samedi 6 mai 2017

13 Films d'Orson Welles

Il y a des gens dans la vie que je trouve siamois. Pas juste physiquement, mais dans leur personnalité, dans ce qu'ils dégagent, dans l'impact qu'ils ont eu sur notre planète.

Mick Jagger & Mark Messier; Mêmes yeux presque bridés, même leadership.
Zooey Deschanel & Kathy Perry: Même milieu, même charme.
Orson Welles et Ernest Hemingway: Même vie folle, même révolution dans leur art.
Pierre Foglia, Richard Desjardins...je vous en ai déjà parlé un peu.

Orson Welles aura été tour à tour acteur, metteur en scène, animateur radio, scénariste, réalisateur, producteur, dessinateur, écrivain et prestidigitateur. Il aura été énorme au sens propre comme au sens figuré.

Vous écrire sa vie me prendrait du temps, je remet donc ce projet à plus tard. Je suis fort occupé à faire mes propres essais nucléaires dans le but d'attaquer les États-Unis. Je vais donc me contenter, pour aujourd'hui, de vous parler des 13 longs métrages achevés qu'il a tourné.

Parce qu'il faut aussi savoir que des projets avortés, il en a aussi eu énormément. Assez pour remplir une autre chronique.

Commençons à ses 26 ans. Avec son oeuvre la plus majeure.

1941: Citizen Kane.
Orson est d'abord et avant tout un amoureux fou du théâtre. Il aime absolument tout de la chose. Comme il a eu un gros succès à la radio, Hollywood le courtise depuis un an. Welles finit par plier, mais seulement pour renflouer les coffres de ses deux dernières pièces qui ont été largement déficitaires. Il accepte de tourner deux films en août 1939. Il a étonnamment réussi à non seulement obtenir le contrôle artistique complet mais aussi 20% des recettes. Le contrat est très mal vu dans l'industrie et on se moque un peu de la compagnie RKO qui lui a offert la totale liberté. Welles veut adapter Heart of Darkness de Joseph Conrad (C'est Copolla qui le fera 35 ans plus tard) avec une caméra tenue à la main (une chose inconnue à l'époque) dans la jungle et du point de vue du Capitaine Willard. Welles jouerait aussi le sombre Colonel Kurtz. Mais le projet défoncerait le budget.
Welles se tourne donc vers son ami Herman J.Mankiewicz un ancien proche du magnat de la presse William Randolph Hearst, qui l'a écarté de son cercle d'amis, ce que Mankiewicz maintenant, méprise. Welles remodèle le script,  John Houseman surpervise le tout. L'histoire de Charles Foster Kane est maintenant à tourner, avec ses amis du Mercury Theater.
Le film sera extraordinaire, révolutionnant l'image, le son et le jeu, le montage, la mise-en-scène, plan après plan. Le mot rosebud est venu à Mankiewicz du nom d'un cheval qui lui avait fait gagner beaucoup d'argent en 1914. La blessure d'enfance était la sienne, il s'agissait d'un vélo et non d'une traîne de neige. Il se l'était fait voler, enfant et la blessure est restée vive toute sa vie. le coupant de sa famille qui l'avait punie pour avoir été "négligent".  Welles révolutionne le cinéma par ce seul film à tous les niveaux. Il fait pratiquer les acteurs avant les prises, Du jamais vu. Son film, même au niveau du maquillage, des décors, de l'approche narrative, de la cinématographie, ré-vo-lu-tion-ne! W.R. Hearst prend tout ça personnel et s'assure que le film ne gagnera rien aux Oscars. Il gagnera quand même l'Oscar du meilleur scénario. Parce qu'on ne peut pas mentir sur un tel talent.

1942: The Magnificent Ambersons.
Welles avait d'abord adapté le livre de Booth Tarkington, prix Pulitzer de 1918 pour la radio en 1939. L'histoire des fortunes et infortunes d'une famille du midwest, à l'ère de la révolution automobile sera tournée entre octobre 1941 et janvier 1942. Welles défonce son budget et atteint le million. Son film fait 135 minutes et deux montages ne plaisent pas en pré-visionnement. Nelson Rockefeller lui a personnellement demandé de tourner un documentaire au Brésil. Welles est alors ailleurs quand les producteurs coupent 40 autres minutes et demandent à trois assistants de retourner une autre fin. Welles sera en furie. Son film ne fera plus de sens à ses yeux. Le film reste un chef d'oeuvre. Très difficile à trouver. Ce que je ne réalisai jamais quand j'ai eu la chance de le voir à l'Université Concordia.

1943: Journey Into Fear.
Officiellement, il s'agit d'un film tourné par Norman Foster, mais Welles y a la patte très lourde. Le film est une adaptation du livre d'espionnage d'Eric Ambler du même nom. Les acteurs sont tous issus du Mercury Theater et Welles y joue aussi (ce qu'il ne faisait pas dans The Magnificent Ambersons, bien qu'on y entendisse sa voix de narrateur, il y lisait aussi le générique) C'est le travail sur The Magnificent Ambersons qui fait en sorte que Welles offre la fin de la réalisation à Foster. Welles dérange trop la conservatrice industrie, RKO le limoge en fin de contrat. Le film ne sera pas un succès essuyant des pertes de près de 200 000$.

1946: The Stranger.
Orson joue, réalise et scénarise. Le film raconte un inspecteur de guerre traquant un ex-nazi dans la vieille Angleterre. Le film devient le tout premier à diffuser de réelles images de l'Holocauste. Edward G. Robinson incarne l'inspecteur, Welles le criminel de guerre, Loretta Young, celle qu'il s'apprête à épouser. Ce film confirme aux jaloux qui disaient de lui qu'il ne pouvait pas tourner un film noir qu'il le peut. Et très bien. En revanche, comme Shadow of a Doubt d'Alfred Hitchcock sort au même moment, reprend non seulement la même thématique,  mais aussi un acteur du Mercury Theater (Joseph Cotten) on préférera le film d'Hitchcock en général, le comparant injustement au film de Welles. Les droits du film sont aujourd'hui du domaine public, donc faciles à trouver.

1947: The Lady From Shangaï.
Adapté du roman If I Die Before I Wake de Sherwood King, Welles choisit de tourner avec son épouse du moment, Rita Hayworth, fameuse rousse qu'il blondit volontairement et lui fait couper les cheveux plus courts afin de déjouer tout le monde. Il filme presque tout en scènes extérieures à Acapulco, Pie de la Cuesta au Mexique, Sausalito en Californie et à San Francisco. Le film est à l'origine mal reçu, pour son équilibre douteux entre la farce, la comédie noire, l'approche Brechtienne, l'utilisation de trop d'ironie, particulièrement dans les scènes en cour, souhaitées plus sérieuses. La scène du miroir en fin de film a été maintes et maintes fois imitée depuis.

1948: Macbeth.
Orson veut amener Shakespeare sur grand écran. Seulement 4 films ont fait le saut du théâtre de Shaekespeare à la découverte des frères Lumières. Welles veut intéresser Alexander Korda à tourner/financer Othello, mais sans succès. Il trouve un producteur voulant se sortir de la production de westerns et tournera Macbeth , qu'il avait déjà monté sur scène en 1936, avec un ensemble d'acteurs noirs et qu'il avait appelé Voodoo Macbeth. Il avait répété sa pièce l'année d'avant et allait prendre des éléments des deux pièces pour les transposer en film. Jeanette Nolan sera Lady Macbeth. Orson engagera sa fille, afin qu'elle y joue le fils de MacDuff. Son seul film à vie. Le film sera doublement mal reçu, d'abord parce que Laurence Olivier lance Hamlet la même année avec beaucoup de succès, mais aussi parce Welles a largement modifié le texte, qu'il fait réciter avec un accent écossais emprunté, Une erreur. Le film reste hantant parce qu'excentrique.

1952: Othello
Ne lâchant pas l'idée de tourner Othello, Orson prend trois ans à le faire au Maroc. Il manque d'argent et pige dans ses poches à maintes reprises. Il accepte de tourner pour Carol Reed pour aider à financer son film. Il se donne le rôle tître et se peint son visage en noir. Il réussit le tour de force de ramener un texte de plus de 3 heures sur 90 minutes. Le film gagne la Palme d'Or à Cannes mais ne réussira jamais à se trouver un distributeur en Amérique. Le génie visuel et créatif de Welles ne cesse pourtant d'épater.

Monsieur Ardakin-Dossier Secret.
1955:
Exilé en Europe, Welles traite dans ce film, qu'il réalise, scénarise et dans lequel il joue le personnage principal, de thèmes qui lui sont chers: le pouvoir, la corruption, le mensonge, la manipulation, la mémoire et le mystère autour de la personnalité. Le film est près du roman noir et construit à coups de retour en arrière, un peu comme dans Citizen Kane,  La mise en scène est audacieusement baroque et la vulnérabilité du héros, Shakespearienne. Mr.Ardakin est amnésique et engage quelqu'un afin de retracer ce qu'il pense être sa vie ancienne. Physiquement, Welles s'inspire de Staline, dont le personnage a beaucoup des caractéristiques de toute manière. Le film est tourné à Madrid, en Espagne. à Munich, Paris et Rome. L'histoire est inspirée d''épisodes radio The Lives of Harry Lime, eux-mêmes inspirés à Welles de son personnage dans The Third Man.

1958: Touch Of Evil.
Le seul plan d'ouverture vaut au minimum le visionnement. Le film noir met en vedette, entre autre, Charlton Heston, Janet Leigh et Marlene Dietrich, Welles lui-même aussi, dans un corps devenu obèse morbide. Adapté librement de Badge of Evil de Whit Masterson. La rumeur veut que Welles, pour son retour Hollywoodien, eût demandé le pire des scénarios dans une pile de scripts, afin de prouver qu'il pouvait tirer un excellent film de n'importe quoi. Ce qu'il fît. Le film, racontant la tension (toute 2017!) entre les autorités du Mexique et celles plus brutales des autorités Étatsunienne est majeur. Pas autant dans la narration que dans la manière de faire. Welles est immense. Et dans ce film: inoubliable.

1962: The Trial
L'adaptation de la mise en abîmes dystopienne de Joseph K. de Kafka est une autre perle de Welles. Anthony Perkins est le persécuté. Jeanne Moreau, Romy Schneider, Micheal Lonsdale, Akim Tamiroff, dans un troisième film de suite avec Welles celui-là, et Welles lui-même en avocat sont de la distribution de ce film formidablement noir et dérangeant. La production est franco-italo-allemande. Le film n'a pas pris une ride.

1965: Chimes at Midnight.
Orson renoue avec Shakespeare. Il amalgame des textes de Henry IV Part I & II, Richard II, Henry V ainsi que des dialogues de The Merry Wives of Windsor. Le film est généralement mal reçu dans les grouillantes années 60, mais Welles s'identifie complètement à Falstaff (qu'il incarne à l'image aussi) et considère qu'il vient de livrer son meilleur film. Le temps lui donnera en partie raison. Cannes le récompense deux fois et Welles dans son costume armuré, nettement peu athlétique reste fameux.

The Immortal Story.
1968:
Film réalisé pour la télévision française tirée d'une nouvelle de Karen Blixen. Un riche homme du 19ème siècle (Welles) vers la fin de sa vie, se fait raconter par son teneur de livre polono-juif, l'histoire d'un vieil homme riche offrant  à un marin beaucoup d'argent afin qu'il mette enceinte sa femme. Le vieil homme riche incarné par Welles choisit de refaire cette histoire avec la fille d'un ancien partenaire d'affaires, incarnée par Jeanne Moreau. Court film de 60 minutes.

1973: F For Fake.
Essai cinématographique sur l'escroquerie autour de Elmyr de Hory mélangeant les genres comme le documentaire, la fiction, le commentaire, la fiction et le reportage. Welles s'amuse à brouiller les pistes entre le vrai et le faux. ce qui a mal été compris dans les années disco. Avec le temps, on a porté un regard différent sur l'essai. Welles, manquant toujours d'argent, avait donné son Oscar au monteur Gary Garver pour le payer d'avoir tourné une bande annonce de 9 minutes.

Orson Welles aurait eu 102 ans aujourd'hui.

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