mardi 5 novembre 2019

Conte de Cruauté Québécoise

Il était une fois un village.

On appellera ce secteur les Prairies Spénard. Un grand territoire.

Jusqu'en 1958, le village se développe. Y a des coins où on peut pas construire parce qu'il y aurait des risques d'inondations. Dans l'année 1958, on divise en deux. St-Eustache d'un bord, Ste-Marthe sur l'autre. Plus près de l'eau. Dans ce coin, on peut pas construire partout. Risques d'inondations. Zones inondables. Y en a tant que pour être ben honnête, on rallonge le nom du village et on l'appelle Ste-Marthe-Sur-Le-lac. Parce qu'il est pas mal construit là, où il y avait un lac.

Y a toujours des zones pas construisables parce que zones inondables. Y en a beaucoup de zones inondables.

Année après année, des hommes d'affaires veulent faire des affaires. Ils arrivent avec leurs projets et veulent construire, ici et là, pis là aussi, pis là, pis là. Toutes des places à Ste-Marthe. Mais non. Ils présentent leurs maisons dessinées à la ville mais la ville dit non.

On peut pas. Ce sont des zones inondables. C'est trop risqué. C'est même interdit. Zones inondables.
Ce sont des zones inondables qui le seront toujours. Ah non!...pas toujours...Un jour, un promoteur allonge le bon nombre de billets, chante assez bien tout l'été pour le chef de la petite tribu du village, et celui-ci se laisse convaincre que si ça a pas trop inondé depuis longtemps, porkésséfaire que ça inonderait maintenant?

Une nouvelle étude, avec des nouveaux yeux, des poches plus lourdes aussi, trouve que ce n'est plus une zone inondable. Alors on construira. Ste-Marthe-Dans-le-Lac se construit. Promptement.

Mais on a pas la conscience tranquille. On fera construire une digue, des fois que l'exception confirmerait la règle. Comme ça, on peut dormir sur nos deux sacs d'or oreilles. La populace populise et v'la le bon vent, v'la le joli vent!

Mais la fin avril 2019 vient crever les bulles de rêves paroissiennes.

Le 27 du mois d'avril dernier, il pleut en chien depuis trop longtemps. Ste-Marthe inonde. PIRE! La digue cède! Le tiers du village sera inondé. Des pertes totales. Des maisons qui dévaluent. Une catastrophe humaine.

Chose se fait dire qu'il devrait investir 200 000$ pour retaper sa maison endommagée. Une fois principalement réparée, on se ravise, "ouin...finalement faudrait tout jeter à terre, c'est de la perte totale". Chose devient fou.

On réévalue la zone. Ouais, c'est bien inondable. Ça l'a toujours été. Y a ben des maisons icitte. Y aurait jamais fallu. Seront toutes inondées.

Mais les déshabillés tout nus protestent.
-On est pas juste inondé parce zone inondable! On est inondé parce que votre digue a lâché!

-Ah oui, mais vous êtes construits dans une zone inondable. Zêtes inondés.

-Oui, inondés parce que votre système à la con à chié.
-Non, inondés parce que dans une zone inondable.

-Qu'on nous as caché.
-Qui aurait dû être zone inondable.

-Qui l'était pas sur papier.
-Qui l'est dans l'eau.

-Vous jouez au con avec moi?
-Non, je fais juste ce que je peux, j'y peux rien!

Une ministre du chef de la grande tribu vient faire son petit tour de société.
Les voeux pieux, le sens du devoir expliqué, la promesse de veiller au grain. Des bulles de savon pour laver de la souille.

-Mais nos maisons? vous nous compenserez de votre bris?
De vos menteries de zoneries?

-Ceux qui ont triché sur la zone sont morts et enterrés!

-...Et ça devrait nous aider davantage?

La ministre du chef de la grande tribu est revenue, 6 mois plus tard, refaire des bulles, sans s'annoncer, des fois qu'on veuille l'apostropher. Elle ne vient pas pour les apostrophes. Elle vient pour les points finals. Elle a repelleté du vent. A même promis que ce ne serait peut-être pas elle qui s'occupera de tout ce merdier ça. Son gouvernement place les gens de Ste-Marthe-Sur-Le-Lac dans une position de "demandeur d'aide", alors que plusieurs sont plutôt victimes d'un bris de la ville.

Victimes de l'avidité.

Personne ne pouvait se douter que l'eau arriverait là où elle n'avait jamais été. Jamais été encore. Mais pouvait se rendre, à l'insu de tous. Sauf de ceux qui avaient eu l'idée de poser la digue. Parce que justement, ils savaient que c'était possible. Alors. Parce que ceux-là, ils sont depuis longtemps morts.

Les meubles, les biens perdus, certaines maisons n'existent presque plus, sont au minimum lourdement endommagées, le marché immobilier qui est tombé, les valeurs des maisons qui sont mortes.

On demande aux villageois de porter tout ça sur ses épaules.

Une victime de 82 ans dira qu'il n'avait plus d'argent, que sa femme a des idées noires, qu'il veut qu'au minimum on vienne lui dire si sa maison vaut la peine d'être sauvée.

Il résumera sa détresse avec les trois mots qui correspondaient le mieux à leur cruelle réalité.

On est rien.

Pour les gens de Grande Ville du Pays Kinépa, vous êtes une patate chaude.

La lâcheté ayant tendance à jeter sur l'autre la responsabilité qu'on refuse.

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