samedi 27 mars 2021

O.K.


Il y a plusieurs années, quand j'étais étudiant en cinéma, on nous envoyait à chaque année à la tour de Radio-Canada, afin d'assister au post-input. Le "input" en soi, était un rendez-vous des diffuseurs télé mondiaux qui se montraient mutuellement leurs meilleurs projets télés tournés durant la dernière année et qui en discutaient par la suite. Le post-Input était un rassemblement des meilleurs moments de ce premier rassemblement et on en discutait ensuite, aussi. Pourrait-on faire ça, chez nous? Pas ce que Irvine Welsh avait offert au Royaume-Uni en tout cas. 

"C'étais pas moi, Jones!"

Un de nos enseignants, aussi employé de Radio-Canada, était très impliqué dans le Input et nous invitait, ses élèves, à assister au Post-Input. C'était ouvert à tous je crois, mais seuls les mordus de la télé/cinéma s'y trouvaient. Je crois que c'est là que j'ai croisé quelques fois Martine Delvaux. Pendant les visionnements, il y avait cette femme (Martine Delvaux? je ne crois pas) qui réagissait à voix haute à absolument tout. Comme une ainée se moquant de la bulle sociale ou un enfant qui ne la connait pas. 

"Oh!" "Ah Ben oui, c'est certain!" "Aaaaah franchement!" "hooooon, gênant!" "Ouin! comme ça!" "O.K.!" "ah ben, cou'donc!", "Oupelaïlle!", "Ouch! ça, ça doit faire mal!" Oooooooohlàlà!"

ON REGARDE TOUS LE MÊME ÉCRAN!! ON NE VEUT PAS TES ÉTATS D'ÂMES!


Ne se passait pas une seule minute dans le noir sans qu'elle ne pousse un son de sa bouche. Même retenu. Alors qu'on essayait de se concentrer sur ce qu'on voyait, on pouvait être aveugle et deviner un peu. Je n'étais pas le seul à en être irrité, ses sons en amenait d'autres et on entendait des "chuuuut!" ou des bruits d'impatience. J'étais aussi celui qui était tout juste derrière elle. C'était insupportable. Étais-ce Martine Delvaux? Quand celle-ci est devenue plus publique, je me rappelle avoir pensé que je la connaissais. Peu importe. Cette personne polluait l'air en prêtant voix à toutes les impressions qui lui passaient par la tête. Sans jamais se rendre compte que ça gênait tout le monde. 


Ce n'était pourtant pas une enfant, ni une ainée. 

Il y a ce collègue de bureau, 25, 30 ans, Jean-Mank DeKonfianss qui est engagé chez nous depuis décembre. Il est comme ça. Il pense à voix haute. Je travaille directement avec lui. Je reçois les requêtes des villes, les adapte dans nos systèmes, les clarifie, les importe pour que JMDK en face des routes pour les chauffeurs. C'est Garfield qui faisait cela avant. À deux, JMDK et moi, on décharge bien des gens avec ce qu'on fait. Dont Garfield. C'est lui qui lui a montré comment faire. Mais après 4 mois, JMDK n'a pas gagné une seconde d'assurance. 

Avant, JMDK était dans le même bureau que Garfield. Et un matin, il est apparu dans le cubicule en face du mien. 


J'ai compris pourquoi il avait été expulsé du bureau de Garfield. 

"O.K.", "Oui bon je vas peut-être faire ça", "Hmmmm...comment je pourrais faire?", "Ça rentre tu dans le camion?" "Je le sais pas si...." "Ouin ça c'est bizarre"


Il est exactement comme cette femme mentionnée plus haut. Il réfléchit tout ce qu'il pense, à voix haute. Pour commencer ses journées, il baille toutes les 7 minutes. Bruyamment. Et plus tard, il rumine et grogne comme on le ferait en dormant. Mais il ne doit pas tant dormir dans la vie pour bailler aussi sportivement. 

Il manque tellement d'assurance malgré une indépendance qu'on lui prêterait plus vite, qu'il doit CONSTAMMENT faire valider TOUTES ses décisions par Garfield. 


"Faut que j'confirme avec Garfield" est une phrase entendue au moins 10 fois par jour du lundi au mercredi. Il varie parfois ses questions en confiant ses craintes et incertitudes à d'autres. Donc moi, puisque je suis si près de lui. Je suis patient. Quand il réalise qu'il a déjà trop consulté tout le monde, il marmonne à voix haute pour que quiconque puisse lui répondre à la dérobée. Mes airpods n'ont jamais autant servi. Ce qui donne des moments surréalistes d'incommunication où il me parle de l'autre côté de la palissade du cubicule, ne réalisant pas que j'ai mes écouteurs, mais je ne lui réponds pas, je ne l'entends pas. Je le laisse prendre ses décisions à lui. Ce qu'il n'est jamais enclin à faire. 


J'ai compris pourquoi Garfield avait aussi ses écouteurs, même si à 3 pieds de lui dans le même bureau. Garfield Tucker était en vacances cette semaine...Qu'est-ce que j'ai été abusé! Nos lundis, mardis, mercredis sont intenses et chargés. Nos Jeudi, vendredi, du week-end avant le vrai. 

Mercredi, il a même dit à voix haute, après avoir posé des questions réponses pendant 20 minutes:

"Ouais, là, je pense que je vais prendre une décision" Ce qui semblait une montagne. Ce jour-là il avait aussi dit "O.K." à peu près 121 fois. Chaque fois qu'un semblant de décision lui passait par la tête qui baillait encore. 


Il a aussi dit au moins cette fois "Là...J'ai un dilemme..." dans l'espoir que n'importe qui tranche pour lui. 

Et ça! Ce n'est que ce que j'ai entendu! J'ai écouté coup sur coup des albums/listes de lecture des Newton Brothers, Joni Mitchell, Alt-J, Raphaël, de Roxy Music, des Rolling Stones, de Bowie, de Bright Eyes, Lana Del Rey, Love et Tin Machine.

Puis, vers 15h00...la phrase fatale, après 5 "O.K.", un 6ème:


"O.K..,je vais aller faire un petit caca..."

(...)

Là c'est moi qui ai dit "o.k."

Avant d'ensuite lui chanter le refrain d'une chanson de Duran Duran.

TOO MUCH INFORMATION!

Je sens que je serai épuisé bientôt... 

...où que j'écouterai beaucoup beaucoup  BEAUCOUP de musique en travaillant.   

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