lundi 12 mars 2012

Le Disque D'or

Bon.

Mettons une chose au clair.

Plus jeune (et plus naïf) quand un artiste lançait son tout nouveau disque le mardi, je m'étonnais toujours du disque d'or qu'il reçevait quelques fois dès le lendemain. Je me disais "C'est fou, y a 100 000 personnnes qui, entre hier et aujourd'hui, ont senti l'urgence de se précipiter en magasin et acheter le disque de TrucBine, quel phénomène!". J'étais épaté. Hey patate!

NOT!!!!!!!!

En travaillant à même les magasins qui vendaient ses disques j'ai compris la combine. Il n'y a pas, contrairement à la croyance populaire, 100 000 personnes qui ont en main l'album en question. Pas même une semaine après la mise en marché. Assurément moins aujourd'hui que la musique est facilement accessible sur le net et souvent tout à fait gratuitement et sans possibilité de comptabilité ni de redevances.

Les phénomènes se fabriquent et voici comment se tricote le concept du "disque d'or".

Oui, il y a bien plus de 100 000 copies d'un album donné qui a été vendu. Mais il a été vendu à un magasin de disque qui le vendra à son tour au client, se prenant une "cut" sur la vente. Si il ne le vend pas, à une période entendue au préalable, le magasin le retourne, le revendant à rabais à la maison de disque qui l'a fait enregistrer à ses frais et qui lui avait vendu.

Mon bureau, quand je travaillais dans le magasin centenaire qui m'engageait, avait été placé dans l'overstock des retours. Mon département était nouveau, on avait calculé l'argent que mon département allait rapporter mais pas le "comment" tout cela allait attérir. C'est toujours comme ça vous le savez. Et mon bureau avait été improvisé dans le sous-sol, dans le fond d'une pièce composée de plusieurs dizaines de rangées remplies de disques qui étaient en période de quarantaine. Parce qu'ils ne vendaient plus. Et quand un représentant passait et venait cueillir des retours, je le voyais opérer avec l'acheteur. Il essayait d'abord d'acheter du temps en lui faisant croire que l'artiste qui ne vendait pas allait soudainement se mettre à vendre parce que tournée, vidéoclip, pensée magique, gnagnagna... Le représentant ne veut jamais racheter ce qu'il a déjà vendu. Certains essaient donc de convaincre l'acheteur ou le gérant du plancher que tel artiste a droit à un nouveau tour de piste en magasin. Et ce, même si l'artiste en question avait 345 disques de cordés à mes côtés depuis 7 mois sans demande de la part des clients du plancher. Guy Cloutier était toujours le pire et le plus méprisable à ce petit jeu. Sa Natasha St-Pier, sa Gabrielle Desmangeaisons...enfin...

Donc quand on annonce déjà 100 000 albums de vendus et qu'on présente un disque d'or...il faut d'abord comprendre qu'ils ont été vendus à des magasins pas à des admirateurs. Et que peut-être que c'est aussi l'acheteur qui s'est planté un doigt dans l'oeil. Il n'y a pas 100 00 cds dans les chaumières ou dans les voitures du Québec.
117 albums sont vendus au client? peu importe, le chiffre officiel sera toujours publiquement de 100 000 tant que les disques ne seront pas retournés au représentant. Et croyez-moi quand les disques invendus retourneront à la maison de disque, il n'y aura pas conférence de presse pour annoncer que 99 883 albums n'ont jamais trouvé les oreilles à satisfaire.

Hier, on a remis, sur scène, aux enfants de Star Épidémie, un disque d'or. D'après leurs réactions sur scène, ils ont tous compris que 100 000 personnes possédaient peut-être entre les mains l'effort des producteurs de Star Épidémie. D'après ce que je crois comprendre de la réaction de la foule, ils ont aussi imaginé que 100 000 fans en délire se sont rués en magasin pour s'acheter leur album. Il est presque CERTAIN qu'à la maison, devant leur téléviseur, les gens pensent aussi que 100 000 chanceux chantent et dansent en écoutant le disque depuis une semaine.

Nooooooooooooooooooooot.

Je l'ai dis, je le repète, ce sont les magasins qui offrent 100 000 albums à de potentiels acheteurs. La demande n'est peut-être pas aussi optimiste. Il y a donc comme un leurre de ce que l'on présente en public. D'autant plus que ceux qui ont présenté le disque d'or portent tous les chapeaux.

Expliquons l'inceste: Québécor est propriétaire de TVA qui diffuse et produit l'émission marchande de rêve. Québécor est aussi propriétaire des magasins Archambault Musiques et Livres, qui achète d'une maison de disque (Sélect) qui leur appartient aussi, donc qui appartient aussi à Québécor. Ces derniers sont aussi propriétaires d'une demie-tonne de magazines, de journaux et de sites internet qui peuvent offrir une diahrée de chiffres et manipuler l'information selon les ventes anticipées. Vous voyez la bête multi-tête?
Bref je n'ai pas besoin de vous faire de diagramme pour vous faire comprendre que dès septembre, le disque d'or est probablement déjà gravé car il est prévu qu'on en imprimera au minimum 100 000 copies et que si aucun magasin ne veut les acheter, Archambault Musique et Livres rammassera l'ensemble.

Et étirera les délais de retours puisque tout ça vient de la famille. Quand un de vos enfants à une dette à votre égard vous n'êtes pas aussi sévère que si c'était un inconnu.

Et pensez-vous que les retours seront en une du Jou'nal de Mou'ial?

Je ne doute pas que l'album de Star Épidéemie se vendera bien. Toutefois les chiffres, les disques d'or, c'est du leurre. Ce sont les chiffres tronqués de la Grèce.

C'est du rien.

Ce qui rend comique les bouches bées des artistes-en-devenir sur scène qui n'en croient pas leur oreilles.

Ne vous inquiétez-pas, jeunes gens plein de potentiels.
Nous non plus on ne croient pas ces chiffres.

Aux nouvelles convergentes on se privera de vous expliquer que les disques d'or pointés par les artistes vers le public sont en fait surtout de l'espoir.  On maintiendra la malentendu.

Mais vous avez maintenant une explication pour vous faire comprendre qu'il ne faut pas prendre ses chiffres terriblement au sérieux.

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