lundi 6 mai 2013

Mouches Espagnoles

                                                                                                                               
(à M.M.B.)
Madrid.

Julia Jasmina était une autre de ses femmes vivant pratiquement seule avec 4 enfants puisque son mari, selon Adriana, était un un gros bon à rien, un fracasado.

Adriana est propriétaire de logements et les loue à ses occupants pour 400 Euros. Quatrième puissance économique européène, (après l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni), l'Espagne a maintenant atteint le tristement historique sommet de 27,2 % avec son taux de chômage. Ce sont 6 millions de citoyens, l'équivalent d'un peu plus d'un Québec entier en droit de voter, qui sont sans emploi en Espagne.

Parmi eux, le douloureux mari de Julia Jasmina. Adriana, grâce à des années d'économies et de dur labeur, avait réussi à se bâtir une certaine fortune personnelle et avair investi dans les logements dans les années 80. Aujourd'hui, certains espagnols, avec une logique tordue mais surtout avec une jalousie certaine, lui repochaient d'être moralement du mauvais côté de la situation en demandant à ses concitoyens de lui donner 400 Euros par mois pour simplement se loger.

En fait, Adriana avait déjà exigé beaucoup plus pour ses mêmes logements dans les années 90 et 2000,  mais avait plutôt fait preuve d'un grand coeur en baissant certains de ses loyers, année après année, afin d'accomoder les familles dans le besoin.

Le mari de Julia Jasmina n'avait pas une seule journée de travail dans le corps de toute sa vie. En revanche, Julia Jasmina travaillait au comptoir de pizza du bout de la rue et faisait aussi le ménage dans les bureaux municipaux. J.J. ne payait souvent qu'une partie du loyer et concoctait chaque fois une compliquée formule sur papier, un calcul mathématique, qui stipulait que si elle avait déjà donné 300 Euros la première semaine du mois, il fallait le diviser sur les quatres semaines et le conseil municipal se chargerait de payer la différence en son nom plus tard. Ce qui n'arrivait bien entendu jamais. Adriana voyait bien que Julia Jasmina, pas encore 30 ans, 4 enfants, et les deux pieds dans une vraie vie de merde depuis,
avait travaillé extraordinairement fort pour arriver à tout ça; et que ses tentatives d'amoindrir la facture n'étaient pas des tentatives de fraude autant que des tentatives de survie.

Adriana fermait les yeux mais avait approché le mari qui errait souvent sans même sembler se chercher du boulot. Elle avait fini par comprendre en tentant d'entrer en contact avec lui qu'il était extrêmement dangereux. Qu'il avait probablement cassé le nez de Julia Jasmina par le passé, qu'il l'avait même menacé avec une carabine deux fois. J.J. allait éventuellement trouver refuge dans un centre pour femmes battues avec ses 4 enfants, le logement n'étant pendant un temps occupé que par le minable mari.


Les paiements allaient du même coup, cesser complètement.

C'est en Irlande que Julia Jasmina allait se cacher de son mari et elle aurait la décence de s'en excuser et d'appeller Adriana sur le sujet. Par un tour de force miraculeux, Julia Jasmina réussirait même à distance à faire évacuer son bon à rien de mari du logement, toujours meublé, avec le concours des services sociaux.

L'amie d'une amie d'Adriana lui trouverait une remplaçante pour venir loger là où Julia Jasmina et sa troupe avait investi les lieux pendant presqu'un an. Une femme dont on disait beaucoup de bien. Propre. Elle gagnait d'ailleurs sa vie comme femme de ménage. Et comme l'appartement était dans un état lamentable, elle commencerait par un giga-ménage des lieux.

Adriana était rassurée.
Même si c'était la même amie qui lui avait fourni la référence pour Julia Jasmina, ce qui, sur le coup l'avait aussi inquiétée.

Inquiétude justifiée puisque dès le premier chèque, la banque le ferait rebondir pour manque de fonds...

Pas facile d'éviter la chute espagnole.

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