dimanche 18 juin 2017

Quand la Vie T'offre un Citron, Fais-en de la Limonade

Je pense beaucoup à mon père depuis quelque temps. Beaucoup beaucoup.

J'exerce un métier qui me rapproche plus de ma mère (traducteur), mais je travaille aussi, à temps partiel comme livreur/réparateur de shit, conduisant des camions, partout, pour Montréal et ses environs.

Mon père aurait été fier de mes mains sales et de mon maniement de tournevis et de marteau. Qu'il n'aura jamais vraiment vu de son vivant de ma part.

La semaine dernière, le jeudi, j'ai offert une journée formidable à ce travail. On m'a même félicité chaudement de mon rendement de vétéran, moi qui suis imposteur recrue. Ce jeudi-là, après des jours et des jours d'angoisse, de poisse et de crises de paniques freinées, je me suis promis une semaine de bonheur. Pur et simple. Qui est venue.Mais le bonheur ne vient jamais sans heurts. Le samedi suivant, je déménageais le beau-frère et la belle-soeur et j'avais l'impression de travailler à nouveau. Le lendemain, je voulais bien fêter l'amoureuse, mais comme on déménageait son frère, que son père était dans le coin pour aider aussi, le timing n'était pas terriblement bon (corrigé hier, finalement).

Bref, la vie nous triturait l'horaire.

Puis, de retour au travail, le désastre.

Au volant d'un camion, longuement, parfois pendant 12 heures, je multiplie les chances d'attraper une contravention. Avoir une contravention m'est arrivé moins de 5 fois en 30 ans de conduite. Et ce qui devait arriver, arriva. Ne connaissant pas le camion que je conduisais comme il faut, et pressé par le temps, j'ai fait un stop "à l'indienne". Qui a aussitôt été peu apprécié par la policière qui n'avait pas atteint son quota du mois. J'ai eu beau lui expliquer que ce camion, je ne le connaissait pas, que j'avais bien pesé sur le frein, mais probablement comme si c'était une voiture normale et que l'arrêt a paru plus court, mais que je savais fort bien que j'avais pesé sur le frein; que j'étais indien (50% Atikamekw) ce qui me donnait théoriquement le droit de freiner à l'indienne, elle n'a rien voulu entendre, c'est 169$ que je devrai voler ailleurs d'ici le paiement.

Au travail, on m'avait dit que normalement "on payait le premier, mais que par la suite, c'est ton affaire" mais qu'il fallait valider avec le moyen boss. Le moyen boss m'a ensuite enculé avec un manche à balai  dit qu'il ne pourrait jamais défendre à son grand patron que je n'aurais pas fait mon stop. "Rouler à 69 dans une zone de 60 quand tu descends une côte c'est pas pareil, mais un stop!" J'ai eu beau lui servir les arguments plus haut qui auraient pu lui servir de défense, on me laissait tomber. J'étais seul dans ma bataille. Je quitterai cet emploi très bientôt.

J'allais livrer notre shit à Pointe-Des-Cascades ce jour-là. Cette phrase allait être vraie comme je l'ignorais encore. Une région dont j'ignorais l'existence. Dans une rue qu'aucun GPS ne reconnaissait. C'est la beauté de la chose, je découvre des coins de Pays-qui-ne-veut-pas-en-être-un, assez jolis. Ders coins si bien qu'ils sont virtuellement inexistants et à découvrir. Et j'y croise pleins d'animaux qui sont tellement plus intéressants que les Hommes. Si je ne trouvais pas la rue et que les GPS ne le trouvaient pas non plus, c'est que ce n'était pas le nom d'une rue, mais bien celui d'un golf. D'un chemin menant vers le golf.

Un golf, d'un chic qui détonnait beaucoup de mon camion, de mes mains sales et de mon kit de travailleur de ville. J'ai toujours haïs le golf, faux sport pour corporate old shit. J'ai tout de suite attiré l'attention d'au moins 6 têtes grises de plus de 70 ans qui pratiquaient leur drive. Pour bien marquer le dégoût que j'avais à me trouver sur place (mon rôle serait clair sur un terrain de golf) j'ai stationné le camion exactement  là où c'était interdit. L'accueil semblait désert. Il n'était pas midi encore. Je voulais savoir si je laissais ma cargaison devant la porte où ailleurs.
Mais depuis le matin, j'avais aussi une autre cargaison à livrer. L'issue de ma discussion avec mon moyen boss m'avait donné une sévère envie de déféquer. Pesante. Conduire pendant 10/12 heures à ses désavantages à ce niveau. Si il n'y avait personne dans l'entrée, j'ai tout de suite repéré les salles de bains. J'ai regardé vers la mezzanine et mon regard à croisé celui d'une jeune serveuse qui semblait aussi égarée que moi dans son restaurant vide. J'ai filé vers la salle et m'y suis soulagé d'un poids.

À ma sortie, un vieillard  un homme de plus de 75 ans, en polo, m'a pointé du doigt.

"Hey toi! qu'est-ce que tu faisais là?"
"...je...je coulais un bronze..."

Comme si il venait de repérer un enfant dans un club playboy, il m'a tout de suite dit,
"T'as pas d'affaire icitte!"

J'étais la verrue de leur journée, la saleté de leur pureté. Le corps du Christ, amen.
Je ne sais pas si elle voulait m'aider où m'indiquait de déguerpir, peut-être étais-ce elle qui avait dénoncé ma plébienne intrusion malsaine, mais la jeune serveuse aperçue précédemment pointait son doigt vers la sortie. Chemin que j'ai aussitôt emprunté au pas de course.

Je n'ai fait ni une. ni deux, avec le croulant qui me courait après (avec une marchette?) j'ai eu le temps de me rendre au camion, de sortir ma cargaison pour le mettre près de la porte et de fuir au volant du 16 pieds, comme un voleur. Le camion lettré aura peut-être une plainte.

Mais pour dire quoi?

"Votre employé est venu chier dans notre golf" ?

C'est fou ce que j'en serais fier.

C'est con mais ça m'a fait beaucoup de bien de me décontrarier de la sorte.

Mon père ne m'a jamais donné le conseil en titre de cette chronique, mais c'est une devise que je me colle à la peau pour toujours.

J'ai repensé à lui quand même, car il était bon rieur. Et ce serait beaucoup amusé de tout ça.
Il était du genre rocambolesque. Le recherchait, parfois.

C'est la fête des pères aujourd'hui. C'était aussi l'anniversaire de mon Dad.
Il aurait eu 70 ans aujourd'hui.
And would have been happy.

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