mercredi 16 septembre 2020

Albertine Sarrazin


 Née à Alger en 1937, elle est vite abandonnée, bébé, par ses deux parents et placée sous les services sociaux, non baptisée. On la trouve au pied de l'assistance publique le jour de la Ste-Albertine , on choisit donc de lui donner le prénom d'Albertine. Et le nom de famille de Damien, autre personnage biblique. 

Adoptée par une famille d'Aix-en-Provence, elle est abusée par un oncle à 11 ans.  Elle sera malheureuse  dans cette famille sans enfant qui était au final très dysfonctionnelle. Mais commence à écrire dès ses 12 ans.  En constante chicane avec cette famille, elle en garde une résistance, voire un hantise de toute forme d'autorité qui la suivra toute sa vie. En revanche, elle lit tout ce qui lui tombe sur la main. Et plus encore. 


Bien qu'elle soit brillante à l'école, la famille qui l'héberge l'envoie tout de même dans une école de réforme à Marseille. Elle est bonne à l'école mais reste très indisciplinée. On lui fait consulter un psychiatre qui confirme qu'elle n'est que de tempérament agité. Rien de mentalement faillible. Le psychiatre recommande qu'elle soit éloignée de sa famille, qui a un effet néfaste sur elle. C'est là qu'on choisit de l'envoyer en réforme. Elle sera rebaptisée Annick comme toutes les pensionnaires féminines de la prison du Bon Pasteur. Elle y restera 6 ans, jusqu'à sa majorité de 21 ans. Pendant ce temps, son père essaie de révoquer son obligation paternelle envers elle. 

En 1953, elle obtient la première partie de son baccaulauréat puis s'enfuie vers Paris. Elle y retrouve une amie du Bon Pasteur avec laquelle elle se prostitue, vole dans les voitures et les magasins. Fin juillet, elle retourne voir son père et lui vole son pistolet. Maintenant armée, elle a la mauvaise idée, avec son amie, de faire un hold up. Plus ou moins réussi. Elles blessent à l'épaule celle qu'elles hold-up. 


On les retrouve le 20 août suivant sur le Boulevard St-Michel et on les inculpe. Albertine est séparée de son amie et envoyée en prison. Elle compose des poèmes. Un an plus tard, elle passe, par correspondance, sa seconde année de baccalauréat. Devant les juges qui la condamnent à 7 ans de prison, elle les nargue en disant qu'elle n'a pas de remords et qu'elle les préviendra le jour où elle en aura. Sa complice écope de 5 ans. Elle commence sa peine à la prison de Fresne, puis est transférée à la prison-école dans la citadelle de Doullens dans la Somme. Ses parents sont officiellement et légalement "déracinés" d'elle. La rupture de filiation est totale. 


Ses études sont un certificat d'études littéraires générales, car elle dévore les livres sans arrêt, et ce, depuis presque toujours. La même année, elle est envoyée au trou 10 jours pour avoir embrassé une autre détenue sur la bouche. Le 19 avril 1957, elle s'évade en sautant d'un hauteur de 10 mètres et se brise l'astragale, une partie du pied. Elle rampera jusqu'à la route nationale. 


C'est là qu'une fripouille qui n'attendait peut-être que cela, la recueille et la fait monter dans sa voiture. Julien Sarrasin la cache chez sa mère, la soigne, et tombe amoureux d'elle. Elle sera aussi cachée chez les putes. Et soignée de l'astragale. Julien est une petite vermine et il est envoyé en prison. Albertine se prostituera pour survivre. Elle est parrainée par un souteneur, le temps que Julien soit libéré. Le 8 septembre 1958, Julien est arrêté pour vol à nouveau et Albertine, avec lui, est prise avec des faux-papiers. Il retourne en prison et elle doit aussi compléter la peine qu'elle avait fui. 


Entre deux gendarmes, le 21 janvier 1959, Julien (maintenant libre) et Albertine (pas libre) se marient à la mairie du Xème arrondissement de Paris. Albertine entame alors la rédaction de ce qui deviendra La Cavale. Elle est transférée de prison pour être plus près de son amoureux, mais celui-ci se fait à nouveau arrêter pour cambriolage et condamné à 15 mois de prison. 

En septembre 1960, Julien est libéré, Albertine est pardonnée un mois plus tard. Ils ont presqu'aussitôt un grave accident d'auto et la mère de Julien meurt de cet accident. Julien retourne en prison pour vol de bijoux et Albertine pour les avoir portés. Libérée en 1963, elle s'installe à Alès, près de Nîmes, pour être plus près de l'endroit où est incarcéré Julien. Elle devient pigiste au journal Le Méridional


Ce sera par le journal qu'on s'intéressera à ses écrits biographiques. L'Astragale et La Cavale seront publiés et obtiendront un très gros succès par leur humour et leur esprit déjanté. L'Astragale sera traduit en espagnol et en anglais et adapté au cinéma

La Traversière est aussi publié en 1966. Une sorte de fantasme de leur vie projetée dans le futur. 

Plusieurs fois (mal) réopérée à l'astragale, elle boit beaucoup d'alcool et fume énormément. Elle n'a pas 30 ans, mais parait beaucoup plus vieille que son âge. Une opération aux reins dans une clinique où l'anesthésiste est criminellement incompétent, elle ne survit pas. Le sang de réserve manque. La clinique sera poursuivie par Julien et l'anesthésiste, le chirurgien et un docteur écopent d'une amende et de deux mois de prison. 


Elle n'avait que 29 ans. 

Les trois livres de son vivant seront tous de très bons vendeurs. On publiera 10 autres de ses écrits post-mortem. 

L'ensemble de ses livres, surtout ses 2 premiers, sera tiré à plus de 3 millions d'exemplaires. 

Albertine Sarrazin aurait peut-être eu 83 ans, demain. 


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