samedi 6 juin 2015

Filiation Visuelle

Je venais de rêver que Stephen Harper faisait une fellation huileuse au Premier Ministre israélien pendant qu'au même moment, des juifs entraient, en poussant avec un balai, de l'argent plein l'anus du gros Harper.

Je me sentais si vulgaire et sale en me levant que j'ai sauté dans la douche presqu'avec mes boxers.

Juin s'annonce tellement intense.

-Je dois changer mon emploi de nuit ne serais-ce que pour valider tous les congés en juillet que j'ai à demander.
-C'est l'anniversaire des femmes chez nous, c'est tout une job de plaire aux reines.
-Je dois réparer le moustiquaire que les ratons ont sauvagement arraché.
-Je dois trouver un endroit sans frais et sans pollution pour me débarrasser de vieux pneus de voiture que je ne conduis même plus.
-Je dois déraciner un arbuste, déraciner les mauvaises herbes, placer de la bonne terre puis tourber le côté de la maison.
-Je dois tailler ma haie.
-La piscine...bah! la piscine c'est la piscine.

J'étais en congé, j'y suis donc allé avec priorité.

J'ai écouté un film.

J.C. Chandor est d'abord un scénariste. Et c'est merveilleux. Car le souci du détail, la finesse du dialogue, l'acuité visuelle dans la nuance sont tout à fait présente dans A Most Violent Year, son troisième film dans les souliers du réalisateur.

L'action se déroule à New York en 1981, au sein d'une entreprise privée se spécialisant dans l'huile qui doit faire face à la menace des compétiteurs lors des mois les plus violents, historiquement, de l'histoire de la ville.

La violence est sourde dans ce film. La tension, permanente. Ceux qui s'attendent à voir la violence plutôt qu'à la sentir seront déçus. Et la plupart l'ont été, criant à la fausse publicité du titre. Ce livre a la finesse d'un roman, ce n'est pas une BD. On ne tue pas autant qu'on blesse. Elle se trouve là la finesse du scénariste.
La reconstitution d'époque est parfaite. Les divans en cuire orange sur des murs bruns qui faisaient chic au début des années 80, un brun qui fait aujourd'hui chic comme plancher dans les maisons des années 2010, sont des détails qui donnent beaucoup de crédibilité à l'ensemble.
"It's not like when we was drivin'" dit l'un des personnages. L'accord fautif du verbe être est un souci qui en dit des kilomètres sur un personnage qui n'aura que trois scènes. La musique, composée originalement pour le film est un choix judicieux, brillant, et très à point. C'est un subtil film, adorable qui traite de saletés.

Le monde des affaires est un monde animal, sale, et la justesse des dialogues y rend justice. Oscar Issac et Jessica Chastain (comme toujours) sont parfaits dans leurs rôles. Chastain joue superbement la femme exigeant de l'humanité chez son mari dans un monde animal avant de se réveler l'animal elle-même.
Je suis un fan absolu d'Oscar Issac.

Et j'ai compris ce jour-là pourquoi.
Parce qu'au fond, je n'ai vu Isaac qu'une seule fois ailleurs (3 fois, bientôt 4) dans un seul autre film que j'ai aussi adoré.
Et
J'ai
Compris
Pourquoi.

Parce qu'il a les yeux de mon défunt père. Il a des traits de Jones. Je reconnais un parent. Je vois mon père. Je vois ces yeux, je vois les miens.
Ça m'a frappé dans ce film alors qu'il montre à ses vendeurs comment faire un "sales pitch". Les mêmes yeux que Dad. Puis plus loin, une autre scène où ce regard, je l'ai senti des centaines de fois sur ma personne, enfant, ado, adulte.

Mon père était un sosie presque parfait de Phil Esposito, mais il avait aussi beaucoup d'Oscar Isaac.

Mais sa branche était irlandaise comme Carey Mulligan, pas guétémalienne comme Isaac.

Peu importe. Cette filiation visuelle m'a ébranlé.
D'autant plus que dans la semaine, à au moins deux reprises, au travail dans la nuit, j'ai senti mon père très près de moi. Comme une présence qui me soutenait dans mes efforts physiques, tout en essayant de me donner du courage dans ma lâcheté ailleurs.

Chaque fois j'ai rejeté ce coup de pied au cul surnaturel que je me disais que j'inventais.
Puis j'ai réalisé une chose.

Je vivais ceci le 2 juin.
C'était le 12ème anniversaire de ma fille.

Mon père ne faisait probablement que venir se pointer pour l'une de ses petites-filles.
(et pour me rappeler mes responsabilités de juin...)


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