mercredi 24 août 2016

Cet Orgueil Qui ne m'Habite Pas

Mes parents ne se sont jamais acheté de voiture neuve avant 1991.

Ils avaient respectivement 44 et 43 ans. Mon âge actuel.

Avant les deux Escort 1992, berline bleue et familiale rouge, se sont succédés toute un pléiade de voitures usagées qui coïncidaient avec mes débuts au volant. Mon père, excessif et trop souvent pressé, me faisait même conduire dès mes 15 ans.

Si j'ai toujours aimé conduire, je n'ai en revanche développé aucun, mais alors absolument aucun intérêt envers les voitures. J'ai confondu longtemps Honda et Renaud, ne m'intéresse en rien aux voitures/modèles/fabricants (que je démêle assez peu) et suis généralement incapable de tenir une conversation sur le sujet, bien longtemps. J'ai toujours de la difficulté à me rappeler l'année et le modèle de mon propre véhicule. Je dois me donner des repères qui sont probablement unique à ma personne pour me rappeler de l'un et de l'autre.

Dans la conception de mon être, les tiroirs de la section "automobile" sont excessivement vides et c'est volontaire. J'accorde l'exact même intérêt à une voiture que l'on accorde (généralement) aux espadrilles. Une voiture est pour moi un outil qui nous mène du point A au point B, sans plus. Avec accès musical. Ma fille de 13 ans est nettement meilleure que moi pour reconnaître les modèles de voitures de l'un et de l'autre, je ne retiens même pas les modèles de ceux de mes amis.

Le beau-frère est construit d'une autre manière. Ses tiroirs de la section "automobile" sont si plein qu'une partie de son corps, se rendant jusqu'à son cerveau avec un fil directement relié à son compte en banque est complètement coloré "voiture". Il possède TOUS les guides de l'auto depuis 1981. Il a bossé chez GM longtemps, même à GM, Detroit, il se passionne beaucoup pour les voitures et travaille maintenant comme ingénieur pour Bombardier.

Dans la mécanique du beau-frère, il y a la mécanique de l'auto, là où chez moi il y a cinéma, littérature et musique.

 Mais on s'entend à merveille sur à peu près tout. Reste que quand la passion voiture passe en seconde vitesse, je tourne mon attention plus facilement ailleurs et freine mon verbe.

Il y a longtemps, avant que nous aillions tous des enfants. ce beau-frère, par le biais de son travail chez GM, avait eu la chance, pour une soirée, de conduire une Ferrari de modèle rare (je crois). Il avait appelé quelques uns de ses amis qui auraient pu savourer le jouet avec lui, mais comme il avait appris ce cadeau d'un soir à la dernière minute, un seul avait pu se libérer pour l'accompagner. Il avait alors appelé sa soeur, mon amoureuse, et m'avait aussi demandé de les accompagner afin que le 4 places soient comblées.

C'était une décapotable et nous avions roulé sur la 40, je ne sais trop où dans la nuit. Nuit de parfait inconfort personnel. Je déteste les décapotables ou toute forme d'ouverture qui me donnerait l'impression de rouler en avion la tête à l'air. Rouler les fenêtres baissées sur l'autoroute m'est insupportable, alors l'idée de rouler sans toit est tout à fait incompatible avec mon être. En voiture n'est pas être en voilier. J'ai un toit ouvrant dans ma voiture actuelle que je n'utilise absolument jamais plus que 2 secondes. Le temps de réaliser que ça m'agresse. Je baisse spontanément la tête, prêt à y recevoir quelque chose du ciel.

Ce soir-là j'avais été bon joueur, je n'avais pas trop laissé paraître ma "non-envie d'être là où je suis" sinon par une position sur la banquette arrière complètement courbée, tronc contre jambes, ne voyant rien de la route et attendant la mort. Comme l'amoureuse à mes côtés avait la même position, mon désavoeu du moment paraissait moins. Et les deux en avant trippaient tant qu'ils ont très peu porté attention. Je m'étais alors juré de ne plus jamais rouler décapoté.

****
Nous étions chez le beau-frère justement et étions 12 à se rendre au match de l'Impact de samedi dernier. Je devais quitter plus tôt en après-midi pour aller chercher Monkee et sa blonde et pour des questions de logistiques et de places en voiture, l'amoureux de ma belle-mère m'a dit "Ben tu prendras ma Miata! pis tu la laissera chez vous. Puisqu'on couche chez vous ce soir, la voiture sera déjà rendue!"

J'ai accepté. Sans savoir ce qu'était une Miata.

Quand est venu le moment de partir, tout le monde salivait, mais pas moi. Une décapotable? J'ai caché mon dégoût. Il m'a montré comment fermer le toit rétractable et la troisième fois qu'il me l'a montré, j'ai insisté pour qu'il garde le toit fermé. Il a refusé. Tout le monde a refusé. Tout le monde semblait savoir ce qui devait être bon pour moi. Le meilleur argument m'a donné la nausée.

"Ben non, tu "dois" rouler sans la capote, t'as l'air tellement cool!"

Non.
Ce type d'orgueil ne m'habite pas.

J'ai quitté son entrée et ai trouvé que c'était plus "mis à terre" que Miata. Je me suis rendu aux premiers feux de circulation, décapoté. J'attirais atrocement l'attention. Nettement trop. J'ai tout de suite fermé le toit rétractable. Mal. J'ai du le tenir à la main tout en conduisant pendant un petit bout de route. Puis j'ai réussi. Toutefois, les deux fenêtres de chaque côté étaient toujours ouvertes. Et je ne trouvais pas du tout comment les remonter. Pas sur la porte à gauche, pas sur la porte à droite, pas sur le tableau de bord. Je savais l'autoroute pas très loin, il me fallait trouver une solution, c'était insoutenable. Comme dans un film, à la toute dernière fraction de seconde, avant de rentrer sur l'autoroute, j'ai trouvé deux boutons orphelins en plein milieu de la Miata, là où la plupart des voitures ont des freins à bras. Il était moins une. Mais toute la randonnée m'a été extrêmement pénible.

Je dois être le seul au monde à ne pas savourer une telle chance et ne la mérite nettement pas pour certains. Je m'en moque.

Je ne la voulais pas de cette expérience. Une fois à la maison, j'ai pris soin de la stationner dans la rue afin de ne pas faire jaser qui que soit parmi les voisins et pour m'assurer qu'on ne m'associe pas à la voiture ou PIRE qu'on choisisse de m'en parler.

Au match de l'Impact, nous étions 12, il a été plus facile que je l'aurai cru de ne pas (trop) parler de l'expérience. Sa Miata est vieille de trois ans, Je n'ai non seulement jamais pensé poser une seule question sur la voiture depuis 3 ans, mais n'avais non plus jamais remarqué qu'elle était dans son entrée (abrillée, paraît-il). Il aurait été facile de croire que la voiture ne m'intéressait pas du tout, mais on me l'a quand même offerte à conduire ce soir-là comme un "cadeau".

J'ai joué sobrement le gars choyé. Mais avoué que j'ai remis la capote dès le premier coin de rue.

Quand nos invités repartaient le lendemain, la voiture ne repartait plus. J'ai eu un malaise. C'était moi le dernier qui l'avait utilisée, qu'avais-je fait? J'ai été à leur rencontre.

"La voiture ne part pas?"
"Non, je ne sais trop pourquoi, la clé de contact ne tourne même pas..."
 "Ce doit être le volant qui est barré" et j'ai débarré le volant ce qui a tout de suite fait partir la voiture. Ça arrive quelque fois sur ma voiture. Il était heureux et m'a remercié en riant tout en m'appelant "le mécano". Il ignorait tout ça et le lui ai appris.

Cette fois, j'étais cool.

Un ignorant crasse comme moi sur le sujet, pouvait en apprendre à des gens intéressés par les voitures.

Bada Bang Bang.


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