jeudi 2 décembre 2021

Marie-Claire Blais (1939-2021)


Elle était si jeune*, si en avance sur son temps, si prompte à exposer les abus, si apte à lire notre société, elle parlait pour les opprimés, les victimes, les gens différents, elle avait de la plume, du tempérament dans la plume, fallait attaquer ses oeuvre de front, pleine de panache, à bras-le-corps, ce sont toutes des choses que l'on peut toujours faire quand on sait bien exploiter sa bibliothèque locale, car une une bibliothèque, peu le savent ou ne veulent le savoir, c'est de l'or, c'est les plus beau secret qui soit, Marie-Claire Blais était aussi un secret pour nous, vivant en Floride depuis si longtemps, comme trop présentement, y trouvent la mort, elle a suivi dans le mouvement, chose qu'elle n'a pas fait souvent, unique en son genre, à 82 ans, elle est partie danser du côté de Claire et Réjean, elle était une grande écrivaine qui en valait la peine, comme Michel Tremblay, qui, ce dernier, avait,  largement été influencé des ses conseils à elle pour se choisir un oasis dans cette même tragique Floride, Key West plus exactement, c'est loin de l'Université Laval Key West, L'Université Laval, c'est l'alma mater de Marie-Claire qui y fait la rencontre de Jeanne Lapointe, première Femme à enseigner la littérature au sein du département, elle est jeune elle est belle, elle est brillante, elle est moderne, Marie-Claire embrasse tout ça, c'est elle qui, séduite par les écrits de la jeune Marie-Claire, lui fait rencontrer le père Georges-Henri Lévesque de l'école des science sociales de cette même Université Laval, Lévesque et Lapointe l'encouragent à rester stimulée du crayon, des méninges, du coeur, et à non seulement écrire, mais aussi publier, La Belle Bête sera sa première offrande lyrique, à seulement 20 ans, la critique lui est bonne, elle traite de famille, de jalousie, d'intensité;  pas une, mais deux bourses Guggenheim viennent la soutenir pour qu'elle s'installe aux États-Unis, d'abord à Cambridge, au Massachussetts, puis à Cape Cod, en Floride, dès 1963, c'est là qu'elle tricote un livre marquant, vivant avec la féministe Barbara Demming et l'artiste peintre sculptrice Mary Meigs, Une Saison Dans La Vie d'Emmanuel, bientôt l'aube éveillerait toute la pourpre du monde, mêlerait la blancheur  aux ombres, le roman n'est pas un film érotique, mais traite de sexualité et attaque le clergé, fait face à la mort et déconstruit plusieurs tabous de l'époque, ce sera une oeuvre canon pour la jeune soldate Blais dont le point se faire rare dans le style, le paragraphe davantage; elle refuse tout sparages, elle rafle le précieux prix Médicis, elle a 27 ans, Rejean Ducharme, qui lui aussi se fait découvrir par la France au même moment (on en a pas complètement le flair encore, ici), se lie vite d'amitié avec elle, entre discrets sociaux, on se comprend, entre génies, Ducharme sera l'un de ses plus grands fans, et probable vice-versa, de Ducharme, quand on écrit, qui ne l'est pas, fan? MCB passe deux ans en Bretagne et revient vivre au Québec en 1975, mais c'est Key West qui sera son confort naturel, son atelier d'aquarelles, son lieu de création, son antre de toutes les inspirations, son bassin d'amour; c'est là qu'elle nourrit ses Soifs en 10 volumes, entre 1995 et 2021,  fresque baroque racontant son Amérique à elle, elle avait auparavant publié Tête Blanche, qui raconte la douleur des Femmes du Québec avec intelligence en présentant habilement l'enfant meurtrier et l'enfant abandonnée,  Le Jour Est Noir où le cauchemar est anxiogène, L'insoumise fragmenté à la Godard, David Sterne de seulement 127 pages explore fantaisie et réalité, crime et moralité, paix et bouleversements, Les Trois Manusctits de Pauline Archange, Vivre Vivre! et Les Apparences, trilogie racontant l'enfance et l'adolescence d'un jeune fille incomprise dans les années 40, issue d'une famille ouvrière, un peu son histoire à elle, Le Loup, l'année de mon arrivée sur terre, une exploration de la sexualité mâle, Un Joualonais Sa Joualonie, parti pris pour un joual littéraire, Une Liaison Parisienne, ce qu'elle a personnellement connu, Les Nuits de l'Underground, plongée saphiste et mystique, probablement aussi inspirée de ce qu'elle vit alors, nocturne, Le Sourd Dans La Ville, où Mike Entend mal, mais voit tout, demi-fou de la famille, Visions d'Anna, où Anna fugue et vagabonde, thèmes récurrents chez MCB, Pierre-La Guerre du Printemps 81, qui reprend légèrement les thèmes de Visions d'Anna, mais au masculin, chez un adolescent Étatsunien,  L'ange de la Solitude, investissement sur plusieurs solitudes de Femmeset Un Jardin Dans La Tempête, sevrage de drogue à Key West, entre 1960 et 1990, avant d'entamer son décalogue, dont le premier livre lui vaudra le Prix du gouverneur
Général, Petites Cendres ou La Capture, qu'on lit comme du slam ou de la poésie en 2020 et Un Coeur Habité de Mille Voix, qui fait revivre des personnages de Les Nuits de l'Underground et L'Ange de la Solitude; elle est auteure de 5 pièces de théâtre entre 1967 et 2007, d'une pièce de théâtre pour la télévision, en 1976,  de 10 pièces pour la radio, entre 1971 et 2005, d'un oeuvre poétique étendue entre 1957 et 1996, réunie dans un seul livre, en 1997, de deux essais sur les États-Unis, elle était, de l'intérieur, grande observatrice sociale de son oeil oblique, elle scénarisé le troublant documentaire d'Anne-Claire Poirier Tu As Crié Let Me Go! et adapté pour Karim Hussain son premier roman, La Belle Bête, au cinéma, art qui lui a aussi fait des clins d'oeils deux autres fois, sous la direction de Claude Weisz pour Une Saison Dans La Vie D'Emmanuel, en 1973, pour Mireille Dansereau pour Le Sourd Dans La Ville, en 1987; ce sont pas moins de 37 distinctions nationales et internationales qu'elle se se mérite entre 1961 et 2019, Prix de la langue-française de l'Académie Française, France-Québec, Compagnon de l'ordre du Canada, Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres, et j'en passe, elle est traduite dans des dizaines de langues dans le monde, elle est probablement la Québécoise, la plus traduite dans le monde;  c'est une géante qui s'éteint dans le mois des morts, à sa toute fin, c'est une grande dame de la plume de chez nous, c'est une solitaire capable de fulgurante violence mais aussi de grande sensibilité, et d'étranges douceurs. Son indépendance, son envie de liberté était un élixir d'éternelle jeunesse.

Marie-Claire Blais tu étais d'une singulière singularité. Tu étais immense et pourtant, on ne t'as pas toujours vue. Mais heureusement, on aura à jamais la chance de te lire.

Le Québec perd un fleuron.  

*Vers 5:19 elle est formidable de retenue alors qu'on l'entend penser, "Oui  j'ai pensé `à l'amour mais pas comme tu le penses" ce qui est confirmé dès la question suivante. (MCB loge ailleurs, pourrait-on dire)

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