mardi 7 décembre 2021

CINEMA PARADISO**************Ridicule de Patrice Leconte


Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parle de l'une des mes trois immenses passions: le cinéma. 

Je l'ai consommé, largement, étudié, studieusement, j'y ai travaillé, laborieusement, ai été primé, uniquement, m'en suit retiré pour me choisir une différente famille. Mais le cinéma ne s'est jamais retiré de moi. Et je le consomme toujours, encore, largement. 


Je vous parle d'un film qui m'a séduit par son sujet, sa narration ses interprètes, ses thèmes, sa réalisation, son audace, sa musique, son traitement, souvent, tout ça en même temps. Bref, je vous parle d'un film dont je salue passablement tous les choix.

RIDICULE de PATRICE LECONTE

Imaginez une époque où tous les compliments ont un double sens, où toutes les vérités ont un indice d'ironie, et où l'humour passe par l'insulte. L'humour, on ne le comprend pas encore complètement puisque l'on parle de la particularité des Anglais qui ont quelque chose "qui n'a pas d'équivalent en France" et qui s'appellerait "humor". Nous avons encore beaucoup en commun avec le 18ème siècle comme le confirme des réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook. Ridicule, place son action dans la cour du roi Louis XVI autour de 1783, mais traine davantage autour de la table ronde des Algonquins où la sincérité peut être un complexe embarrassant.


Un baron provincial, ingénieur hydrographe arrive avec un plan précis d'assèchement des eaux du secteur. Les gens de son village meurent de la pollution et des moustiques issus de ces eaux et ont doit y remédier. Il a besoin de l'aide du roi et séjourne dans la cour de Versailles afin d'y faire son lobbying. Mais le roi valorise d'abord et avant tout, le mot d'esprit. Il tient à être amusé. En tout temps. Si le baron n'arrive pas à amuser, il ne sera jamais considéré. 


Le baron est témoin d'humiliation publiques, qui sont courantes dans les joutes verbales quotidiennes. la baron ne semble avoir aucune chance. D'autant plus que le médecin qui le prend sous son aile, formidable Jean Rochefort, est celui dont le bon mot arrive trop tard, deux heures après le moment qui aurait fait mouche. Ce médecin, un marquis, lui apprend à ne pas rire "pleines dents", ni à rire de ses propres blagues. Le baron réussit tout de même à frayer son chemin. Habilement. Et parfois, sans le vouloir. 


Le baron est torturé de toutes sortes de manières. Il est considéré, provincial. Mais il est aussi auteur de son propre malheur, séduit par la fille du médecin/marquis mais couchant avec l'influente Madame de Blayac (parfaite Fanny Ardant), qui elle est aussi souvent animée de la manipulation malsaine. C'est Archie, Veronica et Betty, version 18ème siècle. La fille du marquis a la même passion et le talent pour aider le baron dans ses projets. Mais elle est promise à un vieux riche à la peau de sanglier. Jusqu'à ce qu'elle annonce qu'elle rompt les fiançailles. L'amoureux officiel de Madame de Blayac est techniquement le comte de Vilecourt, extraordinaire Bernard Giraudeau. Ce dernier fera un faux pas phénoménal face au roi, une scène qui reste en tête de par son intelligent traitement, jeu, texte. Qui bouleverse par son bouleversement.

Cette scène est l'une des plus mémorables pour moi, tout film confondu. Un moment, comme on dit.


On entre tout de suite dans l'action scène très forte qui nous promet que la salade servie sera très vinaigrée. À 1h38, rien n'est de trop, surtout pas les mots, et les personnages secondaires sont remarquablement bien joués. On finira avec le même personnage, et toujours dans l'amertume. Leconte film de très près, ce qui nous force à nous sentir impliqués, là o;u ça se passe. Dans la scène nous-même. 


Pas de voitures, des chevaux, des carrioles, une planète plus propre, on sent même le vent s'inviter comme personnage. L'agilité de conversation est ce qui assure l'existence et le respect à la cour de Louis XVI. La droiture et le bel esprit sont trop souvent peu réunis. Ce film le confirme aussi.

Le mot d'esprit du moment n'est pas toujours ponctuel. Jean Rochefort qui se morfond de ne pas avoir eu le mot d'esprit juste, ou de l'avoir eu 2 heures trop tard. 


Qui n'a pas déjà vécu ce moment où on se dit "Voilà ce qu'il aurait fallu que je répondes!" ?

Ce film du 18ème siècle ne donne jamais l'impression d'un cour d'histoire. Il est très 2021. Il est grandiose. Et propose le ridicule, là où vous avez envie de le lire. C'est un film rare que je veux acheter depuis longtemps, mais les films de Leconte sont très mal distribués ici.

Dommage, ce film est non seulement d'une grande intelligence, mais il en use au coeur de son narratif en même temps. Jouissif. 

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