vendredi 4 mai 2012

La Révolte du Beurre / Kent State

(Aux étudiants Québécois, incroyablement matures, intelligents, bons communicateurs, disciplinés, inventifs, créatifs, inspirés et magnifiques qui sont souvent les premières victimes de la violence que les élus leur prête. Étudiants dont je salue et appuie la lutte et la cause)

En 1766, les États-Unis sont sous domination britannique et se trouvent 10 ans avant une toute première déclaration d'indépendance qui proclamera les 13 premières colonies (aujourd'hui des États).

En tant que colonisateurs, les fils de la liberté de la révolution dite "américaine" avaient alors la priorité dans l'obtention des biens. Parmi ses biens: les biens alimentaires.

Depuis les touts débuts de l'Université Harvard en 1636 au Massachusetts, les services alimentaires avaient toujours été un problème. Ceux qui se faisaient appeller les fils de Harvard étaient ceux qui devaient suivre les traces des fils de la liberté. Une nouvelle génération qui devaient marcher dans les sillons de leurs ainés. Ils étaient donc en droit de s'attendre à ce qu'on leur offre toutes les chances. Malgré bien ds efforts, pendant 130 ans, la cuisine s'était quelque peu améliorée mais étrangement la qualité du beurre restait atrocement mauvaise.

Un jour, le jeune Asa Dunbar,(le grand-père d'Henry David Thoreau!), goûtait un repas composé du beurre amer servi aux étudiants. Dégoûté, il choisit de grimper sur la table à la cafétéria et hurler:
"Behold our butter stinketh!- give us therefore, butter that stinketh not!"
"Attention à tous, ce beurre est infect!-Ainsi donnez-nous du beurre qui ne le serait pas!"
Puis il se rassoit. Les élèves applaudissent vivement le cri du coeur et les responsables de la cafétéria ne voit pas qui a créé l'euphorie.

Dans les jours qui ont suivi, les élèves adoptèrent la phrase de Dunbar et se mirent à la chanter dans les corridors de l'établissement scolaire. Au grand dam de la direction. Lors des périodes de pause, unaniment les élèves chantèrent la phrase de Dunbar en guise de protestation.

En réaction à ces gestes de révolte, le président (le recteur d'aujourd'hui) de l'université réunit tous les élèves et exige une confession de la part de celui qu aurait été à l'origine de ce mouvement spontané. Comme aucun élève ne dénonce Dunbar, le président suspend tous les élèves qu'il "juge potentiellement coupables". Une autre frange d'étudiants jugés "impossible à corrompre et à dissiper" est réadmise dans les cours.

Après plusieurs jours de protestation de la part des élèves suspendus ont fini par non seulement les réadmettre mais en plus on choisit de changer la qualité du beurre. Jamais Asa Dunbar ne sera puni par la direction parce que protégé par les autres élèves.

C'était la toute première manifestation étudiante de la jeune histoire des États-Unis.

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Le 4 mai 1970, aujourd'hui il y a 42 ans donc, des étudiants manifestent pacifiquement sur les prémisses de l'Université Kent State de l'Ohio. Ils en ont contre l'annonce de la part du président Richard Nixon d'une invasion récente des États-Unis au Cambodge.

Les États-Unis sont alors dans les sables mouvants de la guerre du Viet-Nam. Depuis que Nixon a pris le pouvoir, on a réintroduit la "draft lottery", une méthode aléatoire organisée par l'ordre chronologique des dates de naissance des citoyens afin de les forcer à s'enroler et à partir au front. Cette technique de recrutement n'avait pas été utilisée depuis la deuxième Guerre Mondiale et inspire le mépris contre l'implication dans la guerre du Viet-Nam. Quand Nixon, qui avait promis la fin de ce conflit, non seulement ne respecte pas sa promesse mais annonce qu'il attaque le Cambodge, la coupe déborde dans l'opinion publique.

Les jeunes, étudiants et professeurs sont concernés par le risque d'être appelés à combattre dans une guerre à laquelle ils sont farouchement opposés. Ainsi, l'expansion du conflit vers un autre pays est perçue comme un risque supplémentaire. De ce fait, à travers tout le pays, des mouvements de protestation se développent sur les campus.

Kent State entre dans la danse des protestations. La ville panique et fait appel à la garde nationale (l'armée) afin de gérer les manifestations. Un couvre-feu est imposé mais quand les élèves restent pacifiquement assis passé l'heure du couvre-feu, l'armée les disperse violement à coup de baïonnette et de gaz lacrimogène.

Le 4 mai, l'inutile, l'injustifiable et l'inexplicable survient. 29 gardes différents tirent 67 fois dans la foule d'étudiants tuant 4 jeunes de 19 et 20 ans. Deux d'entre eux n'étaient pas du tout dans les manifestations, simplement en train de marcher entre deux cours, l'un de ceux-là étant même un soldat les week-ends. L'armée en blesse 9 autres, un restera paralysé.

Révolté, Neil Young écrit une chanson qui devient aussitôt un hit/un classique pour Crosby, Stills, Nash & Young.

Bien entendu, personne ne sera jamais inculpé pour ses meurtres.

Le courage a le prix d'une vie quelquefois chez les justes.

La lâcheté ne triomphera pas toujours.

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