samedi 3 août 2013

Alexandre Soljenitsyne

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne est né en automne 1918 à Kislovodsk, dans le nord du Caucase. Son père est déjà mort depuis 6 mois quand il voit le jour. Jusqu'à l'âge de six ans, le jeune Alexandre est confié à la famille de sa mère tandis que celle-ci travaille comme sténodactylo à Rostov-sur-le-Don. C'est dans cette ville que le jeune Alexandre fera ses études universitaires en mathématiques, physique, philosophie, en anglais, en latin ; il écrit beaucoup aussi et suit des cours de littérature par correspondance. Il loge à l'enseigne du communisme, comme il a été élevé. Il se marie à 22 ans avec une étudiante en chimie et pianiste.

Alexandre est à Moscou pour ses examens de littérature en juin 1941, quand éclate la guerre contre le Troisième Reich. Il combattra comme officier de l'Armée rouge, et sera décoré en 1944 de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov.

Toutefois à la fin de la guerre, une correspondance interceptée par la censure Russe découvre une critique de Staline de la part de Soljenitsyne et il est condamné à 8 ans de prison dans le goulag. Sa femme est expulsée de l'université où elle étudie parce qu'épouse d'un "ennemi du peuple". Elle demande alors, et obtient, le divorce. Libéré en 1953, Soljenitsyne est gardé en "exil perpétuel" au Kazakhstan. Il est réhabilité trois ans plus tard afin qu'il puisse enseigner les sciences physiques à Moscou. Il se remarie avec sa première femme en 1957.

C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation du président Nikita Khrouchtchev en personne, qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un prisonnier du goulag. Il sait de quoi il cause... Il publie un recueil de nouvelles en 1963.

Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, le pays est maintenant sous Léonid Brejnev. Il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique, République dont il vient de critiquer les conditions d'incarcérations de ses prisonniers. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige la suppression de toute censure, ouverte ou cachée, sur la production artistique. Il est de retour sur la liste noire de son pays.

Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des Cancéreux (1968 tous les deux), ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue Rouge paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été complètement expulsé d'URSS. Les opérations de déstabilisation à son encontre n'ont pratiquement jamais cessé des années 1960 jusqu’aux années 1980, et au-delà jusqu'à sa mort. Sa vie devient une conspiration permanente pour pouvoir avoir le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par le réputé violoncelliste Mstislav Rostropovitch. Il passe prêt d'être assassiné en août 1971, par un parapluie bulgare. Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.

En décembre 1973, paraît à Paris la version russe de L'Archipel du Goulag, où il décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. L'ouvrage avait été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident, par amis interposés (qui risquaient gros) pour échapper à la censure. Il décida sa publication après qu'une de ses aides fut retrouvée pendue après avoir avoué au KGB une cachette où se trouvait un des exemplaires de l’œuvre. L'ouvrage est, comme d'autres avant lui, un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il jette un éclairage extrêmement précis sur les conditions, il est sourcé, et cite de nombreuses lois et décrets soviétiques servant à la mise en œuvre de la politique carcérale, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux négationnistes du Goulag de nier la véracité des faits décrits. Cette publication connaît une grande diffusion et le rend célèbre, ce qui lui vaut d'être déchu de sa citoyenneté soviétique et d'être arrêté. Mais, au lieu d'être condamné et incarcéré, il est expulsé d’Union soviétique pour de bon en février 1974, maintenant remarié avec une mathématicienne. En URSS, ses textes continuent cependant d’être diffusés clandestinement.

Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse, puis émigre aux États-Unis. D'abord présenté comme une victime du régime rigide soviétique, il est rapidement découvert, suite à des entrevues et de multiples conférences, comme un homme orthodoxe, conservateur, et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation. Soljenitsyne doit affronter une nouvelle campagne de diffamation. Il se retire alors avec sa famille dans le Vermont pour poursuivre l'œuvre dont il rêve depuis sa jeunesse, La Roue rouge, une épopée historique de milliers de pages retraçant l'embourbement de la Russie dans la violence révolutionnaire. En 1983, il reçoit le prix Templeton remis à la personnalité s’étant distinguée pour ses activités caritatives ou son dévouement dans l’entraide et la compréhension inter-religieuse.

Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Il y revient suite à l'éclatement de l'URSS en mai 1994. Il y aura son émission de télévision, y fera de nombreuses conférences et aura une activité sociale intense avant que la maladie et l'âge ne le ralentisse. Les Russes redécouvrent alors la valeur de ses écrits politico-sociaux. 

Successivement ou simultanément accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB, Soljenitsyne répond "Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière". L'auteur avait un attachement profond à un autoritarisme de son cru, qui, s'il n'était pas formulé lors de ses premières apparitions sur la scène publique, s'est développé au cours de son combat mais admirait aussi au moins deux formes de démocratie occidentale : celle des États-Unis, qu'il qualifiait de pays le plus magnanime et le plus généreux de la Terre et celle de la Suisse. 

Ses oeuvres sont difficiles à placer dans le temps et comme le décrit bien l'une de ses préfaces, plusieurs d'entre elles auraient pu avoir cette forme : "Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968"  

Il y a 5 ans, dans la nuit d'aujourd'hui à demain, il mourrait d'une insuffisance cardiaque aiguë à l'âge de 89 ans.

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