jeudi 1 mars 2012

Brigitte Bardot

" Si cette petite doit un jour être une putain, elle le sera avec ou sans le cinéma, si elle ne doit jamais être une putain, ce n'est pas le cinéma qui pourra la changer ! Laissons-lui sa chance, nous n'avons pas le droit de disposer de son destin" défendra son grand-père devant le refus de sa famille pour qu'elle se lance dans le métier d'actrice.

Issue d'une famille bourgeoise où elle "souffre" de l'attention dont sa soeur cadette jouit à ses dépens, elle en adoptera une attitude boudeuse d'enfant gâtée pour le restant de ses jours.

Enfant, elle est vite attirée par la danse et bientôt la mode. Sa mère est une amie de la directrice du magazine Elle, ce qui lui donne le privilège à sa fille Brigitte, de faire la une quelques fois. C'est vrai qu'elle est belle fille et le réalisateur Marc Allégret la remarque et lui propose une présence dans son prochain film. C'est un tout petit rôle où en audition c'est l'assistant-réalisateur Roger Vadim qui lui donne la réplique. Le film ne se fera pas mais une histoire d'amour s'est tissée entre Vadim et Bardot.

Vadim a 22 ans et Bardot 16, la famille de Brigitte est aussitôt contre cette alliance et exige que la jeune fille s'exile en Angleterre pour les cinq prochaines années "pour terminer ses études" (mais surtout pour lui donner le temps de changer d'idée). Bardot tente alors de se suicider en se plantant la tête dans le four à gaz. On en vient à un compromis: elle ne quittera pas pour l'Angleterre et en échange, elle ne mariera pas Vadim avant ses 18 ans.

Jean Boyer lui offre une première expérience au cinéma, pénible, mais qu'elle accepte pour les 200 000 francs que ça rapportera. La même année, elle marie Vadim, 3 mois après ses 18 ans. Willie Rozier la fait tourner en 1953. Les États-Unis ne sont pas insensibles à la beauté et à la présence de Bardot. Anatole Litvak lui offre un petit rôle dans une co-production avec la France mettant en vedette Kirk Douglas.  Bardot ne comprend rien de ses lignes en anglais mais les apprend par coeur et les livre avec conviction. 
Elle fait une pièce de théâtre aux critiques favorables, tourne avec Sacha Guitry, avant de partir pour Rome afin d'y trouver du travail. En Italie elle se lie d'amitié avec Ursula Andress et décroche un rôle dans un film étatsunien
De retour en France, elle tourne pour René Clair, se reprend avec Allégret, puis un autre film en Italie où elle apprend à devenir de plus en plus capricieuse. Elle exige entre autre, pour une scène de bain, qu'une solution d'amidon soit remplacée par du lait, bientôt transformé en yogourt par la chaleur des projecteurs sur le plateau. 

En 1955, Roger Vadim et Raoul Lévy bidouillait sur un scénario écrit pour Brigitte mais peu de gens veulent le financer. Après un passage remarqué de Bardot au Festival de Cannes et l'appui du comédien Curd Jürgens, le film qui rendra Bardot giga-populaire, mais surtout désirée par les hommes de toute la terre, est lancé en 1956. Sur le tournage, Bardot et Jean-Louis Trintignant cocufient Vadim sous ses yeux. 
Le film est tout d'abord méprisé en France pour le portrait boniche de la femme française que Vadim dépeint. De plus, Bardot prononce mal et parle d'un ton traînant et immature. Pour exorciser l'échec, Vadim et Lévy exportent le film aux États-Unis et le succès est instantané. Et titanesque. La rumeur voudra que le nom de Bardot rapporte plus à l'étranger que le chiffre d'affaires du manufacturier Renault ne le fait déjà.  Le film est alors remis en salle en France et devient aussi un immense succès populaire.

Une enfant croisée de Marlène Dietrich, Ava Gardner, Suzy Delair, Jane Russell et Marylin Monroe est née et la planète entière se passionne pour elle. Bardot est forcée de se prendre un secrétaire afin de gérer son succès. Une décision qui lui coûtera cher.

Elle tourne sous la direction de Claude Autant-Lara, Vadim, Michel Boisrond et Julien Duvivier. John Wayne dit en 1960 "Je suis prêt à laisser tomber mon chapeau de cow-boy pour tourner avec elle" (Ce qui ne se fera jamais). Vadim et Bardot se séparent. Elle tourne pour Christian-Jacque en 1959. Sur le tournage de ce film elle a une liaison avec le comédien Jacques Cherrier et tombe enceinte de lui. Ils se marient en juin. Brigitte accouche d'un garçon en janvier 1960, une expérience abominable dira-t-elle, allant même jusqu'à souhaiter avoir préféré avoir accouché d'un chien.

Henri-George Clouzot est extrêmement dur avec elle sur le tournage de son film suivant mais en fait une véritable actrice. Bien que torturée par le réalisateur français, elle en garde son plus beau souvenir de cinéma. C'est pourtant une période très intense dans sa vie. Son secrétaire vient de vendre "les secrets du style de vie de la star" aux magazines pour 50 millions de francs et Bardot est forcée de conclure une coûteuse entente avec les magazines afin d'en expurger les sections qui ne lui plaisent pas. Elle a de plus une toute nouvelle maison à St-Tropez, trouvée par sa mère, dans lequel elle vient d'emménager, son mari est malade, elle tourne avec un Clouzot tyrannique et elle a un bébé mal-aimé dans les bras. Dans ce tournis, elle a une liaison amoureuse avec l'acteur Sami Frey.  

Elle s'ouvre les veines d'ailleurs en septembre 1960 et se laisse mourir avant qu'on ne la sauve, allongée dans les herbes de campagne.

La nomination du film de Clouzot pour l'oscar du meilleur film étranger aux États-Unis vient mettre un baume sur tout ça. Si bien des gens l'aiment, l'adorent et l'adulent, une frange de la société française en a aussi honte. Ils la considère vulgaire, voire pornographique. Ils lui reprocheront d'avoir survécu à son suicide. Elle est détestée avec la même violence qu'elle est admirée. Elle tourne avec Louis Malle en Suisse où l'hostilité est encore palpable. On la traite de putain et on souhaite qu'elle quitte le pays lors du tournage de certaines scènes extérieures. Elle est de plus pourchassée par des activistes de l'Algérie Française qui lui font des menaces d'extortion qu'elle brave avec courage sans se gêner. 
Elle tourne encore pour Vadim. Et a ses premiers contacts avec les mauvais traitements de certains animaux contre lesquels elle s'élève aussitôt. 
Elle tourne pour Godard en Italie (un chef d'oeuvre selon moi), fait la connaissance de Gainsbourg, a une idylle avec un brésilien, joue de son image sous la direction d'Edouard Molinaro,  joue son propre rôle dans un film d'Henry Koster des États-Unis, et se montre très généreuse en envoyant un substantiel chèque à Joséphine Baker dans le besoin.

Puis c'est le tournage au Mexique de Viva Maria! sous la direction de Louis Malle et en compagnie de Jeanne Moreau. Le film sera un immense succès, critique et populaire. L'année suivante, elle rencontre le milliardaire allemand Gunter Sachs et l’épouse. Celui-ci, pour lui déclarer son amour, lui envoie une pluie de pétales de roses sur sa maison de St-Tropez près de la mer, depuis son hélicoptère.

En 1967, Malle la fait à nouveau jouer dans sa contribution dans un film à sketch. Elle tourne aux États-Unis mais refuse de faire la Bond girl comme son amie Andress l'avait fait en 62. Diana Rigg prendra le rôle. Elle refuse aussi un film avec Steve McQueen, ce qui fera l'affaire de Faye Duwaway.  

Elle se lasse non seulement de son milliardaire (qui n'avait besoin que d'un trophée, pas d'une femme) mais aussi du cinéma et se tourne davantage vers la chanson avec son ami, partenaire, amant, Serge Gainsbourg.

Elle tourne sans passion sous la direction de Jean Aurel, Michel Deville. Après avoir pensé que Truffaut voulait d'elle pour son prochain film, elle est "tassée" au profit de Catherine Deneuve. Elle en restera amère et se réjouira secrètement de l'échec du film.   

Le cinéma n'est plus que désenchantement pour Brigitte Bardot. Elle vit une très belle expérience de tournage avec une bonne amie, Claudia Cardinale.  Cette dernière, une autre femme fantastiquement jolie, exige que Bardot soit sa partenaire pour ce film. Elle tourne un autre essai (raté) de Vadim qui tente de refaire le coup d'Et Dieu Créa La Femme puis tourne un dernier film avant de se retirer en 1973.

Par la suite, elle se consacre exclusivement à la cause des animaux et de leur bien-être, choisit de vivre en reclus à St-Tropez, minimisant ses contacts en société, ce qui l'isole physiquement et mentalement.

Elle dérape régulièrement dans des interventions publiques excessives et quelques fois racistes qui lui vaudront des amendes en 1996, 1997, 2000, 2004 et 2008.

Elle refuse les millions que Madonna lui propose pour acheter les droits de son autobiographie, Initials B.B.. Cette autobiographie lui vaut deux condamnations, de son ex-mari et de son fils. Elle sera trouvée coupable de violation de la vie privée à l'égard de son ex-mari et d'atteinte à l'intimité intra-utérine pour ses propos haineux sur son enfant à naitre en 1960.

Toutes les causes qu'elle épouse on comme fond de base l'assurance du bon traitement des animaux. Inutile de préciser qu'elle est végétarienne.

Elle-même victime d'une coquetterie dans l'oeil (elle est quasi aveugle de l'oeil gauche), elle aura su capter l'attention des regards du monde entier des années 50 à 73.

Elle a fini par appartenir à tout le monde sauf à elle. Voilà pourquoi elle avait besoin d'oxygène dans son cloître de St-Tropez.

Marie-Dominique Lelièvre vient de publier Plein la Vue qui détaille la vie de la star internationale. Le livre est disponible aux éditions Flammarion et est présentement en rayon chez votre libraire.

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