vendredi 25 octobre 2013

Minables Menteries de Minus

C'est fou ce que le cerveau cherche quelquefois les sentiers les plus empruntés.

Je vais toujours chez le même épicier et j'en connais les allées par cœur. Au point de faire ma liste en fonction des produits rencontrés.

Mais ce jour-là, j'étais sous la même bannière, mais dans une autre région du 450. Les allées étaient construites de la même façon, mais différentes aussi. Toutes de droite à gauche au lieu de gauche à droite. Et ma tête n'arrivait pas à trouver ce que je trouve généralement assez rapidement.

Routine, quand tu changes de mine.

Mon attention s'est alors portée sur cet homme tout près de l'allée des légumes dont le téléphone sonnait. Il me faisait un brin pitié avec son look d'adulescent. À peu près mon âge (41), des jeans dont le fond de culotte lui arrivait au genou, un homme refusant de vieillir. Il a répondu à son appel.

"allo?"
"..."
"Ouin non, j'suis pas au volant de l'auto, je suis à la quincaillerie" a-t-il menti me regardant droit dans les yeux.

Ça m'a rappelé cette fois, encore une fois à l'épicerie, cette fois dans la section des fruits, où une très appétissante jeune femme en tenue plus-que-menue, s'était penchée sur la rangée des poires me révélant la couleur de son slip. Parfaitement inconsciente de son environnement, elle s'était penchée tout juste devant moi subitement et je n'avais pu faire autrement que de planter les yeux, là où l'appétit sexuel le commandait à mon cerveau.
En relevant les yeux afin de chasser toute pensée lubrique, je tombais sur le visage d'un homme, une connaissance du passé parmi les parents du soccer de ma fille, de l'autre côté de l'allée. Il me saluait tout en recevant les poires que sa fille lui donnait, penchée sur les fruits dans une jupe franchement trop courte.

Avait-il surpris mon regard? Étais-je coupable d'avoir été saisi par ce moment impromptu d'excès de peau juvénile que je n'avais même pas cherché à voir? Est-ce qu'il avait cru que j'avais eu des pensées...bref! peu importe, mon corps, pour toutes questions, n'avait trouvé comme réponse que de me faire monter le sang à la tête et me faire rougir d'une culpabilité plus ou moins justifiée. Malaise.

Mais cette fois, je n'éprouvais aucun malaise face à cet homme qui mentait à sa blonde au téléphone, j'avais même un sourire au visage, je le trouvais trop ridicule. Minus. Il avait en main un gâteau Vachon et tentait probablement d'étouffer la tricherie de sa diète.

Il m'a vu le voir. Il m'a vu l'entendre mentir. Il m'a dévisagé au loin de manière agressive. Il m'a vu sourire de son blanc mensonge. Ça m'a rappelé cette autre fois où, là où je travaillais, j'étais sur le trône de toilette, terminant un #2, quand le téléphone de mon voisin de cabine avait sonné. Il avait alors répondu et prétendu être en réunion. Je m'étais donc appliqué à forcer un pet en le créant avec ma bouche dans mon coude et à tirer la chasse d'eau bruyamment afin de la discréditer dans sa prétendue réunion. Je l'avais entendu bégayer en me lavant les mains et répéter les "hein?" avant de rire de honte.

Le menteur de l'épicerie me scrutait encore à distance avec agitation quand j'ai terminé mon passage aux caisses. Je le voyais dans l'allée des caisses rapides. J'ai bien vu qu'il voulait me faire un mauvais parti.

??

Pour lui avoir souri?

Il me faisait signe qu'il m'attendrait dehors. J'avais encore plus le goût de rire.

J'ai eu le temps de me rendre à ma voiture et de remplir mon coffre de mes achats. Quand il est sorti de son pas agité, il semblait qu'un duel se préparait. Cette fois,  mon cerveau s'est vite remis sur pied. J'ai tourné la tête vers la pharmacie pas très loin d'où sortait un homme, au téléphone lui aussi. Un homme au look agressif (boule à zéro, barbichette, t-shirt moulant des muscles travaillés) qui s'est arrêté sur le perron de la pharmacie afin de poursuivre sa discussion au téléphone.

Je pris alors mon téléphone et le portai à mon oreille feignant de lui parler à lui.

"Oui allo?...Non...non...hey...hey...HEY...ELLE NE M'AVAIT PAS DIT QU'ELLE ÉTAIT MARIÉE!!! JE POUVAIS PAS SAVOIR!...OUI!...N'IMPORTE QUAND!...DANS LE PARKING DE L'ÉPICERIE EN FACE DE LA PHARMACIE...NOW!...VIENS ME CHERCHER! JE TE VOIS À LA PHARMACIE BITCH! POUR ME RECONNAÎTRE..."

Et là j'ai décrit le menteur au gâteau de l'épicerie qui se dirigeait vers moi et qui s'est arrêté net, réalisant que je venais de le décrire, rebroussant chemin pour aller organiser ses bebittes ailleurs.

Grugeant du gâteau goulûment dans le dos de sa blonde.

Non mais christ, j'ai encore le droit de sourire.

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