jeudi 25 janvier 2018

Météos Intérieures

Ce serait un ulcère dans le système digestif qui se serait développé en hémorragie interne que des excès de bière, croisés avec un traitement aux advil pour neutraliser le mal, ce serait tout ça qui aurait mené au décès de mon cousin de 43 ans, jeudi dernier, technicien informatique de première ligne pour une grande banque.

Le rapport du coroner ne sortira que dans 6 mois, mais c'est ce qui filtre entretemps.

Lundi dernier, c'était la triste identification du corps pour les parents et la soeur du défunt. Mon oncle, ma tante, ma cousine. Ma mère y était présente. Avec son plus jeune frère et sa conjointe. C'était d'une tristesse absolue. Ils l'ont plus ou moins reconstruit à partir de photos car il était maintenant mort depuis au moins une semaine. Tout le monde l'a reconnu. Ces gens font du bon travail. Drôle de métier, mais ils font un sacré travail (un travail sacré?). Comme il allait être incinéré, on l'a tout simplement laissé sur une table, dans un gilet des Maple Leafs de Toronto, son club préféré.

Celui qu'on croyait si seul, a eu la visite de quelques 50 de ses collègues de travail, attristés, et 13 membres de sa famille maternelle. Les gens du salon ont dû avoir recours à un plan B et le placer finalement dans une tombe temporaire convenable. Ma mère m'a conté tout ça. J'étais content qu'il ne soit pas si seul au bout du compte.

Ma mère et ses deux frères ont passé quelques 4 jours ensemble entre jeudi dernier et lundi. Ils ont beaucoup pleuré ensemble. Rien dans la vie ne les avait préparés pour ça. Un enfant ne devrait jamais partir comme ça. Pas avant ses parents. Je l'ai interdit formellement à mes enfants. Mais bon. Qui a le dernier mot quand l'incompréhension va toujours plus loin que le savoir?

On l'a retrouvé mort. Pour retrouver, il faut avoir perdu. Mon cousin Gregory s'est perdu dans l'alcool on ne sait trop quand. Ce sont des choses qui se glissent en l'Homme sournoisement. Comme la folie.

La folie de l'auto destruction.

Gregory picolait beaucoup. Ça l'a tué. À 43 ans. Calisse que c'est con. Il s'était perdu.

Ma mère et ses deux frères, les deux belles-soeurs, ma cousine, ont beaucoup pleuré ensemble. Ils ont ri aussi. Ils ont fait tous les temps. Parce que des situations du genre vous font vivre toute les météos intérieures. Personne ne peut se préparer à perdre un enfant, un frère, un neveu pour rien. Mon oncle, Fox, le jeune frère de ma mère, était le parrain de Gregory. Fox et sa conjointe n'ont jamais eu d'enfants. Gregory était le plus près de ce qu'ils auraient jamais comme fils. Les derniers jours ont été tout ce qu'il y a de plus déchirant pour les coeurs de ma famille.

Ils n'ont pas laissé le silence les alourdir. Ils se sont beaucoup parlé. Comme si le grand frère de ma mère, ma mère et son petit frère étaient encore en 1965. Ils se sont même raconté des anecdotes datant des années 50. C'est là qu'ils ont beaucoup ri. Quand Fox s'est rappelé une anecdote, où il y défendait subtilement ma mère avec vengeance, une anecdote dont elle ne se rappelait de rien, ça a amusé tout le monde.

Je n'y étais pas quand il a raconté son anecdote. Mais je l'ai trouvé habile. Dans un moment dramatique et intense du genre, il lui a été tout naturel de raconter une histoire où un frère se braquait pour protéger sa soeur. Qu'elle soit vraie ou non, son anecdote reflétait la situation qu'ils vivaient en ce moment. Frères, soeurs et belles soeurs unis afin de ne pas se noyer dans le chagrin et nager en eaux saines. Je l'ai toujours trouvé plus brillant que les autres cet oncle. Des deux familles confondus.

Étrangement, 5 jours après avoir appris sa mort, moi qui avait très peu pensé à Gregory dans ma vie, y ait pensé toute la journée. Je l'ai senti très près de moi. Mais ça, c'est toujours le piège du "maintenant qu'il est trop tard, qu'aurais-je du/pu vraiment faire?".

Toujours prisonnier obligé de travailler en entrepôt en raison de ma cheville endolorie et de la CSST, qui ne veut pas me laisser travailler ailleurs qu'ici, j'ai trop de temps pour réfléchir.

Je pense à mon oncle, à ma tante, ma cousine.
Ma mère. Son plus jeune frère, sa compagne de vie.

Le silence ne doit plus être lourd.

Le soleil doit maintenant avoir un visage.

Il avait encore beaucoup de temps prévu devant lui.
Il le passera maintenant à veiller sur nous.

Toujours en première ligne.

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