vendredi 10 avril 2015

Delphine Seyrig

Elle.

Femme mystique et splendide du chef d'oeuvre surréaliste d'Alain Resnais et d'Alain Robbe-Grillet L'Année Dernière à Marienbad, elle est née au Liban dans la plus belle lumière du monde.

Grande, mince, les yeux très bleus, les cheveux tantôt blonds, tantôt roux, tantôt bruns pour coller à son teint mandarine, elle est vite parfaitement bilingue

Son père est archéologue, Directeur du Service des Antiquités du Liban, sa mère, navigatrice, descendante directe d'Henri de Saussure et la grande copine d'Ella Maillart.

Delphine voyage donc beaucoup dès son jeune âge. À 16 ans, elle prend ses premiers cours d'arts dramatique. Elle est grande pour une française, mince, belle. Elle a le teint orange. Les cheveux blonds. La dentition irrégulière qu'elle montre complètement quand elle rit. Elle apprendra à garder la bouche fermée sur ses photos. Ses parents lui offrent une maison à Paris. Elle va passer son temps à la cinémathèque de Langlois. Quand elle ne va pas au cinéma, elle lit, elle lit sans arrêt. Sa vie ne sera pas ordinaire. Elle voyagera. Et elle fera voyager sa beauté.

À 20 ans, elle décroche son premier rôle au théâtre. Deux ans plus tard c'est la télévision. Sa voix est jugée particulière. Elle va aux États-Unis y suivre des cours à l'Actors Studio. Elle y joue dans Pull My Daisies de Robert Frank. Alain Resnais passe par New York en 1959 et la découvre dans une pièce d'Isben, alors qu'il est en pleine tournée de promotion pour Hiroshima, Mon Amour. Elle sera La femme dans son prochain film. Elle est la grâce, son visage c'est l'ombre de Greta Garbo, le côté félin de Clara Bow. Elle est d'une disponibilité entière pour la caméra.

Au théâtre, elle joue les plus grands. Giraudoux, Beaumarchais, Pirandello, Shakespeare, Tchekhov, Tourgueniev, Wilde, Pinter, Stoppard, James, Duras Handke.

Elle parle comme quelqu'un qui viendrait d'apprendre le français. Lentement et sensuellement. Comme si elle mordait lentement dans un fruit. Avec un rajeunissement de la langue unique. En anglais, c'est la même chose. On connait comment les français massacrent la langue de Shakespeare. Sa lente diction, c'est de la musique inimitable. Certains réalisateurs, réalisatrices prétendent qu'ils l'auraient engagée au téléphone. Simplement pour cette voix si distincte et distinguée. Elle retrouve Resnais presque tout de suite après. Sa notoriété prend de l'expansion quand la Mostra de Venise la récompense pour ce film. Les Victoires du cinéma français feront de même.

  Klein, Losey, Duras, Truffaut, Bunuel (dans les 6 dernières minutes), Demy, Seyrig fonctionne à plein régime.  Elle est féministe et militante avec Duras. C'est dans son appartement qu'en 1972, Harvey Karman, fait la première démonstration de sa méthode d'interruption volontaire de grossesse. Elle co-réalise du documentaire sur le féminisme. Il y a une tonne de kilométrage de débroussaillage à faire sur ce sujet en France.

Bunuel encore, Zinnemann aux États-Unis, Losey encore, Siegel, tous les deux aux États-Unis. Delphine a un pied à terre à New York.

Son compagnon, c'est le tout aussi chic Sami Frey. Seyrig est à la fois l'incarnation de la femme romantique et inaccessible, mais aussi la représentation de la femme indépendante, réaliste et maîtresse de son destin. Elle réalise un autre documentaire sur la condition des femmes.

Akerman, Duras encore, ses amitiés sont fortes. Mizrahi, Akerman encore.

Elle tire sa révérence du cinéma en 1989. Elle a apprise qu'elle est atteinte du cancer.
Le cancer du poumon l'emporte à l'automne 1990.
Elle n'avait que 58 ans.

Delphine aurait eu 83 ans aujourd'hui.

Belle.

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