dimanche 24 août 2014

Alessandro, Françoise, la Musique et La Promesse d'un Monde Nouveau

Il y a ceux que j'admire de près.

Allen, Lynch, Bowie, Payne, Anderson, Lafleur, Côté, Ducharme, Redford, Rivard, Bob, Steve, Joel & Ethan etc.

Ceux-là je les surveille pour voir sur quoi ils travaillent.

Je les attends dans le détour parce que je les aime comme on aime des amis. Je sens que peu importe les choix qu'ils feront, ils calibrent toujours sur les même choses que moi. C'est un amour collé-collé.

Mais il y en a d'autres que je suis de plus loin.
Sans toutefois les aimer moins.
Comme si j'en étais intimidé.

Alessandro Baricco est parmi ceux-là. L'auteur, philosophe, homme de théâtre et musicologue italien est comme un musée dont on ne se lasse pas. Une musique que l'on aime sans cesse. Je croyais le suivre de loin, mais à bien y regarder, je m'aperçois que je l'ai presque tout lu (sauf 4) dans ce qui se fait en français.

J'ai commencé par Châteaux de la Colère recommandé par un ami que je ne remercierai jamais assez de m'avoir introduit à l'univers de ce jubilant écrivain au délire joyeux certain, au rythme impeccable (musicologie oblige) et au style entre l'absurde, le merveilleux et le poétique.

Dans Châteaux de la Colère, une très belle femme, au milieu du 19ème siècle, dans une ville imaginaire, est admirée par tous grâce à des lèvres qui poussent les gens au fantasme.

Mais l'histoire est aussi complètement ailleurs. Folie au menu.

J'ai aussi lu Soie, second romand traduit par Françoise Brun. Elle a doit à autant de crédit que l'auteur car elle traduit la plume de Barrico avec grâce et grand talent. On entend la musique. Et dans cette fable en particulier, on palpe presque le tissu...

Novecento: Pianiste a été conçu comme un monologue pour le théâtre. L'histoire de ce pianiste né sur un paquebot et abandonné aussitôt pour y grandir au gré des voyages sans jamais mettre pied à terre m'a tout de suite séduite. Si la notion d'évasion vous plait, ce livre est pour vous. À faire rêver à califourchon sur la lune. Depuis que j'ai fait des croisières et que j'ai découvert la poésie de la nuit sur la passerelle d'un navire, ce livre me plait encore plus.

Océan Mer est un chef d'oeuvre. Le plus beau fruit du pommier. Et même pas une pomme. Un livre qui a fait basculer ma vie. L'amoureuse a justement les yeux couleur Océan Mer. Son regard comme ce livre sont les plus jolies mélodies jamais lues de mes yeux noirs nuit. Déconstruction narrative pour mieux rebâtir les rêves. Fameux. Précieux dans ma bibliothèque.

J'ai lu L'Âme de Hegel & Les Vaches du Wisconsin, où Baricco pêche par excès de passionalors que nous étions en vacances l'amoureuse et moi, roulant en Westfalia. Je me revois dévorer cette toute petite plaquette au deuxième étage du Westfalia par une nuit étoilée. Je n'ai très certainement pas saisi toutes les références dans cet essai sur la musique classique, dite ici "supérieure", car je suis assez peu connaisseur de la musique classique. Mais A.B. était si intéressant que je crois avoir lu les 144 pages le même soir. Les étoiles étaient musicales cette nuit-là...

Comme son essai suivant était aussi axé sur la musique classique, (Et les Étoiles! puisque le mot constellations est dans le titre!) Mozart, Rossini, Benjamin, Adorno, je l'ai esquivé. C'est tout juste 192 pages. Je me trouverai une nuit pleines d'étoiles un jour...

Je n'ai toutefois rien perdu de City, où un enfant prodige imagine l'histoire de la boxe dans sa salle de bain tandis que sa gouvernante travaille le scénario d'un western. Mais l'histoire est encore ailleurs. Amoureux de la ville et de l'urbain comme je le suis, Barrico me faisait une fleur ici. En plus de me promettre encore, un monde nouveau peuplé de gens animés d'une merveilleuse folie. (parce que génie chevauche folie).

Barrico a eu le bon goût de demander aux deux gars de Air de faire une musique sur sa lecture du livre.
Fantastico.

Je vous parlais de monde nouveau tantôt. Son essai de 2002, je ne l'ai pas lu mais il s'appelle Next, Petit Livre sur la Globalisation et sur le Monde qui s'en Vient. Alessandro nous fait rêver, mais garde ses pieds bien au sol. Ça devrait être ma prochaine consommation littéraire de sa part.

Dans Sang Sang, vengeance, suspense, sang, douceur, violence et poésie cohabitent en deux récits qui semblent n'avoir aucun liens ensemble, mais qui sont nés d'une même ivresse: l'horreur. 128 courtes pages, mais riche. Très très post 9/11.

Je n'ai pas lu la réécriture de Omero, Iliade, relecture de Maria Grazia Ciani, retravaillée par Baricco et traduite (comme tout le reste) par la fidèle Françoise Brun.

Cette Histoire-Là s'inspire des premières courses automobiles et d'une course entre autre restée célèbre par ses cadavres laissés sur la (bizarre de) piste. En 7 parties qui semblent bien distinctes se développe une histoire d'amour que les deux protagonistes ne veulent pas réaliser. Mécanique automobile, piano, armes, qui sont autant de métaphores du quotidien, jamais normal chez l'italien.

Je ne sais trop si il y a eu brouille avec Françoise Brun, mais ses deux derniers livres ont été traduits par Lise Caillat. Ils me sont aussi passés 100% sous le radar. Alessandro danse maintenant avec une nouvelle partenaire sur de nouveau rythme.
Emmaüs lancé en 2012 ne fait que 135 pages et lève le voile sur la jeunesse catholique de l'auteur. Plongé dans l'adolescence, le profane et le sacré s'y entremêlent. Séduisant.

En allant magasiner le matériel scolaire de Punkee, j'ai croisé cette pochette orange qui m'a tout de suite plu.

Baricco?
Bien sur!
Barrico!

Mr Gwyn que ça se titre.

L'histoire d'un vieil auteur qui se réinvente en portraitiste littéraire.
Mélancolique et tendre.
Une morte qui parle, des ampoules comme magique, des concertos pour clarinettes, ventilateurs et tuyaux hydrauliques.

On est bien chez Alessandro.
On baignera dans de très belles eaux.


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