mercredi 11 février 2015

Fabriquer la Nouvelle

C'était dans les années 90.

Inspiré par TVA qui fabriquait (fabrique toujours) beaucoup de nouvelles qui n'en sont pas. j'avais écrit un court-métrage intitulé "Les Chiens Écrasés". Ça racontait l'histoire d'un journaliste, au talent probablement moyen, envoyé aux chiens écrasés, la nuit, avec son caméraman. Les chiens écrasés en jargon journalistique, ça veut dire aux faits divers. On suit au début du film notre journaliste qui erre la nuit, à la recherche de nouvelles. On comprend asses vite qu'il n'a pas beaucoup de succès. Qu'il aimerait franchement couvrir autre chose, mais qu'il comprend qu'il doit faire ses classes, même si ça fait au moins un mois qu'il court les chiens écrasés la nuit. Puis, lors de la seconde nuit, il croise une verte recrue d'une station concurrente, qui lui, trouvera un scoop qui échappera à notre personnage principal. Dès sa première nuit de travail. ça rendra notre "journaleux" jaloux. Dans la vie privée de notre personnage, on comprend qu'il a aussi des problèmes. Il fréquente une fille aux idées suicidaires. La jalousie de notre crétin le rendra amoral. Il la poussera à se commettre...et sera cette fois premier sur la nouvelle.

Mon idée était de montrer que l'ambition peut rendre amoral.

On a jamais tourné le film. Je ne crois même pas l'avoir proposé à quiconque. Mais TVA fabrique toujours beaucoup de nouvelles. Nous invite aussi à le faire pour eux. Concurrence et convergence obligent. Hollywood traite de ce sujet depuis très peu.  Et pourtant la pratique existe depuis toujours.

Les journalistes convaincus qu'ils peuvent/doivent changer le monde sont légions. Malheureusement plusieurs d'entre eux voudraient bien être perçus comme des héros. Mais les vrais héros n'ont jamais besoin de se prouver. Ils sont, tout simplement. Et dans 90% des cas, leurs actes d'héroïsme se déroulent devant témoins. Des témoins qui EUX pourront raconter ce qui s'est passé, pas celui aurait été le héros.

C'est un peu comme un athlète qui dirait qu'il est bon parce qu'il a marqué trois fois. Si tu es si bon, les autres en parleront, ne t'inquiètes pas. Et les chiffres parleront aussi pour toi. TOUT le monde parlera de toi. On a jamais besoin de se gonfler comme ça. À moins d'être Brian Williams.

Brian Williams était une bombe qui menaçait d'exploser à tout moment. Brian Williams est journaliste/présentateur de nouvelles à NBC. Il y a un an, les grands patrons de la station avaient été avertis. Brian Williams devait cesser de gonfler sa biographie d'histoires abracadabrantes, difficiles à prouver comme si il était Ernest Hemingway réincarné. Il était devenu une vraie farce parmi ses propres collègues. Mais personne n'a vraiment tirer sur la laisse du chien fou quand il aurait fallu le faire.

Williams n'avait absolument aucunement besoin de se pomper l'ego comme un adolescent ayant trop souffert de rejet d'autrui. Il prenait la place de l'illustre Tom Brokaw en 1995, il se trouvait donc déjà au sommet. Et depuis longtemps. So why bother en s'inventant des exploits?

Quand en janvier dernier, Williams s'est pointé au Madison Square Garden pour assister à un match des Rangers de New York en compagnie d'un vétéran de l'armée des États-Unis. ils ont été présentés comme deux héros de la guerre d'Irak qui ont suvrécus tout en étant la cible de tirs ennemis en 2003 en hélicoptère.

Ce que les patrons de NBC n'avaient pas encore osé faire, les réseaux sociaux se sont occupé de le faire. Aussitôt "l'hommage" annoncé à la télé, à la foule du Madison Square Garden, à l'Amérique qui écoutait en direct. la menterie avait pris trop d'ampleur pour quelques militaires à bord de cet hélicoptère touché par l'ennemi. L'un d'eux a tout de suite lancé sur le net un "Sorry, dude, I don't remember you being on my aircraft. I do remember you walking an hour after we landed to ask what had happenned." Dix ans à raconter la même sornette c'était une chose, mais là, la statufier dans un Madison Square Garden plein à craquer puisque que c'était un match contre les Canadiens, méritait le bris de ce marbre mensonger.

La statue a été salement déboulonnée.

Brian Williams a donc d'abord choisi de s'excuser en ondes. Puis de prendre quelques jours de congés afin de se faire oublier. On ne contrôle pas facilement le souvenir que l'on laisse dans le domaine public. Williams doit réviser ses menteries du passé, reviendra-t-on lui mordre le nez qui pousse? Sa crédibilité, et celle de NBC par la bande, en prennent pour leur rhume.
Quand on révise les reportages de Brian Williams sur le terrain en 2005, à la suite du passage de l'ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans, on remarque que le courageux journaliste aurait assisté à un suicide au Superdome (sans témoins), vu un corps flotter dans le Vieux Carré Français et attrapé la dysenterie.

On pense maintenant plutôt qu'il avait alors attrapé la pathologie mensongère.
Il serait donc prêt pour travailler chez Fox.
...
 Là, c'est moi qui déconne.

Mais j'aurais une chose à rappeler à ces fabricants d'histoires.
Si les vrais héros agissent souvent devant témoins, les faux, ne peuvent que s'inventer des complices dans la falsification. Et les "complices" finissent souvent par avoir plus d'intégrité que les artistes du faux. Ils vivent mal avec le mensonge et la prétention. Un soldat, c'est fier. Pas crosseur.

Williams a finalement été suspendu 6 mois sans solde hier.

Deux mots peuvent résumer ce qui s'est produit dans la vie de Brian Williams.
Deux mots qui sont à la fois un manque passé et une quête présente et future.


Besoin
d'amour.

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