrêmement agitées, la tête sortant à peine depuis l'automne, l'amoureuse et moi avons travaillé comme de parfaits mongols à la remorque de nos vies. Nous avons tous deux communiqué nos intentions de congés pour le début avril et nos employeurs respectifs nous les ont gracieusement accordées.
Comme nous avons fait à plusieurs reprises, nous avons donc convenu de quitter le pays dans la semaine de Pâques pour des vacances en mer en concordance avec une semaine de congé que l'école secondaire de notre fils offre à ses élèves. Bien entendu, ces vacances impliqueront les enfants.

"Ouin, l'école à Punkee va nous aimer" que j'ai dit à l'amoureuse.
Parce que si l'école secondaire à mon fils offre une semaine, l'école primaire de ma fille n'offre qu'une journée de congé Pascal.

Punkee n'a jamais eu les notes presque parfaites que son grand frère a toujours eu. Il faut travailler nettement plus fort pour que ma fille arrive à des résultats tout simplement potables. Elle devient très difficile à motiver quand les sujets ne l'intéressent pas. Il a fallu de nombreux efforts de notre part, il en faut toujours, et l'enseignante cette année, ainsi qu'une orthopédagogue y ont mis beaucoup du leur pour l'aider dans son apprentissage scolaire. Cette année n'est pas parfaite mais elle va nettement mieux que l'an dernier qui était une catastrophe. De savoir que ma fille va aller se faire griller la bine pendant 4 jours en avril les fera nécessairement chier que je soulignais à l'amoureuse.

Quand ma fille a été malade récemment, j'ai insisté pour qu'elle se rende à l'école quand même. Je n'ai jamais manqué une journée d'école pour des raisons de maladie et ça devait être une trace perdue de discipline de soldat qui traînait en moi. Toutefois à l'école on m'a fait comprendre (avec raison) qu'elle devrait rester à la maison afin de ne pas contaminer les autres. J'ai compris et l'ai ramené à la maison. C'est à ce moment que j'ai glissé, dans un argumentaire mou, "...que je ne voudrais pas qu'elle manque trop de matière car prochainement en avril, elle manquera 4 jours quand nous serons en voyage à l'étranger...".

J'ai vu leurs visages tomber, mais la secrétaire et son enseignante ne m'ont rien dit d'autre. Elles ont simplement échangé un regard de stupeur. Quelques jours plus tard, nous recevions une lettre nous demandant de signer une autorisation qui suggérait que si ma fille manquait un examen en raison d'un simple voyage, elle aurait 0. On nous demandait de comprendre que les voyages ne constituaient pas une bonne raison pour manquer l'école et ça venait de la commission scolaire.

J'ai tout à fait compris et je suis parfaitement d'accord. ABSOLUMENT d'accord avec une telle règle même. Si tout le monde commence à faire ça quelle coordination de merde impose-t-on aux enseignants?

Toutefois...

Jamais n'avons nous été avisé qu'une telle règle existait à cette école. Nous avons fait des voyages à cette même période deux autres fois durant son parcours scolaire par le passé et jamais n'a-t-on brandi le spectre du "zéro". Tout s'étant même plutôt bien passé alors que nous travaillions quand même en mer.
À l'école secondaire de mon fils, la règle est claire et communiquée aux parents en tout début d'année. Mon fils est en secondaire 4 et nous avons reçu cette communication 4 fois déjà. On ne peut pas prétendre ne pas savoir.
Mais à l'école de ma fille, très sincèrement nous ne savions pas. Et surtout n'avions aucun moyen de le savoir. On a relu les règlements dans l'agenda scolaire et rien de tout ça n'était mentionné. Dans les communications de l'enseignante non plus.
Je me suis donc aussitôt assis à cet ordi afin de pondre une lettre à leur égard. J'ai d'abord flatté dans le sens du poil cette enseignante qui fait beaucoup BEAUCOUP pour notre fille. J'ai ensuite expliqué que quand mon fils a fait sa 5ème et sa 6ème à cette même école, les élèves faisaient un voyage: à New York en 5ème année et à Toronto en 6ème. Et qu'ils en revenaient transformés. L'an dernier avec cette enseignante qui a quitté dès les premières semaines de septembre, disparaissait aussi les voyages. Nous avons compris, malgré plusieurs questions demeurées sans réponses, qu'il n'y aurait pas de voyage en 5ème année pour la première fois depuis 14 ans. On en pas fait de cas, mais on a trouvé secrètement dommage. Cette année, rien n'était non plus prévu. C'est aussi avec cet état d'esprit. dans le but de lui offrir au minimum UN voyage comme ceux que son grand frère a eu à cette école, avec cette même (incompétente)directrice, que nous avons booké un voyage. Nous ne l'aurions jamais fait si nous avions su qu'elle serait menacée d'un "zéro" c'est certain.
Je suis resté très poli dans ma lettre en faisant comprendre que je ne signerais pas une lettre dont j'apprends le règlement une fois le fait accompli et qui donnerait la permission de lui accorder 0.

C'était une lettre très sincère et sans fioritures.

En voulant se délester de notre stress récent, nous nous rajoutions une couche d'inconfort moral qui nous ferait mal dormir.
J'étais en congé le lendemain, donc assez facile à rejoindre. Et le jour suivant aussi. Mais il était clair pour moi que je ne voulais pas parler à cet enseignante dès le lendemain.

"Pourquoi?" m'a demandé l'amoureuse.
"Parce que je ne voudrais pas qu'elle me parle sous le coup de l'émotion, qu'elle dorme sur le sujet, qu'elle y songe encore un peu et qu'elle prenne le temps d'absorber tout ça, moi aussi j'ai envie de faire de même, je suis en congé, j'ai envie d'écouter Breaking Bad ou The Walking Dead ou les deux, mais pas de négocier la dictée que manquera ma fille, laissons les vagues mourir en mer"

La décision était sage de ma part. Dès le lendemain matin, ma fille remettait la lettre à son enseignante et elle m'appelait dans la seconde, à 8h37, alors que je venais de laisser ma fille à l'école et que je rentrais à la maison. Émotive? je ne saurai pas.
J'avais précisé à ma fille de lui dire que je serais très difficile à rejoindre aujourd'hui parce que sur la route (not!) et tout ça me faisait un effet désagréable.

Je leur donnais 100% raison. Un voyage n'est PAS une bonne raison pour manquer de l'école. Et c'est beaucoup plus de travail pour l'enseignante. Mais en même temps, ça n'a jamais été un problème avant. Cette école contient un important nombre de nouveaux arrivants et je sais que des voyages afin de visiter leur famille dans d'autres pays sont courants.
Je savais qu'on me dirait "Oui mais là, elle est en 6ème année, c'est plus important encore...". Je n'avais pas envie trop vite de cette conversation où au fond, on demandait une certaine forme de négociation. Une exception pour notre fille.

Elle m'a laissé un message avec des heures précises où je pourrais la rejoindre, mais "j'étais sur la route toute la journée". (Au Nouveau-Mexique avec deux épisodes de Breaking Bad saison 4 et à Atlanta avec deux autres de The Walking Dead saison 2 avec mon fils). Elle concluait en disant que si on ne se rejoignait pas, elle essaierait le lendemain.

Ce lendemain était un lent décompte dans l'angoisse. Quand elle a appelé vers 14h30, j'étais si assis sur le téléphone depuis 6h00 du matin que j'ai dû l'extirper d'entre mes deux fesses.

Nous sommes restés calmes et posés et elle m'a expliqué qu'elle ne faisait cela que pour se protéger. Que si les notes prenaient une "drop" il ne fallait pas revenir contre elle. J'ai défendu que nous ne pensions pas ne pas amener de travail à faire là-bas où nous seront. Elle a souligné que les trois dictées de la dernière étape comptaient pour 10% chacune, pour 30% de la note de français au final sur le bulletin. Elle a dit qu'elle compterait pour Punkee 2 dictées à 15% à la place et qu'il n'y aurait pas de 0. Elle a tout de même exigée qu'on lui ramène la feuille signée. Ce que je lui ai gentiment fait comprendre que nous ne ferions pas et pourquoi nous ne le ferions pas. Elle a compris. Nous sommes tombés dans les flatteries mutuelles, on s'est roulé dans le miel et on s'est léché partout.
In like Flynn.

Ni l'un, ni l'autre ne voulions de cette situation.

"Je ne juge pas vos décisions " (noooooot!) répétait-elle un peu trop.

J'ai appris par la suite qu'un autre élève faisait la même chose avec sa famille et qu'il avait reçu le même type de lettre. Je ne sais trop comment il s'est arrangé, lui.

J'étais si tendu, si épuisé, si lourd depuis deux jours sans complètement le réaliser que je suis tombé mort de fatigue à 19h58. Dans le sommeil profond à 19h59.

Les eaux s'étant enfin un peu calmées.

"J'ai aussi fait une copie pour la directrice que vous évoquez trois fois dans votre lettre"m'a-t-elle dit.

En effet, j'ai souligné qu'elle était l'an dernier restée sourde à nos appels et qu'elle nous avait aussi aidé à prendre nos décisions en disant clairement que les problèmes scolaires de notre fille était le plus facile qu'elle n'ait eu à gérer de sa vie.

Si tout allait si bien, 4 jours d'absence ne seraient pas un désastre.

Deux jabs dans sa direction que je suis toujours prêt à défendre.

"Elle va surement vous appeler"

Je ne suis plus assis sur le téléphone cette fois.

Je rame en kayak sur l'eau paisible d'un lac miroir.



Aucun commentaire: