samedi 9 avril 2016

Marcel Dubé (1930-2016)

Enfant de Montréal, Dubé reçoit le second prix d'un concours littéraire avec le recueil de poème Couleurs Des Jours Mêlés à 19 ans.

Deux ans plus tard il est très actif dans la troupe de théâtre La Jeune Scène qui met entre autre en scène les jeunes Monique Miller et Raymond Lévesque. Il écrit une première pièce, Le Bal Triste, qui est, justement, un triste échec. Pourtant le message est noble pour 1951, il vise à accorder un peu plus de respect aux femmes en général en société. Mais l'époque n'est pas prête pour de telles avancées sociologiques.

Il reçoit deux ans plus tard une bourse qui l'envoie en France et lui fait découvrir les coulisses de la création. Quand il revient, il est auteur en résidence à Radio-Canada et écrit des télé-théâtres autant que des radio-théâtres.

Il créé la pièce Zone en 1953, une histoire de contrebandiers de cigarette à la frontière canado-étatsunienne. Tarzan, Passe-Partout, Ti-Noir, Moineau, Ciboulette et Johny entrent dans notre imaginaire collectif, la pièce est un large succès.

Quatre ans plus tard, Un Simple Soldat, chef d'oeuvre existentialiste étendu sur 20 ans traitant de la valeur de l'engagement et du sens de la vie est aussi un énorme succès. Probablement son plus grand.

L'année suivante il présente Le Temps des Lilas où la durée d'un bonheur qui craque de toute part ne serait que le temps d'une saison.

Il innove à nouveau ensuite en ramenant une héroïne indépendante, Florence, plaquant son fiancé pour plonger dans une mise à nu dure et intense.

Il écrit Virginie,  l'histoire d'une vieille fille et de ses amours impossibles. Ce titre sera conflictuel avec la série de Fabienne Larouche des années plus tard. mais une entente à l'amiable sera conclue.

Il écrira quelques 300 pièces de théâtre pour la scène, la télévision ou la radio.

Dans son oeuvre, il y a deux grands élans. Le premier élan créatif s'intéresse à la classe ouvrière, les travailleurs de ville, à l'adolescence (il est lui même alors jeune), du chemin vers la route adulte (qu'il emprunte lui-même), des désirs de liberté, des résistances et des colères rebelles face à une société qui ne semble pas vouloir de sa jeunesse.

À partir des années 60, Dubé dans la trentaine, traite principalement de la bourgeoisie, mais pas pour la glorifier. Pour exposer sa déchéance morale, leur ennui dans l'excès d'accumulation des biens, Dubé est nettement en avance sur son époque. Dans les années 60, il écrit aussi des séries pour la télévision. Il a sa propre émission où il créé directement pour la télé dans Le Monde Marcel Dubé.

Les Beaux Dimanches expose principalement les travers de cette bourgeoisie. Mais la pièce est un tel succès (reprise pour la télé en 1974) que Radio-Canada en emprunte le titre pour une émission de qualité (différente) chaque dimanche soir sur ses ondes télés. C'était un rendez-vous pour toute notre famille.

Avant les années 70. il écrit Au Retour des Oies Blanches où les secrets d'une famille bourgeoise éclaboussent tout le monde.

On lui diagnostique la maladie de crohn qui le ralentira dès les années 70.

Alcoolique et financièrement ruiné, il doit vendre tous ses droits d'auteur afin de survivre.

Il sera le tout premier secrétaire du tout nouveau conseil de la langue française de 1977 à 1979. Contrairement à Michel Tremblay, le joual l'horripile.

Il écrit aussi en anglais, traduit, écrit de la poésie, adapte des oeuvres d'autrui. Il est homme de toute lettres sous toute ses formes.

Dans les années 80, René Lévesque lui demande de former le Secrétatriat Permanent des Peuples Francophones et 15 ans plus tard. Jacques Parizeau le nomme secrétaire adjoint à la francophonie canadienne.

Dans les années 90, on lui trouve maintenant un cancer de la gorge. Il s'en remettra.

Le théâtre de Marcel Dubé est écrit avec une telle justesse qu'il fait tomber les masques. L'alcoolique a un visage, le héros-victime a un visage, le révolté a un visage. le Québécois a un visage. L'humain est en échec très souvent. Aussi romantique que psychologique, il brosse le portrait des baby-boomer avec une grande précision les faisant passer au travers de la révolution tranquille.

Après une grande de la scène de théâtre de chez nous, Rita Lafontaine, voilà une grande plume de cette même scène qui s'éteint jeudi dernier.

Dieu seul a des droits sur la vie et sur la mort.*

Dors...**

Marcel Dubé avait 86 ans.

Ce soir RDI lui rend hommage à 22h30.
Dimanche, la radio de Radio-Canada, qui perd un père, fait de même à 18h00.

*Dans les dernières lignes d'Au Retour des Oies Blanches
**Dernier mot prononcé par Ciboulette avant de se coucher sur un cadavre à la fin de Zone.

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