lundi 30 mai 2022

Jazz '59

 

L'année 1959 en a été une totalement magique dans le monde de la musique jazz. Inégalée. Jamais le jazz n'aura atteint un tel zénith de popularité. Charlie Parker, Duke Ellington, Cab Calloway, Louis Armstrong, Billie Holiday, Dizzy Gillespie et bien d'autres exposent leur talent depuis un certain temps déjà, mais en 1959, tout explose. Si bien que la cérémonie des Grammys remet ses deux premiers prix dans le genre. 

Le 17 juillet de cette année là, une immense dame du genre s'éteint aussi trop vite. Billie Holiday voit son coeur cesser de battre alors qu'elle ne suit pas les conseils du docteur qui lui avait dit qu'elle avait une grave cirrhose du foie. Elle n'a que 44 ans. Mais de janvier à décembre, le monde de la musique est tapissée d'albums qui marqueront l'histoire du genre. Points forts du jazz, il y a plus de 60 ans. 

John Coltrane, Paul Chambers, Don Cherry, Charlie Haden, Blue Mitchell, Lee Morgan, pour n'en nommer que quelques-uns, sont des noms que l'on commence à retenir. Et ce ne sont même pas les leaders des albums sur lesquels ils apparaissent. Le Montréalais Oscar Petersen, à lui seul, apparait au piano sur pas moins de 16 albums. Jouant et enregistrant les catalogue musicaux d'Ellington, Sinatra, Gershwin, Rodgers, Kern, Porter, Warren, Berlin, McHugh, Arlen, Youmans, jouant Porgy & Bess avant de croiser son talent à ceux de Sonny Sitt et Ben Webster, et lançant deux albums de son cru.

Dans les 3 premiers mois de 1959, sont lancés coup sur coup les albums suivants:


Sonny Side Up
 de Sonny Sitt, Sonny Rollins & Dizzy Gillespie.

Dizzie réunit deux "Sonny" saxophonistes afin de les lier aux frères Bryant, Ray au piano et Tommy, à la basse, ainsi qu'à Charlie Peesip à la batterie, et on créé ensemble des feux d'artifices sonores. Gillespie fait exprès pour gonfler les ego de Rollins & Sitt afin de les faire compétitionner entre eux sur les morceaux. La chanson The Eternal Triangle en fait formidablement foi. Les titans du sax tenor s'en donnent à coeur joie et tirent le meilleur d'eux-mêmes. 

Moanin' d'Art Blakey & His Messengers 

Cet album de l'excellent batteur qui se dit meilleur avec des musiciens plus jeunes, est effectivement la meilleure musique qu'il produira de sa carrière. Au moins trois morceaux, dont la pièce titre deviennent des immortelles standards. Bobby Timmons, au piano, est somptueux et Benny Golson, au sax tenor, a de la classe. Blakey est parfois militaire, toujours fameusement rythmique (naturellement), et tout à fait hard bop. Cet album est un incontournable du jazz. Charlie Watts, des Rolling Stones, en était grand fan.

In Chicago du Cannonball Adderley Quintet

Parlant des Rolling Stones, le musicien préféré de Brian Jones, au point qu'il nommera tous ses fils (de plusieurs mariage, Julian, Adderley et son quintet, lancent un album enregistré...à Chicago, oui, comment l'avez vous deviné ? Cette excitante session est particulièrement intérressante quand on réalise qu'il s'agit du Miles Davis Sextet, moins Miles Davis. Ils se connaissent et savent s'écouter, prenant peu de prises à enregistrer leurs morceaux tellement ils savent anticiper où s'en va l'autre. Une édition plus tardive présentera Adderley & Coltrane, quand ce dernier sera plus connu. 


Dans les mois printaniers sont lancés:

Everybody Digs Bill Evans du Bill Evans Trio

L'album du jeune pianiste présente une pochette où sont offerts les bons mots de Cannonball Adderley, Miles Davis, Ahmad Jamal et George Shearing. À peu près au même moment, Evans brille avec Miles, Adderley et Coltrane. Son trio est composé de lui-même au piano, Philly Joe Jones à la batterie et Sam Jones à la basse (aucun lien dans le sang, sinon la rythmique dans le sang). Evans attire définitivement l'attention avec cet effort, un de ses premiers, en tant que leader. 

Jazz in Silhouette de Sun Ra & His Arkestra

Le troisième album du pianiste de Chicago avec son band les établit comme fournisseurs de nouvelles harmonies jazz complexes, alors que jusqu'à maintenant, on jouait principalement des standards. La dextérité, la précision, les tonalités sont recherchées, et le côté avant-garde donne un élément de fraicheur fort appréciable.

Have Trumpet Will Excite de Dizzie Gillespie.

Même avec des efforts comme celui-ci, Gillespie reste parmi les grands du métier. Il fait figure de "vieux renouvelé" avec des effluves de musique latine, aidé du piano agile de Junior Mance. Les solos de trompette sont bien aiguisés et Sam Jones est encore au poste, à la basse. C'est très rythmé, comme le titre promettait de l'excitation, et la flute et la guitare y trouvent aussi leurs places afin de s'esquiver en solo par moments. Pas négligeable du tout dans la carrière de Dizzy. 

L'été 1959 sont lancés: 

5 By 5 de Thelonious Monk 

5 morceaux de Monk, joués en quintet. Ce sera la toute première fois que Monk, pianiste a, dans son band, à la fois trompette (Thad Jones) et sax (tenor-Charlie Rouse). Sam Jones est increvable à la basse et Art Taylor est aux percussions. Rouse ne le quittera presque plus de toues les années 60 qui arrivent. Dès l'ouverture, un duel complexe semble s'établir entre Monk et Rouse. La trompette y est habilement amenée, dans les arrangements, et on y joue des vieux morceaux de Monk, réarrangés et quelques nouveaux, pas piqués des vers. 

Kind of Blue de Miles Davis 

Un album multi millionnaire dans les ventes qui a été enregistré principalement modalement par le sorcier Miles et son équipée. John Coltrane, Bill Evans, (Julian)Cannonball Adderley, Paul Chambers, Jimmy Cobb et Wynton Kelly, difficile de trouver meilleur band dans l'histoire du jazz. Ils avaient tous été avisés des lignes directrice du maitre Davis, mais avaient le mandat d'ensuite improviser au meilleur de leur flair, en studio. Le résultat est extraordinaire.  À la fois ambiant, relax, suave, presque film trame sonore de film noir, l'album est vite devenu un classique et est souvent cité parmi les 3 meilleurs de tous les temps. Dans le monde du jazz.

Blowin' the Blues Away de l'Horace Silver Quintet & Trio

 Construit très serré, contagieusement joyeux et hard bop, cet album marque le sommet de la collaboration entre le pianiste Silver et son trompettiste Blue Mitchell, son sax Junior Cook, son bassiste Gene Taylor et son batteur Louis Hayes. C'est aussi un des meilleurs rassemblements de morceaux originaux sur une même galette. Parfois ballades, parfois gospels, parfois très rythmées, les compositions sont riches et variées. Exotique, presque funky par moments, incontournable d'Horace et ses amis. 

Et à l'automne:

Mingus Ah Hum de Charlie Mingus

 Pour savoir si on aime le talent de cet immense contrebassiste, cet album est un excellent point de départ. Il est accessible, brillamment sculpté, extrêmement focus et discipliné, on y fait un hommage à Lester Young, décédé peu de temps avant la fin de la session enregistrée avec John Handy, Booker Ervin et Shafi Hadi au sax, Jimmy Keeper et Willie Dennis aux trompettes, Horace Parlan au piano et Dannie Richmond à la batterie. Trois morceaux deviennent d'instantanés classiques. On y fait des clins d'oeil au Duke et à Jerry Roll Morton. Des paroles de clown de vaudeville, qui étaient surtout des onomatopées, ont été censurées par les producteurs de l'époque mais ont pu être récupéré dans les versions subséquentes.  

The Shape of Jazz To Come d'Ornette Coleman 

Time Out de Dave Brubeck 

Autre chef d'oeuvre et parfait croisé entre musique classique et Jazz, cet album est encore de nos jours l'un des plus vendus du monde du jazz. Avec des valses composées en 4/4 et en 3/4, c'était si risqué que la compagnie de disque hésitait beaucoup à lancer l'album comme tel. Mais le défi en valait la peine. Riche mélodiquement, exotique avec des influences turques et polyrythmiques. Comme on disait de Shaekespeare, c'est vraiment bon, malgré tous ces gens qui aiment ça. Ça parait sophistiqué et ce l'est. Cet album est si naturellement acheté les yeux fermés et les oreilles bien ouvertes, qu'il se retrouve dans presque toutes les collections d'amateurs de musique, de jazz, ou non. 

Count Basie, qui apparait sur 8 albums en 1959, rafle le Grammy de la meilleure performance jazz.

Ella Fitzgerald, qui apparait apparait sur 4 albums, en 1959, gagne le Grammy de l'interprête jazz de l'année.

Ce week-end, avec le beau-père dans les pattes qui m'obligeaient à de mortellement ennuyeuses taches de bricolages sur le terrain et à la maison. m'a vu libéré de cette prison, quand il est parti, dimanche, et j'ai eu le réflexe de me faire trois listes de lecture de musique jazz sur mon téléphone. 

Fallait que le week-end me ressemble un peu avant aujourd'hui. 

Après avoir fait des listes, sur les trois dernières années de Frank Sinatra, Miles Davis, John Coltrane, Charlie Mingus, Sonny Rollins, Billie Holiday, Thelonious Monk, Nina Simone, et bâti, ici et là une liste simplement "jazz" de morceaux glanés un peu partout (au Condotel, souvent), je me suis fait un trio de listes de lecture de jazz (de caucasiens, sans le réfléchir) de Dave Brubeck (59 minutes), Stan Getz (2h26) et Bill Evans Trio (1h32).   

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